Remplacer l’Occident : un infléchissement de la doctrine Poutine

Devant les engrenages technocratiques de la diplomatie russe, Vladimir Poutine a prononcé ce vendredi un discours important qui actualise le concept stratégique de la Russie : de l’arsenalisation du Sud Global à une nouvelle ouverture aux « peuples d’Europe » et aux forces politiques qui auraient remporté les Européennes du 9 juin — jusqu’à une « proposition de cessez-le-feu » qui lui permettrait d’avaler un quart du territoire ukrainien.

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Le Grand Continent
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© AP Photo/Alexander Zemlianichenko, Pool

Pour la première fois depuis 2021, Vladimir Poutine s’est rendu ce vendredi à une rencontre avec la direction du ministère russe des affaires étrangères. Nous avons décidé de traduire et commenter cette prise de parole importante.

D’abord, elle façonne un moment technocratique au sein du corps diplomatique russe : Poutine a parlé devant plusieurs membres clefs de l’administration présidentielle et du gouvernement, de l’Assemblée fédérale et d’autres autorités exécutives de la Russie. Ce moment d’alignement et de coordination intervient après l’élection fabriquée du mois de mars et permet d’actualiser, un an plus tard, le Concept de la politique étrangère1 autour d’une priorité : la désoccidentalisation du monde, en tissant de nouveaux liens diplomatiques et économiques avec les pays de la « Majorité mondiale ».

Par la suite, cette prise de parole est une réaction évidente aux résultats des Européennes 2024. L’Europe, présente avec presque quarante citations directes, fait l’objet d’une attention relativement inédite depuis l’invasion de février 2022 et même d’un appel à une nouvelle considération de la relation : « Le véritable danger pour l’Europe ne provient pas de la Russie. La principale menace pour les Européens réside dans leur dépendance critique et croissante, presque totale, à l’égard des États-Unis, que ce soit dans les domaines militaire, politique, technologique, idéologique ou informationnel. L’Europe se retrouve de plus en plus marginalisée sur la scène économique mondiale, confrontée au chaos des migrations et à d’autres problèmes urgents, tout en étant privée de sa propre voix internationale et de son identité culturelle. Il semble parfois que les politiciens européens au pouvoir et les représentants de la bureaucratie européenne craignent davantage d’irriter Washington que de perdre la confiance de leur propre peuple. Les récentes élections au Parlement européen en témoignent ». 

Enfin, Poutine a prononcé ce discours à la veille d’un sommet qui a réuni au Bürgenstock, en Suisse, les représentants de plus de 90 pays. Il y énonce pour la première fois les conditions — en l’état, impossible à accepter : elles impliqueraient selon nos calculs l’annexion de plus de 22 % du territoire ukrainien — d’un cessez-le-feu en Ukraine : « Nos conditions sont simples : les troupes ukrainiennes doivent être complètement retirées des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, ainsi que des régions de Kherson et de Zaporijjia, et ce retrait doit concerner tout le territoire de ces régions dans leurs limites administratives telles qu’elles existaient au moment de leur intégration à l’Ukraine. Dès que Kiev déclarera sa volonté d’une telle décision et commencera le retrait effectif de ses troupes de ces régions, en plus de notifier officiellement l’abandon de ses projets d’adhésion à l’OTAN, nous ordonnerons immédiatement un cessez-le-feu et entamerons des pourparlers. Nous le ferons instantanément. Bien entendu, nous garantirons également le retrait sans entrave et en toute sécurité des unités et formations ukrainiennes ».

Merci beaucoup.

Le président russe intervient après Sergueï Lavrov. Le ministre des affaires étrangères en fonction depuis le 9 mars 2004 a introduit le discours présidentiel en remerciant Poutine pour « l’attention inébranlable [qu’il porte] au service de la politique étrangère » et en indiquant que cette prise de parole devait permettre à l’ensemble de l’administration de « coopérer et de nous coordonner étroitement dans la poursuite d’une politique étrangère commune, qui est déterminée par le Président de la Russie et qui est énoncée dans le Concept de la politique étrangère de notre pays ». 

Chers collègues, bonjour !

Je suis heureux de vous accueillir, et, alors que notre réunion débute, je souhaite vous remercier pour votre travail acharné, qui sert l’intérêt de la Russie et de notre peuple.

Nous nous sommes précédemment réunis en novembre 2021. Au cours de cette période, de nombreux évènements charnières, sans hyperbole se sont déroulés, au niveau national et international. Par conséquent, j’estime qu’il est important d’évaluer la situation actuelle en tenant compte des affaires mondiales et régionales, ainsi que d’établir des responsabilités appropriées et proportionnelles au ministère des Affaires étrangères. Toutes seront subordonnées à notre objectif principal : créer les conditions d’un développement durable du pays, assurer sa sécurité et améliorer le bien-être des familles russes.

Travailler au sein de ce domaine, inscrit dans des réalités complexes et mouvantes exige de notre part une concentration toujours plus conséquente de nos efforts, de nos initiatives, de notre persévérance, de notre capacité à répondre aux défis présents tout en envisageant un programme viable sur le long terme, d’entretenir nos relations avec nos partenaires, et de maintenir un dialogue ouvert et constructif pour dessiner des solutions potentielles à ces questions fondamentales, qui nous concernent non seulement nous, mais également la communauté internationale.  

Je le répète : le monde est en constant changement. La politique mondiale, l’économie et la concurrence technologique évoluent considérablement. De plus en plus d’États s’efforcent de renforcer leur souveraineté, leur autosuffisance, leur identité nationale et culturelle. Les pays du Sud et de l’Est s’affirment dans l’échiquier politique global et l’influence de l’Afrique et de l’Amérique latine ne cesse de croître. Depuis l’époque soviétique, l’importance de ces régions a toujours été un sujet récurrent, mais aujourd’hui, cette dynamique est perceptible. Le rythme des transformations en Eurasie, où un certain nombre de projets d’intégration à grande échelle sont activement mis en œuvre, s’est également nettement accéléré.

Les contours d’un ordre mondial multipolaire et multilatéral se dessinent aujourd’hui sur la base de cette nouvelle réalité politique et économique. Ce processus objectif reflète la diversité culturelle et civilisationnelle, qui demeure organiquement inhérente à l’être humain — malgré toutes les tentatives d’unification artificielle.

Ces changements profonds et systémiques inspirent sans aucun doute l’optimisme et l’espoir. L’établissement des principes de multipolarité et de multilatéralisme dans les affaires internationales, notamment le respect du droit international et une représentativité élargie, permet de résoudre collectivement les problèmes les plus complexes dans l’intérêt commun. Cela favorise également la construction de relations mutuellement bénéfiques et la coopération entre les États souverains pour le bien-être et la sécurité des peuples.

Une telle perspective d’avenir correspond aux aspirations de la grande majorité des pays du monde. Nous le constatons notamment dans l’intérêt croissant pour le travail d’une organisation aussi universelle que les BRICS, qui repose sur une culture particulière de dialogue confiant, d’égalité souveraine des participants et de respect mutuel. Dans le cadre de la présidence russe de cette année, nous nous engageons à faciliter avec fluidité l’intégration des nouveaux membres au sein des structures opérationnelles de l’association.

J’en appelle au gouvernement et au Ministère des Affaires étrangères pour poursuivre les discussions approfondies et le dialogue avec nos partenaires, en vue du sommet des BRICS prévu à Kazan en octobre. Nous aspirons à parvenir à un ensemble significatif de décisions convenues, définissant ainsi l’orientation de notre coopération dans les domaines de la politique, de la sécurité, de l’économie, des finances, de la science, de la culture, du sport et des échanges humanitaires.

Dans l’ensemble, je suis convaincu que le potentiel des BRICS les dispose à  devenir l’une des principales institutions régulatrices de l’ordre mondial multipolaire.

À cet égard, il est important de souligner que les discussions internationales concernant les modalités d’interaction entre les États dans un monde multipolaire et la démocratisation de l’ensemble du système des relations internationales sont déjà en cours. À titre d’exemple, avec nos collègues de la Communauté des États indépendants, nous avons convenu et adopté un document conjoint sur les relations internationales dans un monde multipolaire. Nous avons également encouragé nos partenaires à aborder cette question lors d’autres forums internationaux, en particulier au sein de l’OCS et des BRICS.

Le secrétaire d’État — vice-ministre des Affaires étrangères de Russie Evgeny Ivanov (deuxième à partir de la gauche), le chef de la Direction principale de l’état-major général des forces armées russes — chef adjoint de l’état-major général des forces armées russes Igor Kostyukov (deuxième à partir de la droite) et le représentant au Conseil de la Fédération de Russie de l’organe exécutif du pouvoir d’État de la région de Sakhaline Grigory Karasin (à droite) avant le début de la réunion. © Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

Nous aspirons à approfondir sérieusement ce dialogue au sein de l’ONU, en abordant des sujets aussi fondamentaux et vitaux pour tous que la création d’un système de sécurité indivisible. En d’autres termes, nous visons à instaurer dans les affaires mondiales le principe selon lequel la sécurité de chacun ne peut être garantie au détriment de celle des autres.

Permettez-moi de rappeler que vers la fin du XXe siècle, après la résolution d’une confrontation militaro-idéologique intense, la communauté mondiale a été confrontée à une opportunité unique d’établir un ordre sécuritaire fiable et équitable. Pour cela, il n’aurait fallu que peu de choses : une simple disposition à écouter les opinions de toutes les parties concernées et une volonté mutuelle de les prendre en compte. Notre pays s’est fermement engagé à mener ce type de travail constructif.

