Depuis le début du conflit, la posture du président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a été pour le moins ambivalente, alternant entre la condamnation de l’invasion russe et l’absence de sanctions ainsi que l’augmentation de ses importations d’hydrocarbures en provenance de Russie.

Cependant, la Turquie a également su s’imposer comme médiateur. Le 22 juillet, les deux belligérants signaient un accord sous l’égide de la Turquie et des Nations unies qui a permis la reprise du commerce de produits agricoles, vitaux pour un grand nombre de pays d’Afrique et d’Asie.

Les deux dirigeants se sont rencontrés plusieurs fois depuis le début de la guerre, en juillet dernier à Téhéran à l’occasion d’un sommet dédié à la Syrie et le mois dernier à Samarcande, en Ouzbékistan, en marge d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai.

Lundi, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que « les présidents russe et turc pourraient discuter de l’idée d’organiser des pourparlers entre la Russie et l’Occident » lors de leur rencontre à Astana3. La déclaration a été tempérée dès le lendemain par l’agence de presse russe Tass qui, en reprenant une dépêche de l’AFP, se contentait de titrer « Ankara espère que la rencontre Poutine-Erdoğan aura lieu à Astana »4.

Erdoğan cherche à porter plus loin son rôle de médiateur, conformément à la volonté du dirigeant turc de constituer une « troisième voie » entre l’OTAN et l’Occident d’un côté, et les pays proches de Moscou de l’autre.

  • Hier, le président turc est allé jusqu’à appeler à la mise en place d’un cessez-le-feu « aussi vite que possible »5.
  • Aucun des deux belligérants ne souhaite se mettre dans la position de refuser ouvertement de s’asseoir à la table des négociations, particulièrement en raison du nombre de victimes civiles.

Il semble peu probable que Vladimir Poutine accepte le rôle de médiateur proposé par son homologue turc. D’ailleurs, l’absence de confirmation officielle d’une rencontre bilatérale avec Erdoğan suggère que le retrait — ou du moins « l’oubli » — de cette proposition en soit une condition sine qua non.

Pour Poutine, accepter une quelconque forme de négociation reviendrait à reconnaître qu’il se trouve en position de faiblesse sur le terrain, ce qui est pour le moment impensable. Malgré les importantes pertes par l’armée russe depuis septembre, l’annonce de mobilisation partielle ainsi que la nomination d’un nouveau commandant des forces russes en Ukraine réputé « impitoyable » laisse penser qu’il souhaite intensifier son effort de guerre, plutôt que de négocier6.

Sources
  1. Mujib Mashal, « India and China, which have refrained from criticizing Russia, call for de-escalation », The New York Times, 10 octobre 2022.
  2. Mukhammadsharif Mamatkulov, « Putin says Xi has questions and concerns over Ukraine », Reuters, 16 septembre 2022.
  3. Elena Teslova, « Putin, Erdogan may meet in Astana this week », Anadolu Agency, 10 octobre 2022.
  4. « Ankara hopes Putin-Erdogan meeting may take place in Astana Oct 12 — AFP », Tass, 11 octobre 2022.
  5. « Turkey calls for ceasefire between Ukraine, Russia ‘as soon as possible’ », Alarabiya News, 11 octobre 2022.
  6. Max Seddon et Christopher Miller, « Vladimir Putin taps ‘General Armageddon’ to reverse Ukraine battlefield failures », The Financial Times, 11 octobre 2022.