Stockholm. La vidéo dure une trentaine de secondes, mais elle a provoqué un véritable incident diplomatique entre la Suède et la Chine. Le 2 septembre, une famille de touristes chinois se présente dans un hôtel de Stockholm afin de prendre possession de sa chambre. La réservation ne portant que pour le 3 septembre, la direction de l’hôtel refuse d’accueillir la famille et appelle la police afin de leur faire quitter les lieux. Les forces de l’ordre ont alors évacué la famille et l’ont déposée plus loin, près d’un parc boisé. La vidéo de cette expulsion est devenu un phénomène viral en Chine. L’ambassadeur de Chine a demandé des excuses à la Suède en affirmant que la famille avait été maltraitée et battue par la police (3). La tension s’est accentuée lorsque SVT, la chaîne publique suédoise, a réalisé une parodie de la vidéo. Le ministère des affaires étrangères chinois a alors déposé une protestation officielle auprès du ministère des affaires étrangères suédois. Le gouvernement chinois a ainsi accusé la Suède de “violer les droits humains” des touristes chinois et déconseillé à ses ressortissants de se rendre dans le pays (4).

Mais la crise doit en réalité se comprendre dans le contexte de relations houleuses depuis plusieurs années. Récemment, le Dalaï Lama s’est rendu en Suède, attirant ainsi les foudres de Pékin sur le royaume scandinave. Mais les relations diplomatiques sont surtout empoisonnées par l’affaire Gui Minhai. Depuis 2015, cet éditeur suédois d’origine chinoise, est emprisonné en Chine. En 2015, il avait été arrêté au cours d’un voyage en Thaïlande par des agents chinois et contraint de reconnaître des crimes présumés. En 2017, une fausse information de libération émise par la Chine avait conduit le gouvernement suédois à envoyer des agents sur place, sans succès (2).

Une situation complexe alors que la Suède est l’économie d’Europe de l’Ouest dans laquelle la Chine a le plus investi au premier semestre 2018. Les investissements chinois représentent environ 32 milliards de couronnes, principalement fournis par Geely, le groupe chinois propriétaire de Volvo. Des investissements salutaires pour l’industrie suédoise qui peut allier les compétences suédoises en recherche et innovation aux capacités productives chinoises (1). Cependant, le “rapport sur la Chine” du think tank Fri Värld, rédigé par un spécialiste en politiques de sécurité, alerte sur la recherche d’influence chinoise par le biais de ces investissements. La politique gouvernementale “Made in China 2025” vise ainsi à faire de la Chine le leader mondial dans dix domaines de haute technologie à l’horizon 2025, notamment en acquérant des sociétés de technologie étrangère (5).

Sources :

  1. AMBLER Pamela, Volvo & Geely : The Unlikely Marriage Of Swedish Tech And Chinese Manufacturing Might That Earned Record Profits , Forbes, 23 janvier 2018.
  2. HANSSON Wolfgang, Kina vill varna Sverige att hålla tyst, Aftonbladet, 25 septembre 2018.
  3. JOHANSSON Linnea, Allt du behöver veta om turistkrisen med Kina, Metro, 28 septembre 2018.
  4. KUO Lily, China accuses Sweden of violating human rights over treatment of tourists, The Guardian, 17 septembre 2018.
  5. PREUTZ Helen, Kinaexpert : Sverige behöver en Kinastrategi, Göteborgs-Posten, 2 octobre 2018.