Cependant, une approche différente a prévalu. Les puissances occidentales, principalement menées par les États-Unis, ont estimé qu’elles avaient remporté la guerre froide et qu’elles avaient le droit de déterminer unilatéralement l’organisation du monde. Cette perspective s’est matérialisée concrètement par le projet d’expansion sans limites de l’OTAN, à la fois géographiquement et temporellement, bien que d’autres idées aient également émergé pour garantir la sécurité en Europe.

À nos justes interrogations, on opposait des excuses — arguant que personne n’avait l’intention d’attaquer la Russie et que l’expansion de l’OTAN n’était pas dirigée contre elle. Les engagements pris envers l’Union soviétique — puis envers la Russie à la fin des années 1980 et au début des années 1990 — de ne pas étendre le bloc ont été rapidement oubliés. Et même lorsqu’ils étaient rappelés, ils étaient souvent moqués en soulignant que ces assurances étaient purement verbales et donc non contraignantes.

Dans les années 1990 et plus tard, nous avons constamment alerté sur la voie erronée choisie par les élites de l’Occident, nous ne nous sommes pas contentés de critiquer et de mettre en garde, mais nous avons proposé des options, des solutions constructives, et nous avons souligné l’importance de développer un mécanisme pour la sécurité européenne et mondiale qui conviendrait à tous — je souligne bien à tous. Une simple liste des initiatives proposées par la Russie au fil des ans prendrait plus d’un paragraphe.

Rappelons au moins l’idée d’un traité sur la sécurité européenne que nous avons avancée dès 2008. Les mêmes thèmes ont été abordés dans le mémorandum du ministère russe des Affaires étrangères, transmis aux États-Unis et à l’OTAN en décembre 2021.

Malgré nos nombreuses tentatives — que je ne peux pas toutes énumérer — pour raisonner nos interlocuteurs à travers des explications, des exhortations, des avertissements et des demandes de notre part, nos appels sont restés sans réponse. Les pays occidentaux, convaincus non seulement de leur légitimité, mais également de leur pouvoir et de leur capacité à imposer leur volonté au reste du monde, ont tout simplement ignoré les opinions divergentes. Au mieux, ils semblaient disposés à discuter de questions mineures qui, en réalité, n’avaient que peu de pertinence, ou de sujets favorables uniquement à l’Occident.

Entretemps, il est devenu évident que le schéma occidental, présenté comme le seul garant de la sécurité et de la prospérité en Europe et dans le monde, ne fonctionnait pas vraiment. Qu’on se souvienne de la tragédie des Balkans. Les problèmes internes en ex-Yougoslavie, bien qu’ils fussent latents, ont été considérablement exacerbés par une ingérence extérieure flagrante. À cette époque déjà, les limites du grand principe de la diplomatie otanienne, qui s’est avéré défectueux et inefficace pour résoudre des conflits internes complexes, étaient manifestes. Ce principe consiste à accuser l’une des parties, souvent sans fondement, et à mobiliser toute la puissance politique, médiatique et militaire, ainsi que les sanctions économiques et les restrictions à son encontre.

Par la suite, ces mêmes approches ont été appliquées dans différentes régions du monde, comme nous le savons très bien : en Irak, en Syrie, en Libye, en Afghanistan, et ainsi de suite. Elles n’ont engendré qu’une aggravation des problèmes existants, des destins brisés pour des millions de personnes, la destruction d’États entiers, l’essor de catastrophes humanitaires et sociales, et la prolifération d’enclaves terroristes. Aucun pays au monde n’est à l’abri d’être ajouté à cette triste liste.

Aujourd’hui, l’Occident s’efforce de s’immiscer de manière effrontée dans les affaires du Moyen-Orient. Ils ont autrefois monopolisé cette zone, et le résultat est aujourd’hui clair et évident. Ensuite, il y a le Caucase du Sud, l’Asie centrale. Il y a deux ans, lors du sommet de l’OTAN à Madrid, il a été annoncé que l’alliance s’occuperait désormais des questions de sécurité non seulement dans la région euro-atlantique, mais aussi dans la région Indo-Pacifique. Ils prétendent ne pas pouvoir s’en abstenir là aussi. Il est évident qu’il s’agit là d’une tentative d’accroître la pression sur les pays de la région qu’ils ont choisi de ralentir dans leur développement. Comme nous le savons, notre pays, la Russie, est en tête de cette liste.

Permettez-moi également de vous rappeler que c’est Washington qui a perturbé la stabilité stratégique en se retirant unilatéralement des traités sur la défense antimissile, sur l’élimination des missiles à portée intermédiaire et à plus courte portée, et du traité Ciel ouvert. En outre, avec ses alliés de l’OTAN, il a démantelé le système de mesures de confiance et de contrôle des armements en Europe qui avait été soigneusement mis en place au fil des décennies.

En fin de compte, c’est l’égoïsme et l’arrogance des États occidentaux qui ont conduit à la situation extrêmement dangereuse que nous connaissons aujourd’hui. 

Nous nous approchons de manière inacceptable d’un point de non-retour. 

Les appels à une défaite stratégique de la Russie, qui détient les plus grands arsenaux d’armes nucléaires, témoignent de l’aventurisme extrême des politiciens occidentaux : soit ils sous-estiment la menace qu’ils représentent eux-mêmes, soit ils sont simplement obsédés par la croyance en leur propre impunité et en leur propre exceptionnalisme. Dans les deux cas, la situation pourrait se révéler tragique

Il est évident que le système de sécurité euro-atlantique est en train de s’effondrer. Actuellement, il est pratiquement inexistant et doit être reconstruit de manière virtuelle. Tout cela nécessite que nous élaborions des stratégies pour garantir la sécurité en Eurasie, en collaboration avec nos partenaires, avec tous les pays intéressés, qui sont nombreux, et que nous les soumettions ensuite à un large débat international.

C’est l’objectif énoncé dans le Discours devant l’Assemblée fédérale. Il s’agit de créer à court terme un cadre de sécurité équitable et indivisible, basé sur la coopération et le développement mutuellement bénéfique et équitable sur le continent eurasiatique.

Pour atteindre cet objectif, quelles actions devons-nous entreprendre et sur quels principes devons-nous nous appuyer ?

Tout d’abord, nous devons initier un dialogue avec tous les acteurs potentiels de ce futur système de sécurité. Je vous demande de commencer par régler les questions nécessaires avec les États ouverts à une coopération constructive avec la Russie.

Lors de ma récente visite en République populaire de Chine, nous avons abordé ces questions avec le président chinois Xi Jinping. Nous avons souligné que la proposition russe ne va pas à l’encontre, mais complète et respecte pleinement les principes fondamentaux de l’initiative chinoise pour la sécurité globale.

Deuxièmement, il est crucial de partir du principe que la future architecture de sécurité est ouverte à tous les pays eurasiens intéressés à participer à sa création. « À tous », cela inclut également les pays européens et les membres de l’OTAN, naturellement. Nous partageons un seul continent et, quelle que soit la situation, nous sommes liés par notre géographie commune ; nous devons donc coexister et collaborer d’une manière ou d’une autre.

Le chef d’état-major adjoint du gouvernement russe, Elmir Tagirov (à gauche), avant le début de la réunion. © Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

Certes, les relations entre la Russie et l’Union, ainsi qu’avec certains pays européens, se sont détériorées — et j’ai souligné à maintes reprises que ce n’est pas de notre faute. Une campagne de propagande anti-russe, impliquant même des personnalités de haut rang en Europe, est en cours, alimentant des spéculations selon lesquelles la Russie serait sur le point d’attaquer l’Europe. J’ai déjà abordé ce point à plusieurs reprises, et il est inutile de le répéter ici : nous sommes tous conscients que c’est un non-sens absolu, simplement une justification pour une course aux armements.

Permettez-moi une brève digression à ce sujet.

Le véritable danger pour l’Europe ne provient pas de la Russie. La principale menace pour les Européens réside dans leur dépendance critique et croissante, presque totale, à l’égard des États-Unis, que ce soit dans les domaines militaire, politique, technologique, idéologique ou informationnel. L’Europe se retrouve de plus en plus marginalisée sur la scène économique mondiale, confrontée au chaos des migrations et à d’autres problèmes urgents, tout en étant privée de sa propre voix internationale et de son identité culturelle.

Il semble parfois que les politiciens européens au pouvoir et les représentants de la bureaucratie européenne craignent davantage d’irriter Washington que de perdre la confiance de leur propre peuple. Les récentes élections au Parlement européen en témoignent. Ces politiciens européens endurent humiliations, grossièretés et scandales avec une résignation palpable vis-à-vis des dirigeants américains, tandis que les États-Unis les manipulent pour servir leurs propres intérêts : ils les contraignent à acheter leur gaz à prix exorbitant — le prix du gaz en Europe est trois à quatre fois plus élevé qu’aux États-Unis — ou encore, comme actuellement, ils exigent que les pays européens accroissent leurs livraisons d’armes à l’Ukraine. Ces demandes sont incessantes et les sanctions contre les entreprises européennes sont imposées sans la moindre hésitation.

Actuellement, ils les contraignent à augmenter les livraisons d’armes à l’Ukraine et à renforcer leur capacité de production d’obus d’artillerie. Mais posez-vous cette question : qui aura besoin de ces obus une fois le conflit en Ukraine terminé ? Comment cela peut-il garantir la sécurité militaire de l’Europe ? Cela reste flou. Pendant ce temps, les États-Unis investissent massivement dans les technologies militaires et dans les technologies de demain, telles que l’espace, les drones modernes et les systèmes de frappe basés sur de nouveaux principes physiques. Ce sont des domaines qui façonneront l’avenir des conflits armés et détermineront le potentiel militaire et politique des nations, ainsi que leur positionnement mondial. Et maintenant, ces nations se voient assigner le rôle suivant : investir de l’argent là où nous en avons besoin. Mais cela ne renforce en rien le potentiel européen. Laissons-les agir à leur guise.

