• Demain, Volodymyr Zelensky, Recep Tayyip Erdoğan et António Guterres se retrouveront à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, afin de discuter de la situation préoccupante de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, occupée par l’armée russe et qui devrait être raccordée à la Crimée. À l’ordre du jour seront également les résultats de l’accord sur les céréales, signé sous le parrainage de la Turquie et de l’ONU il y a plus de trois semaines.
  • Depuis le début de la guerre le 24 février, l’insécurité alimentaire — déjà accélérée par la pandémie de Covid-19 — progresse dans toutes les régions du monde, particulièrement en Afrique et au Moyen-Orient, et fait peser un risque réel sur l’alimentation de centaines de millions de personnes. En Afghanistan, en raison de la situation économique du pays et des conséquences du conflit en Ukraine, l’indice du prix du blé, calculé par la Banque mondiale, a presque doublé depuis février dernier.
  • L’accord signé à la fin du mois de juillet, après plusieurs semaines de négociation, aurait dû permettre le libre accès de navires marchands aux ports ukrainiens. Bien que salué par de nombreux de pays lors d’une réunion du 29 juillet aux Nations unies a-t-il réellement les résultats escomptés1 ?
  • Le 5 août, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) notait une baisse globale de 19,1 points (soit 11,5 %) de l’indice du prix des céréales à la suite de la signature de l’accord, après avoir atteint son niveau le plus élevé jamais recensé en mars dernier2. Si les indices de prix des principaux produits alimentaires (viande, produits laitiers, sucre, céréales, huiles végétales) demeurent bien plus élevés par rapport à juillet 2021, il semble que l’accord ait eu un effet immédiat sur les prix globaux, atténuant la pression pesant sur les pays les plus pauvres3.
  • Toutefois, les navires en partance des ports ukrainiens ne se rendent pas dans les pays les plus démunis. Sur 16 navires partis des ports d’Odessa, de Youjne et de Tchornomorsk depuis le 1er août, un seul transportait du blé — et celui-ci a débarqué au port de Tekirdağ, en Turquie. La majorité des cargaisons sont en réalité composées de maïs, de soja et de farine de tournesol, principalement à destination d’élevages, ainsi que de graines de tournesol, utilisées en grande partie pour la production de biocarburants. Cette situation s’explique par le fait que le maïs stocké dans les silos ukrainiens s’y trouvait depuis des mois, faute de navires pouvant le transporter, et qu’il est donc prioritaire par rapport aux autres céréales, dont le blé.
  • Ainsi, bien que l’accord n’ait pas — pour le moment du moins — conduit à une augmentation de la livraison de céréales aux pays dont les populations en ont le plus besoin, sa contribution à la baisse globale du prix des produits alimentaires facilite l’achat par le biais d’une « correction générale des marchés », selon les mots de Taras Kachka, le vice-ministre ukrainien du développement économique, du commerce et de l’agriculture4. Hier, l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a annoncé qu’elle allait donner 68 millions de dollars au Programme alimentaire mondial de l’ONU pour acheter et livrer 150 000 tonnes métriques de blé ukrainien, dans l’objectif de « soutenir les pays confrontés à de graves crises alimentaires »5.