Londres. John Bercow, président de la Chambre des communes, vient d’annoncer sa démission à compter des élections anticipées ou, au cas où il n’y en aurait pas, avant le 31 octobre, date présumée du Brexit. La démission hors du commun du président de la Chambre signale le début d’une nouvelle phase dans la saga de la crise constitutionnelle en cours au Royaume-Uni. Alors que cette crise a été, en quelque sorte, provoquée par ce même président lorsqu’il a interdit au gouvernement de Theresa May de soumettre une troisième fois l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union « sans changements significatifs » en mars 2019, elle n’a fait que s’accentuer depuis cette décision.

Suite à un scandale lié aux opinions anti-Brexit de sa femme en janvier puis à son refus de mars 2019, le président de la Chambre a été élevé au rang de véritable figure d’opposition au Brexit par les conservateurs souhaitant quitter l’Union. En effet, par ses décisions en faveur du Parlement, John Bercow a supervisé une transition radicale mais toutefois subtile de la gouvernance du Royaume-Uni. Alors que sa décision refusant un « troisième vote significatif » était largement justifiée avec un précédent établi en 16041, il n’a pas toujours agi en concordance avec la jurisprudence parlementaire. Il a, par exemple, permis aux députés d’usurper le droit d’établir l’agenda parlementaire – un droit normalement réservé au gouvernement – plusieurs fois depuis le début de l’année et a permis un amendement procédural – normalement interdit – en expliquant : « ce n’était pas mon travail d’invoquer la jurisprudence et je ne suis absolument pas obligé de le faire […] si on n’était que guidé par la jurisprudence, rien ne changerait »2.

John Bercow a donc, en quelque sort, supervisé une reprise des pouvoirs par le Parlement qui avait délégué de plus en plus ses droits exécutifs aux gouvernements successifs depuis le premier mandat de Tony Blair en 19973. Ce parlement s’est d’ailleurs montré suffisamment courageux pour responsabiliser et tenir en échec le gouvernement afin d’éviter des abus de pouvoir sur la question du Brexit à de nombreuses reprises. Le refus de l’opposition de tenir des élections anticipées souhaitées par Boris Johnson en est le cas le plus récent étant donné que le système britannique du scrutin uninominal majoritaire à un tour donnerait certainement une majorité parlementaire aux conservateurs tant que l’opposition reste divisée entre libéraux et travaillistes, même si le vote populaire ne suit pas nécessairement ces clivages. Au contraire, l’opposition, soutenue par une infime partie des conservateurs, et encouragée par le contrôle de l’agenda accordé par John Bercow, a obtenu du gouvernement de Johnson qu’il demande un délai supplémentaire pour le Brexit – cela malgré une tentative claire de la part du gouvernement de limiter la capacité du Parlement à s’opposer au Brexit en le prorogeant avant le 31 octobre.

À cause de son rôle actif dans ces différents processus, la confrontation entre John Bercow et le gouvernement a culminé avec une déclaration exceptionnelle du Parti conservateur, le 8 septembre dernier, qui a annoncé disputer la circonscription électorale du président. D’ordinaire, cette circonscription électorale du Président n’était pas contestée. Cette déclaration de la part de son ancien parti, qu’il a quitté en 2009 lorsqu’il a accédé à la présidence de la Chambre, et l’échéance prochaine de son mandat de 10 ans doivent certainement motiver cette soudaine démission. Il est certain, néanmoins, que durant son mandat et particulièrement depuis l’approche du Brexit, il a œuvré, comme il le dit : « à augmenter l’autorité relative de cette législature » et cela « sans demander pardon à personne »4.

Perspectives :

  • Bercow restera Président de la Chambre des Communes jusqu’au 31 octobre, étant donné que la possibilité d’une élection a été écarté. Il supervisera donc le Parlement jusqu’à cette date après laquelle un nouveau Président devra être élu.
  • Boris Johnson espère trouver un nouvel accord avec l’Union avant le 31 octobre mais a catégoriquement indiqué qu’il ne cherchera pas d’extension malgré la nouvelle loi qui lui oblige de faire ainsi.
  • L’action légale ou un vote de non-confiance contre le gouvernement est très probable si Johnson refuse d’obéir à la nouvelle loi.