Cela pourrait sembler être dans notre intérêt, mais en réalité, c’est l’inverse.

Si l’Europe veut maintenir sa position en tant que centre indépendant du développement mondial et préserver son rôle de pôle culturel et civilisationnel de la planète, elle doit absolument cultiver de bonnes relations avec la Russie. Nous sommes, par-dessus tout, prêts à cela.

Cette vérité simple et évidente a été pleinement saisie par des hommes politiques d’envergure vraiment paneuropéenne et mondiale, des patriotes de leurs pays et de leurs peuples, qui pensent en termes historiques plutôt qu’en simples statisticiens suivant la volonté et les incitations d’autrui. Charles de Gaulle en a longuement parlé dans les années d’après-guerre. Je me souviens également très bien d’une conversation à laquelle j’ai eu le privilège de participer personnellement en 1991, où le chancelier allemand Helmut Kohl avait souligné l’importance du partenariat entre l’Europe et la Russie. Je suis convaincu que tôt ou tard, les nouvelles générations de dirigeants européens reviendront à cet héritage.

Les États-Unis eux-mêmes semblent être pris au piège des efforts incessants des élites libérales-mondialistes au pouvoir pour propager leur idéologie à l’échelle mondiale par tous les moyens possibles, tout en cherchant à préserver leur statut impérial et leur domination. Ces actions ne font qu’accentuer le déclin du pays, le conduisant inexorablement vers la dégradation, et sont en flagrante contradiction avec les véritables intérêts du peuple américain. Sans cette impasse idéologique, sans ce messianisme agressif teinté de la conviction de leur supériorité et de leur exclusivité, les relations internationales auraient depuis longtemps trouvé une stabilité bienvenue.

Troisièmement, afin de promouvoir l’idée d’un système de sécurité eurasiatique, il est impératif d’intensifier considérablement le processus de dialogue entre les organisations multilatérales qui opèrent déjà en Eurasie. Nous devons principalement nous concentrer sur l’État de l’Union de la Russie et du Bélarus, l’Organisation du traité de sécurité collective, l’Union économique eurasienne, la Communauté des États indépendants et l’Organisation de coopération de Shanghai.

Nous voyons la perspective d’une plus grande implication d’autres associations eurasiennes influentes, de l’Asie du Sud-Est au Moyen-Orient, dans ces processus à l’avenir.

Quatrièmement, nous pensons que le moment est venu d’entamer une vaste discussion sur un nouveau système de garanties bilatérales et multilatérales de sécurité collective en Eurasie. En même temps, à long terme, il est nécessaire de réduire progressivement la présence militaire des puissances extérieures dans la région eurasienne.

Nous reconnaissons que cette proposition peut sembler idéaliste dans le contexte actuel. Mais c’est justement maintenant qu’il faut agir. En établissant un système de sécurité fiable pour l’avenir, nous réduirons progressivement — voire nous éliminerons — le besoin de déploiement de contingents militaires extrarégionaux. En réalité, pour être franc, cette présence n’est pas nécessaire aujourd’hui ; elle ne constitue rien d’autre qu’une occupation.

En fin de compte, nous croyons que la responsabilité incombe aux États et aux structures régionales de l’Eurasie d’identifier des domaines spécifiques de coopération en matière de sécurité collective. Sur cette base, ils devraient développer un ensemble d’institutions, de mécanismes et d’accords de travail qui serviraient véritablement les objectifs communs de stabilité et de développement.

À cet égard, nous soutenons l’initiative de nos partenaires biélorusses visant à élaborer un document de programme — une charte sur la multipolarité et la diversité au XXIe siècle. Ce document pourrait non seulement définir les principes directeurs de l’architecture eurasienne basés sur les normes fondamentales du droit international, mais également offrir une vision stratégique plus large de la nature et de l’essence de la multipolarité et du multilatéralisme en tant que nouveau système de relations internationales destiné à remplacer le monde centré sur l’Occident. Je considère qu’il est crucial de mener une élaboration approfondie de ce document en collaboration avec nos partenaires et tous les États intéressés. Il est également essentiel de garantir une représentation maximale et une prise en compte des diverses approches et positions lors de discussions sur des questions aussi complexes et pointues.

Cinquièmement, une partie essentielle du système eurasien de sécurité et de développement devrait incontestablement englober les questions économiques, le bien-être social, l’intégration et la coopération mutuellement bénéfique. Cela comprend la résolution de problèmes communs tels que la lutte contre la pauvreté, l’inégalité, les défis climatiques et environnementaux, ainsi que le développement de mécanismes pour faire face aux menaces de pandémies et de crises dans l’économie mondiale. Tous ces aspects revêtent une importance capitale.

L’Occident, par ses actions, a non seulement sapé la stabilité militaire et politique dans le monde, mais il a également discrédité et affaibli les principales institutions du marché par le biais de sanctions et de guerres commerciales. En utilisant des institutions telles que le FMI et la Banque mondiale, ainsi qu’en influençant l’agenda climatique, il a entravé le développement des pays du Sud. En perdant la compétition, même dans le cadre des règles qu’il avait lui-même établies, l’Occident recourt désormais à des barrières prohibitives et à diverses formes de protectionnisme. Par exemple, les États-Unis ont effectivement sapé le rôle de l’Organisation mondiale du commerce en tant que régulateur du commerce international. Tout est en stagnation. Ils exercent des pressions non seulement sur leurs concurrents, mais aussi sur leurs alliés — il suffit de voir comment ils exploitent aujourd’hui les économies européennes, déjà fragilisées et au bord de la récession.

Les pays occidentaux ont gelé une partie des actifs et des réserves monétaires de la Russie, et envisagent maintenant de légitimer leur appropriation définitive. Cependant, malgré toutes les manœuvres, le vol reste du vol et ne restera pas impuni.

Le problème va au-delà de ces actes spécifiques. En saisissant les actifs russes, l’Occident avance un pas de plus vers la destruction du système qu’il avait lui-même créé et qui, pendant des décennies, a assuré sa prospérité en lui permettant de consommer plus qu’il ne gagnait et en attirant des fonds du monde entier par le biais de dettes et d’engagements. Aujourd’hui, il devient évident pour tous les pays, entreprises et fonds souverains que leurs actifs et leurs réserves ne sont pas totalement sûrs, ni sur le plan juridique ni sur le plan économique. Le prochain à être exproprié par les États-Unis et l’Occident pourrait être n’importe qui — même des fonds souverains étrangers pourraient être visés.

Le système financier, fondé sur les monnaies de réserve occidentales, est de plus en plus sujet à une méfiance croissante. On constate aujourd’hui une défiance vi-à-vis des titres et obligations de la dette des pays occidentaux, ainsi que de certaines banques européennes, qui étaient autrefois considérées comme des lieux sûrs pour stocker des capitaux. Actuellement, les investisseurs préfèrent se tourner vers l’or et prennent des mesures pour protéger leurs actifs.

Il est impératif que nous intensifiions sérieusement la mise en place de mécanismes économiques bilatéraux et multilatéraux efficaces et sécurisés, en alternative à ceux contrôlés par l’Occident. Cela comprend le développement de règlements en monnaies nationales, la création de systèmes de paiement indépendants et l’établissement de chaînes d’approvisionnement contournant les canaux entravés ou compromis par l’Occident.

Parallèlement, il est essentiel de poursuivre les efforts visant à développer les corridors de transport internationaux en Eurasie, dont la Russie constitue le noyau géographique naturel.

Je demande instamment au ministère des Affaires étrangères de fournir un soutien maximal au développement d’accords internationaux dans tous ces domaines. Ces accords sont d’une importance capitale pour renforcer la coopération économique entre notre pays et nos partenaires, et ils pourraient également donner un nouvel élan à la construction d’un vaste partenariat eurasien. C’est ce partenariat qui pourrait servir de fondement socio-économique à un nouveau système de sécurité indivisible en Europe.

Le président de la commission de la Douma d’État russe sur les affaires de la Communauté des États indépendants, l’intégration eurasienne et les relations avec les compatriotes, Leonid Kalashnikov (au centre), avant le début de la réunion. © Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

Chers collègues,

L’objectif de nos propositions est de créer un système où tous les États puissent avoir confiance en leur propre sécurité. C’est seulement dans un tel environnement que nous pourrons envisager une approche véritablement constructive pour résoudre les nombreux conflits actuels. Les déficits en matière de sécurité et de confiance mutuelle ne se limitent pas au continent eurasien ; des tensions croissantes sont observées à travers le monde. Nous sommes conscients de l’interconnexion et de l’interdépendance croissantes sur le globe — la crise ukrainienne en est un exemple tragique, dont les répercussions touchent l’ensemble de la planète.

Il est essentiel de souligner que la crise en Ukraine ne se résume pas à un conflit entre deux États, encore moins entre deux peuples en désaccord. Si tel était le cas, les Russes et les Ukrainiens — partageant une histoire, une culture et des liens familiaux et humains — auraient probablement trouvé une résolution équitable à leurs différends.

