• Depuis le début du conflit, la Russie a été accusée par plusieurs diplomates et dirigeants de provoquer une crise alimentaire mondiale. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, parle d’un « ouragan de famines » qui pourrait toucher un grand nombre de pays si la guerre venait à se prolonger, la Russie et l’Ukraine faisant partie des principaux exportateurs mondiaux de céréales1. La Secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a quant à elle déclaré dernièrement que la hausse des prix des denrées alimentaires pourrait plonger 10 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté au niveau mondial2.
  • La dépendance envers les importations de denrées alimentaires en provenance d’Ukraine ou de Russie varie fortement selon les pays. Ainsi, l’Égypte, pays de plus de 100 millions d’habitants, est le premier importateur mondial de blé et importe 50 % de celui-ci en provenance de Russie. La Turquie est le deuxième acheteur en volume des exportations de blé russe, une situation de dépendance ayant entraîné une aggravation de l’inflation annuelle en Turquie qui a atteint 61,1 % au mois de mars et presque 70 % au mois d’avril3
  • Le 14 mai, après des semaines de canicule atteignant les 50 degrés, l’Inde a annoncé qu’elle allait cesser temporairement ses exportations de blé pour assurer la sécurité alimentaire de sa population. La décision du Premier ministre indien, Narendra Modi, a eu d’importantes conséquences sur le marché européen. Le cours du blé a ainsi atteint 438,25 euros la tonne lors de la clôture du marché lundi 16 mai — un record —, alors que le marché mondial avait déjà été profondément bouleversé par la guerre en Ukraine. Depuis le début de l’année 2022, les cours du blé ont augmenté de plus de 40 %.
  • Dans le Global Report on Food Crisis publié le 4 mai dernier, le manque de financement concernant l’aide alimentaire mondiale a été particulièrement pointé du doigt4. Le Programme alimentaire mondial exhortait alors la communauté internationale à plus anticiper et à agir afin d’atténuer les conséquences dans les pays qui subissent le plus l’insécurité alimentaire (Yémen, Burkina Faso, Somalie, Kenya, Soudan du Sud notamment), cette dernière étant aggravée par la crise du Covid-19 et par les conflits armés. 
  • En revenant sur ce rapport alarmant, António Guterres a prononcé hier un discours lors d’une session du Conseil de sécurité — normalement consacrée aux résolutions portant sur la guerre — consacrée aux conflits et la sécurité alimentaire. Il a notamment alerté sur le fait que la faim dans le monde s’est encore aggravée ces dernières semaines en raison de la guerre en Ukraine qui amplifie d’autres facteurs existants tels que le changement climatique, le Covid-19 et les inégalités.
  • Dans sa conférence de presse suivant le conseil des Affaires étrangères de ce jour dédié au développement qu’il a présidé, le HRVP Borrell a rappelé que la situation alimentaire dans le monde était déjà « difficile » avant la guerre en Ukraine5. L’agression militaire russe est venue « aggraver » cette tendance avec le bombardement des champs agricoles ukrainiens et le blocage des ports et des aéroports. Selon les estimations européennes, au moins 30 % des denrées alimentaires ukrainiennes ne devraient pas être récoltées en 2022, favorisant l’hypothèse de l’utilisation du transport ferroviaire pour contourner le blocus de la mer Noire par des navires russes.
Sources
  1.  Nations unies, «  Ukraine  : ‘We need peace now’ declares Guterres, warning of global hunger meltdown  », 14 mars 2022.
  2. Andrea Shalal et David Lawder, «  Russia’s war in Ukraine to blame for rising global food insecurity – Yellen  », Reuters, 20 avril 2022.
  3. « Turkish inflation to jump near 70 % in April », Reuters, 5 mai 2022.
  4. Programme alimentaire mondial, Global Report on Food Crises – 2022, 4 mai 2022.
  5. Conseil européen, Foreign Affairs Council Press conference (DEVE), 20 mai 2022.