Stockholm. C’est un énième point de friction entre Stockholm et Pékin. Le mardi 9 juillet, la Cour suprême suédoise a refusé l’extradition de Qiao Jianjun, un ressortissant chinois accusé de détournement de fonds public vers son pays d’origine, au motif qu’il y risquait la torture et la peine capitale. Sans remettre en question le fondement des poursuites, la cour a estimé que Qiao Jianjun risquait la mort avant tout pour son adhésion en 2010 au Parti démocrate, interdit dans le pays. Une décision que l’ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, s’est empressé de qualifier d’« irrespectueuse »1.

Il faut dire que cette décision de justice tombe en plein milieu d’une période de regain de tensions entre les deux pays. Depuis 2015, les autorités suédoises demandent à Pékin la libération du libraire suédois d’origine chinoise Gui Minhai, enlevé alors qu’il se trouvait en Thaïlande.2. L’année dernière, la querelle diplomatique s’est déplacée sur les réseaux sociaux, avec la diffusion d’une vidéo montrant des touristes chinois en pleurs devant un hôtel de Stockholm. Le document a enflammé les réseaux sociaux chinois et le gouvernement de Pékin a notamment recommandé à ses ressortissants d’éviter de se rendre dans le pays. En mars dernier, l’ambassadrice de Suède en Chine a même été mise en examen pour atteinte à la sécurité nationale pour avoir tenté de dissuader la famille de Gui Minhai d’exiger sa libération dans les médias. Enfin, le royaume scandinave vient de déposer cette semaine, avec une vingtaine d’autres pays, une requête devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies pour exhorter la Chine à mettre fin à l’internement massif des populations ouïghoures3.

C’est désormais un lourd passif qui freine le développement des relations diplomatiques entre les deux pays. Forte du soutien de l’Union, la classe politique suédoise, longtemps accusée de passivité à l’égard de Pékin, s’est décidée depuis deux années à critiquer plus ouvertement le régime communiste. Au début du mois de juillet, le rendez-vous politique annuel d’Almedalen, sur l’île de Gotland, a mis à l’honneur la Chine au cours d’un « China Day ». Une initiative qui a déclenché une polémique en Suède, le festival étant consacré à la promotion de la démocratie. Le quotidien Expressen a notamment accusé certains hommes politiques suédois de chercher à blanchir l’image de la Chine et des entreprises chinoises (Air China, Bank of China) dans les médias de leur pays4. La firme de télécommunications Huawei avait déjà annulé sa participation avant le début de la polémique.

La question de l’image des entreprises chinoises est d’une grande acuité en Suède. Le royaume possède en effet un marché intérieur restreint et une économie fortement dépendante des exportations. En février dernier, le Parlement européen a voté un règlement prévoyant l’examen des investissements directs à l’étranger dans des domaines stratégiques dans les pays membres de l’Union5. Il envisage notamment de faciliter les échanges d’informations entre les États membres. Un règlement qui a fait l’effet d’un électrochoc en Suède, où les discussions dans la presse sur les risques liés aux investissements directs étrangers dans des secteurs stratégiques se sont multipliées. Si le royaume n’a pas encore introduit de système d’examen de ces investissements, une enquête parlementaire sur la question a été ouverte. Rappelons que le groupe chinois Geely est l’unique propriétaire de Volvo Cars et le partenaire de la société suédoise dans AB Volvo6.

Sources
  1. ROGVALL Filippa, Kinas ambassadör kritiserar svensk domstol : ”Respektlöst”, 3 juillet 2019, Expressen
  2. GAUCHET Thomas, La Chine et la Suède entre tensions et rapprochements, Le Grand Continent, 17 février 2019
  3. HOGFELDT David, Sverige kritiserar Kina för massinternering, Dagen, 13 juillet 2019
  4. BAAS David, Tidigare M-politikern får kritik – vill hjälpa Kina, Expressen, 2 juillet
  5. BOSTRÖM Håkan, Vem ska äga svenska företag ?, Göteborgs-Posten, 16 juillet 2019
  6. GAUCHET Thomas, Crise diplomatique entre la Suède et la Chine, Le Grand Continent, 7 octobre 2018