Les racines de ce conflit ne résident pas dans des tensions bilatérales : les événements en Ukraine sont le fruit direct de l’évolution du monde et de l’Europe à la fin du XXe et au début du XXIe siècle, résultant d’une politique occidentale agressive, imprudente et souvent aventureuse, menée bien avant le déclenchement de toute opération militaire.

Les élites des pays occidentaux ont, comme je l’ai déjà souligné, jeté les bases d’une nouvelle restructuration géopolitique du monde après la fin de la guerre froide, créant et imposant un ordre fondé sur des règles où les États forts, souverains et autonomes sont souvent marginalisés.

Pour avancer vers des solutions efficaces et durables, il est impératif de reconnaître ces réalités. Cela nécessite un dialogue ouvert, une compréhension mutuelle et un engagement en faveur de la construction d’un ordre international basé sur le respect mutuel, la souveraineté des États et la coopération pacifique. C’est seulement ainsi que pourrons véritablement aspirer à une sécurité et à une stabilité mondiales durables.

La politique d’endiguement prend ainsi tout son sens. Les objectifs de cette politique sont ouvertement déclarés par certaines personnalités aux États-Unis et en Europe, qui évoquent la notion de « décolonisation de la Russie ». En réalité, il s’agit d’une tentative visant à fournir une base idéologique au démembrement de notre patrie le long de lignes nationales. Le projet de démembrement de l’Union soviétique et de la Russie est discuté depuis longtemps, c’est une réalité que tous les membres de cette assemblée connaissent bien.

Pour réaliser cette stratégie, les pays occidentaux ont adopté une politique d’absorption et de développement militaro-politique des territoires qui nous sont proches. Ils ont lancé cinq, maintenant six vagues d’expansion de l’OTAN, cherchant à faire de l’Ukraine leur tête de pont et à la polariser contre la Russie. À cette fin, ils ont investi massivement des fonds et des ressources, acheté des politiciens et des partis entiers, réécrit l’histoire et les programmes éducatifs, tout en soutenant et en cultivant des groupes néo-nazis et radicaux. Leur objectif était de miner nos liens interétatiques, de diviser nos peuples et de les dresser les uns contre les autres.

Le sud-est de l’Ukraine, une région faisant partie de la grande Russie historique depuis des siècles, a résisté à cette politique de manière résolue. Les habitants de cette région, même après la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991, ont continué à favoriser des relations étroites avec notre pays. Ce sont des Russes et des Ukrainiens, représentants de diverses nationalités, unis par la langue russe, la culture, les traditions et la mémoire historique.

Les millions de personnes vivant dans le sud-est de l’Ukraine méritaient une considération attentive de leur position, de leur humeur, de leurs intérêts et de leurs votes, comme l’ont fait les présidents et les politiciens ukrainiens de l’époque pour accéder au pouvoir. Malheureusement, plutôt que de respecter ces voix, les autorités ont opté pour la ruse, les manœuvres politiques et souvent la tromperie, en promettant un prétendu choix européen tout en évitant de rompre totalement avec la Russie, conscients de l’importance du soutien du sud-est de l’Ukraine, une région politiquement influente. Cette ambivalence a persisté pendant des années après la déclaration d’indépendance.

L’Occident a clairement reconnu cette réalité depuis longtemps. Ses représentants ont compris les défis persistants dans cette région et ont réalisé que, malgré leurs efforts, aucune quantité de propagande ne pourrait fondamentalement changer la situation. Même après avoir tenté diverses manœuvres politiques, il est devenu évident qu’il était difficile de transformer radicalement les opinions et les identités historiques profondément ancrées chez la majorité des habitants du sud-est de l’Ukraine, en particulier parmi les jeunes générations, qui entretenaient des liens étroits avec la Russie.

Face à cette résistance, certains ont choisi d’employer la force, de marginaliser cette région et d’ignorer ses opinions. Ils ont fomenté et financé un coup d’État armé, profitant des troubles politiques internes en Ukraine pour atteindre leurs objectifs.

Une vague de violences, de pogroms et d’assassinats a balayé les villes d’Ukraine à la suite de la prise de pouvoir par des radicaux à Kiev. Leurs slogans nationalistes agressifs, incluant la réhabilitation des sbires nazis, ont été élevés au statut d’idéologie d’État. Ils ont lancé un programme visant à éliminer la langue russe de l’État et des sphères publiques, tout en intensifiant la pression sur les croyants orthodoxes et en s’immisçant dans les affaires de l’Église, menant finalement à un schisme. Cette ingérence semble être acceptée comme normale, alors que d’autres distractions artistiques divertissent l’attention, tout cela sous prétexte de s’opposer à la Russie.

En opposition à ce coup d’État, des millions de personnes en Ukraine, principalement dans les régions orientales, ont résisté, malgré les menaces de représailles et de terreur. Face aux préparatifs des nouvelles autorités de Kiev pour une attaque contre la Crimée russophone, dont le transfert à l’Ukraine en 1954 s’était fait en violation des normes légales et procédurales, les Criméens et les habitants de Sébastopol ont été soutenus. Leur choix était clair, et en mars 2014, la réunification historique de la Crimée et de Sébastopol avec la Russie a été réalisée.

Dans des villes comme Kharkiv, Kherson, Odessa, Zaporijjia, Donetsk, Louhansk et Marioupol, les manifestations pacifiques contre le coup d’État ont été réprimées, déclenchant la terreur par le régime de Kiev et les groupes nationalistes. Les événements tragiques de ces régions sont gravés dans la mémoire collective, témoins des conséquences de cette période tumultueuse.

En mai 2014, des référendums ont été tenus sur le statut des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, où une majorité absolue de résidents a voté en faveur de l’indépendance et de la souveraineté. La légitimité de cette expression de volonté soulève immédiatement une question : les habitants avaient-ils le droit de faire cette déclaration d’indépendance ? Vous qui êtes présents dans cette salle comprenez évidemment que oui, qu’ils avaient pleinement le droit et la légitimité de le faire, conformément au droit international, y compris le droit des peuples à l’autodétermination, comme le stipule l’article 1, paragraphe 2, de la Charte des Nations unies.

À ce sujet, il est important de rappeler le précédent du Kosovo. Nous avons déjà discuté à plusieurs reprises de ce précédent, et je vais le mentionner à nouveau maintenant. Les pays occidentaux ont eux-mêmes reconnu la sécession du Kosovo de la Serbie en 2008 dans une situation similaire. La Cour internationale de justice des Nations unies a confirmé, le 22 juillet 2010, qu’il n’y avait aucune interdiction générale dans le droit international contre une déclaration unilatérale d’indépendance, comme l’a établi l’article 1, paragraphe 2, de la Charte des Nations unies. Elle a également affirmé que les parties d’un pays qui décident de déclarer leur indépendance ne sont pas obligées de consulter les organes centraux de leur ancien État.

Alors, ces républiques — Donetsk et Louhansk — avaient-elles le droit de déclarer leur indépendance ? Bien sûr, oui. La question ne peut même pas être traitée autrement.

Le régime de Kiev a totalement ignoré le choix du peuple et a lancé une guerre totale contre les nouveaux États indépendants, les républiques populaires du Donbass, en utilisant des avions, de l’artillerie et des chars. Ces villes pacifiques ont été bombardées et pilonnées, des actes d’intimidation ont été perpétrés. Face à cette agression, les habitants du Donbass ont pris les armes pour défendre leurs vies, leurs foyers, leurs droits et leurs intérêts légitimes.

Dans les cercles occidentaux, une narration persistante considère que la Russie aurait déclenché cette guerre et qu’elle serait donc l’agresseur, justifiant ainsi des actions telles que frapper son territoire avec des systèmes d’armes occidentaux, tandis que l’Ukraine est présentée comme se défendant légitimement.

Il est crucial de souligner une fois de plus que ce n’est pas la Russie qui a initié cette guerre, mais bien le régime de Kiev. Après que les habitants d’une partie de l’Ukraine ont déclaré leur indépendance conformément au droit international, c’est le régime de Kiev qui a déclenché les hostilités et qui continue de les perpétrer. C’est une agression, à moins que nous ne reconnaissions pas le droit de ces peuples à déclarer leur indépendance. Ceux qui ont soutenu la machine de guerre du régime de Kiev sont donc complices de l’agresseur.

Le recours à des principes issues de la Charte des Nations Unies est typique de la rhétorique poutinienne consistant à tordre les faits — et le droit — en mobilisant une référence implicitement présentée ici comme occidentale. Comme l’a rappelé Alain Pellet dans nos pages, « rarement, si ce n’est l’Allemagne nazie en son temps, un État a violé en si peu de temps autant de principes et de règles du droit international. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une politique délibérée, qui s’inscrit dans la volonté du dictateur russe de remettre en cause l’ordre juridique international de l’après-guerre — tout en faisant mine de vouloir le rétablir dans sa pureté originelle. »

En 2014, les habitants du Donbass ont résisté à cette situation. Les milices locales ont tenu bon, repoussant les assaillants de Donetsk et de Louhansk. Nous espérions que cela ferait réfléchir ceux qui avaient déclenché ce conflit. Pour mettre fin à l’effusion de sang, la Russie a appelé à la négociation, et ces pourparlers ont débuté avec la participation de Kiev et des représentants des républiques du Donbass, avec le soutien de la Russie, de l’Allemagne et de la France.

Malgré les difficultés rencontrées, les accords de Minsk ont été conclus en 2015. Nous avons pris ces accords au sérieux et avons espéré résoudre la situation conformément au processus de paix et au droit international. Nous pensions que cela conduirait à la prise en compte des intérêts légitimes du Donbass et à l’inscription dans la constitution d’un statut spécial pour ces régions, tout en préservant l’unité territoriale de l’Ukraine. Nous étions prêts à cela et à persuader les habitants de ces régions de résoudre les problèmes ainsi. À plusieurs reprises, nous avons proposé différents compromis et solutions.

Cependant, tout cela a été rejeté. Les accords de Minsk ont été simplement rejetés par Kiev. Comme les hauts gradés ukrainiens l’ont avoué plus tard, aucun des articles de ces accords ne leur convenait. Ils ont simplement menti et déformé la réalité autant qu’ils le pouvaient.

Même les co-auteurs et garants des accords de Minsk, l’ancienne chancelière allemand et l’ancien président français, ont finalement admis qu’il n’était pas prévu de les mettre en œuvre. Ils ont avoué qu’ils avaient simplement cherché à maintenir un statu quo pour gagner du temps afin de renforcer les forces armées ukrainiennes en les équipant. Ils nous ont simplement trompés une fois de plus.

Au lieu d’engager un véritable processus de paix et de poursuivre la politique de réintégration et de réconciliation nationale qu’elle prétendait promouvoir, Kiev a bombardé le Donbass pendant huit ans. Des actes terroristes, des meurtres et un blocus brutal ont été organisés. Pendant toutes ces années, les habitants du Donbass, y compris les femmes, les enfants et les personnes âgées, ont été déshumanisés, traités comme des citoyens de seconde classe et menacés de représailles. Cette situation équivaut à un génocide au cœur de l’Europe au XXIe siècle. Pourtant, en Europe et aux États-Unis, on a fait semblant de ne rien voir, de ne rien remarquer.

À la fin de 2021 et au début de 2022, le processus de Minsk a finalement été enterré, par Kiev et ses alliés occidentaux, et une nouvelle offensive massive a été planifiée contre le Donbass. Une importante force armée ukrainienne se préparait à lancer une nouvelle offensive sur Louhansk et Donetsk, avec l’intention évidente de mener un nettoyage ethnique et de causer d’énormes pertes humaines, entraînant des centaines de milliers de réfugiés. C’est à ce moment que nous avons été contraints d’agir pour empêcher cette catastrophe, pour protéger les civils — nous n’avions pas d’autre choix.

La Russie a finalement reconnu les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. Après huit ans sans les reconnaître, nous avions toujours espéré parvenir à un accord. Le résultat est désormais connu. Le 21 février 2022, nous avons conclu des traités d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle avec ces républiques que nous avons reconnues. Les républiques populaires avaient-elles le droit de se tourner vers nous pour obtenir un soutien si nous avions reconnu leur indépendance ? Et avions-nous le droit de reconnaître leur indépendance tout comme elles avaient le droit de déclarer leur souveraineté conformément aux articles que j’ai mentionnés et aux décisions de la Cour internationale de justice des Nations unies ? Avaient-elles le droit de déclarer leur indépendance ? Oui, ils l’avaient. Mais si elles avaient ce droit et l’utilisaient, alors cela veut dire que nous avions le droit de conclure un traité avec elles — et nous l’avons fait, je le répète, en pleine conformité avec le droit international et l’article 51 de la Charte de l’ONU.

Le représentant au Conseil de la Fédération de Russie de l’organe exécutif du pouvoir d’État de la région de Sakhaline Grigory Karasin (à droite) et le chef de la Direction principale de l’état-major général des forces armées russes — chef adjoint de l’état-major général des forces armées russes Igor Kostyukov (à gauche) avant le début de la réunion. © Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

Dans le même temps, nous avons lancé un appel aux autorités de Kiev pour qu’elles retirent leurs troupes du Donbass. Nous avons été en contact et leur avons immédiatement dit : retirez vos troupes, et nous pourrons résoudre cette crise pacifiquement. Malheureusement, cette proposition a été rapidement rejetée et simplement ignorée, même si elle offrait une réelle possibilité de trouver une solution pacifique à la situation.

Le 24 février 2022, la Russie a été contrainte d’annoncer le début d’une opération militaire spéciale. J’ai alors expliqué les objectifs de cette opération : protéger les habitants du Donbass, rétablir la paix, démilitariser et dénazifier l’Ukraine, et ainsi réduire les menaces pesant sur notre État et rétablir l’équilibre de la sécurité en Europe.

Malgré cela, nous avons continué à privilégier la résolution de ces objectifs par des moyens politiques et diplomatiques. Dès le début de l’opération, notre pays a engagé des négociations avec les représentants du régime de Kiev. Ces discussions ont d’abord eu lieu en Biélorussie, puis en Turquie. Notre message principal était clair : respectez le choix du Donbass et la volonté de ses habitants, retirez vos troupes et cessez de bombarder les villes et villages pacifiques. Nous avons indiqué que nous traiterions le reste des questions à l’avenir. Mais la réponse a été un refus catégorique de coopérer. Il était évident que cet ordre venait des maîtres occidentaux, et je vais en parler également.

À cette époque, nos troupes se sont effectivement rapprochées de Kiev en février-mars 2022. Il y a beaucoup de spéculations à ce sujet, tant en Ukraine qu’en Occident — hier comme aujourd’hui.

Je tiens à souligner que nos formations se sont effectivement positionnées près de Kiev, et que les départements militaires et le bloc de pouvoir ont discuté de diverses propositions concernant nos éventuelles actions ultérieures. Cependant, il n’y a pas eu de décision politique de prendre d’assaut une ville de trois millions d’habitants, malgré les rumeurs et les spéculations.

En réalité, il s’agissait d’une opération visant à inciter le régime ukrainien à négocier pour la paix. Les troupes étaient là pour pousser la partie ukrainienne vers la table des négociations, dans le but de trouver des solutions acceptables et de mettre fin à la guerre initiée par Kiev contre le Donbass en 2014, tout en résolvant les problèmes qui menacent la sécurité de notre pays, de la Russie.

De manière surprenante, il a été possible de parvenir à des accords qui, en principe, convenaient à la fois à Moscou et à Kiev. Ces accords ont été mis sur papier et paraphés à Istanbul par le chef de la délégation ukrainienne chargée des négociations. Cela indique que les autorités de Kiev étaient satisfaites de cette solution.

Le document s’appelait le traité sur la neutralité permanente et les garanties de sécurité pour l’Ukraine. Bien qu’il s’agisse d’un compromis, ses points essentiels étaient conformes à nos exigences de principe et permettaient de résoudre les principales tâches, même au début de l’opération militaire spéciale. Cela incluait, de manière surprenante, la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine. Nous avons réussi à trouver des points de jonction difficiles, bien que complexes. Par exemple, il était prévu que l’Ukraine adopte une loi interdisant l’idéologie nazie et toutes ses manifestations.

En échange de garanties de sécurité internationales, l’Ukraine accepterait de limiter la taille de ses forces armées, de ne pas adhérer à des alliances militaires, de ne pas autoriser les bases militaires étrangères sur son territoire, et de ne pas organiser d’exercices militaires. Tout cela était stipulé dans le document.

Comprenant également les préoccupations de l’Ukraine en matière de sécurité, nous avons accepté que l’Ukraine, tout en ne rejoignant pas officiellement l’OTAN, bénéficie de garanties presque similaires à celles des membres de cette alliance. Bien que cette décision n’ait pas été facile pour nous, nous avons reconnu la légitimité des préoccupations de l’Ukraine pour sa sécurité. Ces formulations ont été proposées par Kiev, et nous les avons généralement acceptées, réalisant que l’objectif principal était de mettre fin à l’effusion de sang et à la guerre dans le Donbass.

Le 29 mars 2022, nous avons retiré nos troupes de Kiev avec l’assurance qu’il était nécessaire de créer les conditions propices à l’achèvement du processus de négociation politique. On nous a expliqué qu’il était impossible pour l’une des parties de signer de tels accords, comme l’affirmaient nos collègues occidentaux, sous la menace d’un pistolet sur la tempe. Nous avons accepté.

Cependant, dès le lendemain du retrait des troupes russes de Kiev, les dirigeants ukrainiens ont suspendu leur participation au processus de négociation, en mettant en scène une provocation bien connue à Boutcha, et ont abandonné la version préparée des accords. Il est désormais évident que cette vile provocation était nécessaire pour justifier le rejet des résultats obtenus au cours des négociations. La voie de la paix a été une fois de plus rejetée.

Nous savons maintenant que cela a été fait sur l’ordre des manipulateurs occidentaux, y compris l’ancien premier ministre britannique, lors de sa visite à Kiev, où il a explicitement déclaré : pas d’accords, nous devons vaincre la Russie sur le champ de bataille pour parvenir à sa défaite stratégique. Ils ont commencé à armer l’Ukraine et ont parlé ouvertement de la nécessité de nous infliger une défaite stratégique. Peu de temps après, le président de l’Ukraine a publié un décret interdisant à ses représentants, voire à lui-même, de mener des négociations avec Moscou. Cette tentative de résoudre le problème par des moyens pacifiques a été un nouvel échec.

Dans ce passage, Poutine réécrit totalement le fil des événements en prétendant rendre public un état d’avancement des négociations — évidemment invérifiables — qui auraient été suspendues par « les manipulateurs occidentaux ». On sait que la principale raison pour laquelle les troupes russes ne sont pas entrées à Kiev a été leur infériorité tactique. Il est néanmoins intéressant de constater que ce discours est l’un des rares, sinon le premier, où Vladimir Poutine prend à ce point soin d’entrer dans le détail — mensonger — des premiers mois de la guerre.

Sur le sujet des négociations, je voudrais maintenant rendre public un autre épisode potentiellement pertinent. Je n’en ai jamais parlé auparavant, mais certaines personnes présentes sont au courant. Après l’occupation par l’armée russe de certaines parties des régions de Kherson et de Zaporijjia, de nombreux hommes politiques occidentaux ont proposé leur médiation pour une fin pacifique du conflit. L’un d’eux était en visite de travail à Moscou le 5 mars 2022. Nous avons accepté ses efforts de médiation, d’autant plus qu’il a mentionné avoir obtenu le soutien des dirigeants de l’Allemagne et de la France, ainsi que de hauts représentants des États-Unis lors de nos discussions.

Au cours de la conversation, notre invité étranger a soulevé une question intrigante : pourquoi les troupes russes sont-elles présentes dans le sud de l’Ukraine, notamment dans les régions de Kherson et de Zaporijjia, si notre objectif est d’aider le Donbass ? Notre réponse a été que cette décision relevait de l’état-major russe lors de la planification de l’opération. Aujourd’hui, je peux ajouter que cette stratégie visait à contourner certaines des zones fortifiées que les autorités ukrainiennes avaient érigées au cours des huit années précédentes dans le Donbass, principalement dans le but de libérer Marioupol.

Ensuite, un autre collègue étranger a posé une question précise — de manière très professionnelle, je dois reconnaître : les troupes russes resteront-elles dans les régions de Kherson et de Zaporijjia ? Et que prévoit-on pour ces régions une fois les objectifs des forces de défense stratégique atteints ? J’ai répondu en exprimant que, dans l’ensemble, je ne rejetais pas l’idée du maintien de la souveraineté ukrainienne sur ces territoires, à condition que la Russie conserve un lien terrestre solide avec la Crimée.

С’est-à-dire que Kiev devrait nous garantir une servitude — c’est-à-dire un droit d’accès juridiquement formalisé pour la Russie à la péninsule de Crimée via les régions de Kherson et de Zaporijjia. Cette décision politique est cruciale. Bien entendu, dans sa forme finale, elle ne serait pas prise unilatéralement, mais seulement après des consultations avec le Conseil de sécurité et d’autres organes compétents, ainsi qu’après une discussion avec les citoyens russes et ukrainiens, en particulier avec les habitants des régions de Kherson et de Zaporijjia.

En fin de compte, nous avons écouté les voix du peuple et organisé des référendums pour recueillir leur avis. Nous avons respecté les décisions prises par le peuple, aussi bien dans les régions de Kherson et de Zaporijjia que dans les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, introduit le discours de Poutine. © Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

À ce moment-là, en mars 2022, notre partenaire de négociation avait exprimé son intention de se rendre à Kiev pour poursuivre les pourparlers avec ses homologues ukrainiens. Nous avons accueilli favorablement cette initiative, ainsi que toutes les tentatives visant à trouver une résolution pacifique au conflit, conscients que chaque jour de combat entraînait de nouvelles pertes tragiques. Cependant, nous avons appris par la suite que les autorités ukrainiennes avaient rejeté l’offre de médiation occidentale et avaient même accusé le médiateur de prendre des positions pro-russes, de manière assez catégorique, pour ainsi dire. Mais cela relève désormais des détails.

Aujourd’hui, comme je l’ai déjà souligné, la situation a profondément évolué. Les habitants de Kherson et de Zaporijjia ont exprimé leur volonté lors de référendums, et désormais ces régions, tout comme les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, font partie intégrante de la Fédération de Russie. L’unité de notre État est inviolable, et la volonté du peuple de se joindre à la Russie est indéfectible. Cette question est désormais définitivement close, sans retour en arrière possible.

Dans son introduction, Lavrov avait mis l’accent sur l’action de son ministère : « Je voudrais également souligner que nous aidons activement à l’établissement de relations extérieures en Crimée, et dans les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, des régions de Zaporijjia et de Kherson. Dans cette optique, le ministère des affaires étrangères a déjà établi ses bureaux de représentation à Donetsk et Louhansk, et a renforcé les capacités du bureau de représentation de Simferopol ».

Je tiens à le réitérer une fois de plus : c’est l’Occident qui a contribué à créer et à aggraver la crise ukrainienne, et maintenant il semble vouloir la prolonger indéfiniment, affaiblissant ainsi les peuples russe et ukrainien.

Les livraisons incessantes de munitions et d’armes en sont un exemple flagrant. Certains politiciens européens évoquent même la possibilité de déployer leurs troupes régulières en Ukraine. Toutefois, il est important de rappeler que ce sont les véritables dirigeants actuels de l’Ukraine — malheureusement, pas le peuple ukrainien lui-même, mais les élites mondialistes de l’autre côté de l’océan — qui exercent une influence, cherchant à faire endosser à l’exécutif ukrainien le fardeau de décisions impopulaires, telles que l’abaissement supplémentaire de l’âge de la conscription.

Aujourd’hui, comme nous le savons, l’âge de conscription en Ukraine est de 25 ans, mais il est possible qu’il soit réduit à 23, voire à 20, ou même 18 pour tous. Ensuite, ceux qui prennent ces décisions impopulaires sous la pression de l’Occident seront évincés et remplacés par d’autres, tout aussi dépendants de l’Occident mais pas encore entachés d’une réputation négative.

C’est peut-être pourquoi l’idée d’annuler les prochaines élections présidentielles en Ukraine est sur la table. Ceux qui sont au pouvoir actuellement chercheront à tout faire pour rester en place, puis seront écartés et remplacés, continuant ainsi leur œuvre selon les plans établis.

À ce sujet, je souhaite rappeler quelque chose que Kiev et l’Occident préfèrent maintenant ignorer. En mai 2014, la Cour constitutionnelle de l’Ukraine a statué que le président est élu pour un mandat de cinq ans, que ce soit lors d’élections extraordinaires ou régulières. De plus, la Cour a noté que le statut constitutionnel du président ne prévoyait pas de mandat différent de cinq ans. Cette décision était définitive et irrévocable. C’est un fait juridique incontestable.

Qu’est-ce que cela signifie pour la situation actuelle ?

Le mandat présidentiel du chef de l’Ukraine précédemment élu a expiré avec sa légitimité, qui ne peut être rétablie par des manœuvres politiques. Je ne vais pas entrer dans les détails du contexte de cette décision de la Cour constitutionnelle, mais il est clair qu’elle était liée aux tentatives de légitimation du coup d’État de 2014. Néanmoins, cette décision existe et doit être prise en compte. Elle remet en question toute tentative de justifier l’annulation des élections actuelles.

En fait, la tragédie actuelle de l’Ukraine a commencé avec un coup d’État anticonstitutionnel en 2014. Je le répète : le régime actuel de Kiev tire ses origines d’un putsch armé. Et maintenant, cette situation revient comme un boomerang — le pouvoir exécutif en Ukraine est à nouveau usurpé et détenu illégalement, donc illégitime.

Je dirais même plus : l’annulation des élections est la manifestation même de la nature du régime actuel de Kiev, qui est né du coup d’État de 2014. Le maintien au pouvoir après l’annulation des élections est explicitement interdit par l’article 5 de la Constitution de l’Ukraine, qui stipule que le droit de déterminer et de modifier l’ordre constitutionnel appartient exclusivement au peuple. De plus, ces actions contreviennent à l’article 109 du Code pénal ukrainien, qui interdit expressément le changement ou le renversement par la force de l’ordre constitutionnel de l’État.

Le recours à des circonvolutions pseudo-juridiques est également un lieu commun des discours de Poutine, peu embarassé des nombreuses contradictions qui jalonnent son propos dans le temps : rappelons qu’il a dans de précédentes interventions tout simplement dénié toute existence et toute souveraineté au pays dont il prétend ici être un expert constitutionnel.

En 2014, cette usurpation était justifiée au nom de la révolution. Aujourd’hui, elle est perpétrée par des actions militaires. Mais la nature de ces actes reste inchangée. Nous assistons en réalité à une collusion entre le pouvoir exécutif du gouvernement ukrainien, la direction de la Verkhovna Rada et la majorité parlementaire sous son contrôle, visant à s’emparer du pouvoir de l’État, ce qui constitue une infraction pénale en vertu de la loi ukrainienne.

De plus, la Constitution ukrainienne ne prévoit pas la possibilité d’annuler ou de reporter les élections présidentielles en cas de loi martiale, comme cela est discuté actuellement. Ce que dit la loi fondamentale ukrainienne, c’est que pendant la loi martiale, les élections de la Verkhovna Rada peuvent être reportées, conformément à l’article 83 de la constitution du pays.

Ainsi, la législation ukrainienne prévoit une seule exception, permettant d’étendre les pouvoirs d’un organe de l’État pendant la loi martiale, mais cela concerne uniquement la Verkhovna Rada. Par conséquent, le statut du Parlement ukrainien en tant qu’organe fonctionnant en permanence sous la loi martiale est établi.

En d’autres termes, la Verkhovna Rada est l’organe légitime aujourd’hui, contrairement au pouvoir exécutif. L’Ukraine n’est pas une république présidentielle, mais une république parlementaire semi-présidentielle. C’est là l’essentiel.

De plus, le président de la Verkhovna Rada, qui est le Président par intérim, dispose de pouvoirs spéciaux, notamment dans le domaine de la défense, de la sécurité, du commandant suprême des forces armées, en vertu des articles 106 et 112. Tout est écrit noir sur blanc.

Par ailleurs, au cours du premier semestre de cette année, l’Ukraine a conclu un ensemble d’accords bilatéraux sur la coopération dans le domaine de la sécurité et du soutien à long terme avec plusieurs pays européens, ainsi qu’avec les États-Unis d’Amérique. Mais depuis le 21 mai de cette année, des interrogations ont naturellement surgi quant à l’autorité et à la légitimité des représentants ukrainiens signant de tels documents. Qu’ils signent ce qu’ils veulent : il est évident qu’il s’agit d’une manœuvre politique et propagandiste. Les États-Unis et leurs alliés tentent de donner du poids et de la légitimité à leurs protégés.

Si les États-Unis entreprennent sérieusement un examen juridique ultérieur de cet accord — je ne parle pas de son contenu, mais de sa validité juridique — la question de l’autorité des signataires se posera inévitablement. Il s’avérerait alors que tout cela n’était que de la poudre aux yeux : si l’on examine la situation de près, tout l’édifice s’effondrerait et l’accord serait invalide. On peut continuer de prétendre que tout est normal, mais en réalité rien ne l’est — les documents que j’ai mentionnés et la Constitution le confirment.

Je vous rappelle également qu’après le début de l’opération militaire spéciale, l’Occident a lancé une campagne agressive et peu diplomatique pour isoler la Russie sur la scène internationale. Il est maintenant clair pour tout le monde que cette tentative a échoué, mais l’Occident n’a pas abandonné son projet de former une coalition internationale anti-russe et d’exercer des pressions sur la Russie. Nous en sommes bien conscients.

Comme vous le savez, ils ont activement promu l’idée d’organiser une prétendue conférence internationale de haut niveau sur la paix en Ukraine en Suisse. Ils prévoient de l’organiser immédiatement après le sommet du G7, qui est précisément le groupe qui a déclenché le conflit en Ukraine avec ses politiques. Ce que les organisateurs de cette réunion en Suisse proposent n’est rien de plus qu’une autre stratégie pour détourner l’attention de tous, inverser les causes et les effets de la crise ukrainienne, et donner une certaine légitimité aux autorités exécutives actuelles de l’Ukraine.

Il est donc logique qu’aucune question fondamentale concernant la crise actuelle de la sécurité et de la stabilité internationales, ni les véritables racines du conflit ukrainien, ne soit discutée en Suisse, malgré toutes les tentatives pour rendre l’ordre du jour de la conférence plus ou moins acceptable.

Il est probable que cela se résume à des discours démagogiques généraux et à une nouvelle série d’accusations contre la Russie. L’idée est évidente : attirer autant d’États que possible, afin de donner l’impression que les prescriptions et les règles occidentales sont partagées par toute la communauté internationale, ce qui signifierait que notre pays devrait les accepter sans condition.

Comme vous le savez, nous n’avons naturellement pas été invités à cette réunion en Suisse. Il ne s’agit pas d’une véritable négociation, mais d’une tentative d’un groupe de pays de poursuivre leur propre ligne politique et de régler à leur manière des questions qui touchent directement nos intérêts et notre sécurité.

Je tiens à souligner que sans la participation de la Russie et un dialogue honnête et responsable avec nous, il est impossible de parvenir à une solution pacifique en Ukraine et à la sécurité mondiale en général.

S’il est exact que la Suisse n’a pas envoyé d’invitation à la partie russe — anticipant une opposition de principe —, le ministre des affaires étrangères de la Confédération helvétique Ignazio Cassis a bien déclaré « qu’il n’y [aurait] pas de processus de paix sans la Russie. »

Actuellement, l’Occident ignore nos intérêts et interdit à Kiev de négocier avec nous, tout en nous exhortant hypocritement à le faire. C’est tout simplement idiot : d’un côté, ils interdisent à Kiev de négocier avec nous, et de l’autre côté, ils nous appellent à des pourparlers et insinuent que nous refusons de le faire. C’est tout à fait absurde, mais c’est malheureusement la réalité dans laquelle nous vivons.

Premièrement, nous demandons à Kiev de lever l’interdiction qu’elle s’est auto-imposée de négocier avec la Russie ; deuxièmement, nous sommes prêts à nous asseoir à la table des négociations dès demain. Nous comprenons les particularités de leur situation juridique, mais il y a des autorités légitimes là-bas, conformément à leur Constitution, comme je viens de le dire, et il y a des personnes avec qui nous pouvons négocier. Nous sommes prêts. Nos conditions pour entamer une telle conversation sont simples et se résument à ce qui suit.

Permettez-moi de revenir sur l’enchaînement des événements pour clarifier que ce que je vais dire n’est pas une réaction à la conjoncture actuelle, mais plutôt une position constante de notre part, axée sur la recherche de la paix.

Nos conditions sont simples : les troupes ukrainiennes doivent être complètement retirées des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, ainsi que des régions de Kherson et de Zaporijjia, et ce retrait doit concerner tout le territoire de ces régions dans leurs limites administratives telles qu’elles existaient au moment de leur intégration à l’Ukraine.

Contrairement à ce qu’affirme Poutine, ses exigences en échange d’un cessez-le-feu semblent très liées à la situation sur le terrain.

Avant l’invasion à grande échelle, l’armée russe contrôlait environ 7 % du territoire ukrainien. Avec 25 961 km², la Crimée représente à elle seule 4,33 % de la surface totale du pays. À ce jour, Moscou est présent sur 80 098 km² dans les quatre oblasts du sud et de l’est du pays concernés par les revendications russes : Kherson, Zaporijia, Louhansk et Donetsk. De 17,71 % du territoire ukrainien, la proposition de Moscou ferait passer son contrôle à 21,92 % selon nos calculs — soit plus d’un cinquième de la surface totale du pays. Poutine exige ainsi que Kiev lui cède 131 222 km² de territoire (Crimée comprise), soit l’équivalent de la superficie de la Grèce.

En réalité, la progression de l’armée russe en Ukraine est relativement stagnante — elle occupe environ 18 % du territoire — depuis la fin de l’année 2022. Avec ses exigences, Poutine voudrait en fait clairement revenir aux niveaux précédant l’offensive ukrainienne dans la région de Kharkiv de septembre-octobre 2022.

Dès que Kiev déclarera sa volonté d’une telle décision et commencera le retrait effectif de ses troupes de ces régions, en plus de notifier officiellement l’abandon de ses projets d’adhésion à l’OTAN, nous ordonnerons immédiatement un cessez-le-feu et entamerons des pourparlers. Nous le ferons instantanément. Bien entendu, nous garantirons également le retrait sans entrave et en toute sécurité des unités et formations ukrainiennes.

Nous espérons sincèrement que Kiev prendra une telle décision de manière indépendante, sur la base des réalités actuelles et guidée par les véritables intérêts nationaux du peuple ukrainien, et non pas sous l’influence de l’Occident, bien que nous ayons de sérieux doutes à ce sujet.

Néanmoins, il est important de rappeler la chronologie des événements pour mieux comprendre le contexte. Permettez-moi de prendre un moment pour revenir sur ces points.

Pendant les événements du Maïdan à Kiev en 2013-2014, la Russie a proposé à plusieurs reprises son aide pour une résolution constitutionnelle de la crise, qui était en fait orchestrée de l’extérieur. Revenons sur les événements de fin février 2014.

Le 18 février, des affrontements armés initiés par l’opposition ont éclaté à Kiev. Plusieurs bâtiments, dont l’hôtel de ville et la Maison des syndicats, ont été incendiés. Le 20 février, des tireurs d’élite inconnus ont ouvert le feu sur les manifestants et les forces de l’ordre, ce qui indique clairement une intention de radicaliser la situation et de conduire à la violence. Les personnes descendues dans les rues de Kiev pour exprimer leur mécontentement envers le gouvernement étaient délibérément utilisées comme de la chair à canon. C’est une tactique qui se répète aujourd’hui, alors qu’ils mobilisent les gens et les envoient à l’abattoir. Pourtant, à l’époque, il y avait une opportunité de résoudre la crise de manière civilisée.

Réunion du président russe Vladimir Poutine avec les dirigeants du ministère russe des Affaires étrangères (MAE) au centre de presse du MAE russe. Zamir Kabulov (à gauche), directeur du deuxième département asiatique du ministère russe des Affaires étrangères, et Iouri Ouchakov (à droite), assistant du président russe, avant la réunion.© Dmitry Azarov/Kommersant/Sipa USA

Le 21 février, un accord a été signé entre le président ukrainien de l’époque et l’opposition pour régler la crise politique. Les garants de cet accord étaient, comme nous le savons, les représentants officiels de l’Allemagne, de la Pologne et de la France. Cet accord prévoyait le retour à une forme de gouvernement parlementaire-présidentiel, la tenue d’élections présidentielles anticipées, la formation d’un gouvernement de confiance nationale, ainsi que le retrait des forces de l’ordre du centre de Kiev et la remise des armes par l’opposition.

Il est important de souligner que la Verkhovna Rada a adopté une loi excluant toute poursuite pénale à l’encontre des manifestants. Un tel accord aurait pu mettre fin à la violence et ramener la situation dans le cadre constitutionnel. Cet accord a été signé, même si à Kiev et en Occident, on préfère souvent l’oublier.

Aujourd’hui, je souhaite partager un autre fait crucial qui n’a pas été rendu public jusqu’à présent. Il s’agit d’une conversation qui a eu lieu le 21 février, à l’initiative des États-Unis. Au cours de cette discussion, le dirigeant américain a fermement soutenu l’accord conclu entre les autorités et l’opposition à Kiev. Il l’a même qualifié de véritable avancée, offrant au peuple ukrainien une chance de mettre fin à la violence qui menaçait de s’aggraver.

Pendant nos échanges, nous avons convenu d’une formule conjointe : la Russie s’engagerait à persuader le président ukrainien de faire preuve de retenue, à éviter l’utilisation de l’armée et des forces de l’ordre contre les manifestants. En retour, les États-Unis s’engageraient à rappeler à l’ordre l’opposition, les incitant à libérer les bâtiments administratifs et à apaiser la situation dans les rues.

L’objectif était de créer les conditions d’un retour à la normalité dans le pays, dans le respect du cadre constitutionnel et légal. Nous avons respecté nos engagements. Le président ukrainien de l’époque, Ianoukovitch, qui n’avait pas l’intention d’utiliser l’armée, a maintenu son attitude de retenue et a même retiré des unités de police supplémentaires de Kiev.

Mais qu’en est-il de nos collègues occidentaux ? Dans la nuit du 22 février, et tout au long de la journée suivante, alors que le président Ianoukovitch se rendait à Kharkiv pour un congrès des députés des régions du sud-est de l’Ukraine et de la Crimée, les radicaux ont pris le contrôle du bâtiment de la Rada, de l’administration présidentielle et du gouvernement par la force. Malgré tous les accords et garanties occidentaux, ni les États-Unis ni l’Europe n’ont agi pour empêcher cette escalade. Aucun garant de l’accord politique n’a exigé que l’opposition rende les installations administratives saisies et renonce à la violence. Il semble même qu’ils aient approuvé le déroulement de ces événements.

En outre, le 22 février 2014, la Verkhovna Rada a adopté une résolution annonçant la prétendue démission du président Ianoukovitch, ce qui violait de manière flagrante la Constitution de l’Ukraine, et a programmé des élections extraordinaires pour le 25 mai. Il s’agissait d’un coup d’État armé, orchestré de l’extérieur. Les radicaux ukrainiens, avec le consentement tacite et le soutien direct de l’Occident, ont délibérément sabordé toutes les tentatives de résolution pacifique de la situation.

À cette époque, nous avons plaidé auprès de Kiev et des capitales occidentales en faveur d’un dialogue avec les habitants du sud-est de l’Ukraine, en insistant sur le respect de leurs intérêts, de leurs droits et de leurs libertés. Mais le régime issu du coup d’État a préféré la voie de la guerre, lançant des opérations punitives contre le Donbass au printemps et à l’été 2014. Une fois de plus, la Russie a appelé à la paix.

Nous avons tout mis en œuvre pour résoudre ces problèmes aigus par le biais des accords de Minsk, mais l’Occident et les autorités de Kiev, comme je l’ai souligné, ont refusé de les honorer. Malgré leurs assurances verbales sur l’importance des accords de Minsk et leur engagement envers leur mise en œuvre, ils ont organisé un blocus du Donbass et préparé une offensive militaire pour écraser les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Les accords de Minsk ont finalement été enterrés par le régime de Kiev et l’Occident. Je soulignerai une fois de plus ce point crucial. En conséquence, en 2022, la Russie a été contrainte de lancer une opération militaire spéciale pour mettre fin à la guerre dans le Donbass et protéger les civils du génocide.

Malgré cela, dès les premiers jours, nous avons continué à proposer des solutions diplomatiques à la crise, y compris des négociations en Biélorussie et en Turquie, ainsi que le retrait des troupes de Kiev pour faciliter la signature des accords d’Istanbul, qui étaient essentiellement acceptés par toutes les parties. Cependant, ces tentatives ont également été rejetées. L’Occident et Kiev ont persisté dans leur désir de nous vaincre. Mais comme nous le savons, toutes leurs manœuvres ont échoué.

Aujourd’hui, nous avançons une nouvelle proposition de paix concrète et réalisable. Si Kiev et les capitales occidentales la rejettent comme auparavant, alors c’est finalement leur affaire. C’est leur responsabilité politique et morale qui est alors engagée dans la poursuite de l’effusion de sang. Il est évident que les réalités sur le terrain et sur la ligne de front continueront d’évoluer défavorablement pour le régime de Kiev, et les conditions pour entamer des négociations seront différentes.

Je tiens à souligner le point principal : notre proposition ne vise pas une simple trêve temporaire ou un cessez-le-feu, comme le souhaite l’Occident, pour permettre la récupération des pertes, le réarmement du régime de Kiev et sa préparation à une nouvelle offensive. Je le répète : il ne s’agit pas de geler le conflit, mais de mettre un terme définitif à celui-ci.

L’Ukraine a immédiatement annoncé qu’elle n’accèderait pas aux demandes russes, qu’elle considère comme des ultimatums « entendus à de nombreuses reprises ». En étalant publiquement des conditions jugées inacceptables par Kiev dans le passé, Poutine cherche à minimiser l’importance du sommet sur la paix que l’Ukraine a organisé ce week-end en Suisse.

Et je le répète une fois de plus : dès que Kiev acceptera un processus similaire à celui que nous proposons aujourd’hui, en consentant à un retrait complet de ses troupes des régions de la DNR et de la LNR [les républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk], de Zaporijjia et de Kherson, et commencera effectivement ce processus, nous serons prêts à entamer des négociations sans délai.

Notre position de principe est claire — le statut neutre non aligné et non nucléaire de l’Ukraine, sa démilitarisation et sa dénazification, surtout que nous l’avons globalement convenu lors des pourparlers d’Istanbul en 2022. Tous les détails de la démilitarisation ont été clairement établis lors de ces discussions. 

Bien entendu, les droits, les libertés et les intérêts des citoyens russophones en Ukraine doivent être pleinement garantis, et les nouvelles réalités territoriales, y compris le statut de la Crimée, de Sébastopol, des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, ainsi que des régions de Kherson et de Zaporijjia en tant qu’entités constitutives de la Fédération de Russie, doivent être reconnus. À l’avenir, toutes ces dispositions fondamentales et de principe devraient être formalisées sous forme d’accords internationaux. Cela inclut naturellement l’annulation de toutes les sanctions occidentales contre la Russie.

Je crois fermement que la Russie propose ici une voie réelle pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Nous aspirons à tourner la page tragique de l’histoire et à commencer à rétablir des relations de confiance et de bon voisinage entre la Russie et l’Ukraine, et plus largement entre tous les pays européens. Même si cela s’avère difficile, nous sommes prêts à avancer progressivement, étape par étape.

Une fois la crise ukrainienne résolue, nous pourrions envisager, en collaboration avec nos partenaires de l’OTSC, de l’OCS, ainsi qu’avec les États occidentaux, y compris européens, ouverts au dialogue, de nous attaquer à la tâche fondamentale que j’ai soulignée au début de mon discours : la création d’un système de sécurité eurasienne indivisible qui prenne en compte les intérêts de tous les États du continent, sans exception.

Bien sûr, un retour strict aux propositions de sécurité que nous avons avancées il y a 25, 15 ou même deux ans est impossible, étant donné les événements qui se sont produits et les changements survenus depuis. Cependant, les principes de base ainsi que le sujet même du dialogue demeurent inchangés. La Russie reconnaît sa responsabilité dans la stabilité mondiale et est disposée à discuter avec tous les pays. Cependant, cela ne doit pas être une simulation de processus de paix pour servir les intérêts égoïstes ou particuliers de quelqu’un, mais une conversation sérieuse et approfondie sur toutes les questions relatives à la sécurité mondiale.

Chers collègues, 

Je suis convaincu que vous comprenez toute l’ampleur des défis auxquels la Russie est confrontée et tout ce que nous devons accomplir, notamment dans le domaine de la politique étrangère.

Je vous souhaite sincèrement plein succès dans cette tâche ardue visant à assurer la sécurité de la Russie, à défendre nos intérêts nationaux, à renforcer la position du pays sur la scène mondiale, à promouvoir les processus d’intégration et à développer nos relations bilatérales avec nos partenaires.

De notre côté, le gouvernement continuera à fournir au département diplomatique et à tous ceux qui participent à la mise en œuvre de la politique étrangère de la Russie le soutien nécessaire.

Je vous remercie encore une fois pour votre travail acharné, pour votre patience et pour l’attention que vous accordez à mes paroles. Je suis persuadé que nous réussirons ensemble.

Je vous exprime ma gratitude sincère.

Vladimir Poutine, à la fin de son discours. © AP Photo/Alexander Zemlianichenko

Sergueï Lavrov

Cher Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à exprimer ma gratitude pour votre appréciation de notre travail.

Nous nous efforçons, et les circonstances nous poussent à redoubler d’efforts, et nous continuerons à le faire, car chacun reconnaît l’importance cruciale de nos actions pour l’avenir du pays, le bien-être de notre peuple, et dans une certaine mesure, pour l’avenir du monde. Nous prendrons à cœur les directives que vous avez énoncées, notamment en détaillant le concept de sécurité eurasienne avec nos collègues des autres agences de manière très concrète.

Dans notre quête de bâtir un nouveau système de sécurité équitable, comme vous l’avez souligné, indivisible et fondé sur les mêmes principes, nous continuerons à contribuer à la résolution des crises individuelles, parmi lesquelles la crise ukrainienne demeure notre priorité absolue.

Nous intégrerons assurément votre nouvelle initiative dans divers contextes, y compris nos interactions au sein des BRICS, de l’Organisation de coopération de Shanghai, avec la République populaire de Chine, ainsi qu’avec les nations d’Amérique latine et d’Afrique, qui ont également avancé leurs propres propositions, jusqu’à présent ignorées par les dirigeants ukrainiens.

Merci encore une fois ! Nous persévérons dans nos efforts.

Vladimir Poutine 

Merci.

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