Brasilia. Le lundi 22 avril, le fils du président Jair Bolsonaro et conseiller municipal de la ville de Rio de Janeiro, Carlos Bolsonaro, a partagé sur son compte Twitter une vidéo publiée sur Youtube par la personnalité libérale préférée de la famille Bolsonaro, Olavo de Carvalho, critiquant le rôle que les militaires jouent dans la politique brésilienne. La vidéo a été supprimée de la plateforme vingt-quatre heures après sa publication. Par les mots « Tirez vos propres conclusions », Carlos a entamé une nouvelle série d’attaques contre le vice-président Hamilton Mourão, l’accusant d’être un « traître » aux revendications présidentielles.

Il s’agit d’un nouveau épisode dans une relation tendu entre la famille Bolsonaro et les membres du gouvernement : à la suite de la démission de Gustavo Bebbiano au février dernier – secrétaire général de la Présidence – conséquence du scandale des « candidatures fantômes »1 du PSL (Parti Social Libéral), le vice-président Mourão avait publiquement critiqué l’ingérence des enfants du président dans le gouvernement. Dans cette affaire, Bebbiano avait déclaré aux médias qu’il était toujours en communication avec le président, ce qu’avait démenti Carlos Bolsonaro2 sur Twitter. Auparavant, le fils de l’actuel président avait critiqué le fait que le vice-président avait profité de l’attaque contre la vie de Jair Bolsonaro pour se projeter dans les médias pendant la campagne présidentielle. Il est vrai que le vice-président Mourão a bénéficié d’une couverture médiatique surprenante. Contrairement au président, Mourão s’est montré enclin à faire des déclarations à la presse, ce qui fait souvent de lui le contact officiel entre les médias et le gouvernement.

Mourão a agi comme un pouvoir modéré sur les ailes les plus radicales du gouvernement, comme les Évangéliques – une position qui l’a incité à donner une conférence au Wilson Center, aux Etats-Unis. Le vice-président s’est aussi récemment prononcé contre le départ de Jean Willys (PSOL, Parti du Socialisme et de la Liberté), un membre du Congrès brésilien qui a défendu la cause des LGBT, et a déclaré que la décision sur l’avortement est la responsabilité des femmes. Ces deux positions ont un impact important, étant donné que le parti du président, le PSL, a défendu des drapeaux extrêmement conservateurs, comme le projet de loi 29 qui garantit « l’inviolabilité de la vie dès la conception ». Sorti des archives cette semaine, le projet de loi vise à interdire l’avortement dans des conditions déjà prévues par la loi brésilienne : le viol et en cas de risque pour la vie de la mère. En outre, la CPE 29 interdit les articles contraceptifs largement utilisés par la population brésilienne, tels que le DIU et la pilule du lendemain.

Évidemment, la stratégie de modération du discours de Mourão est un mouvement stratégique, plus que symptomatique d’une conviction politique, pour approcher l’électeur moyen. Elle suit la tendance des militaires au pouvoir à agir comme un frein à l’action sur les agendas les plus radicaux du gouvernement. Le Président Bolsonaro, de son côté, cherche à dialoguer avec le militantisme de la PSL, en s’appuyant sur l’image d’une famille traditionnelle et unie. Bolsonaro a déjà nommé un cousin au cabinet et laisse une grande place à l’ingérence de ses enfants, qui occupent des postes dans l’administration municipale ou étatique, auprès de l’exécutif fédéral. Ancré dans le personnalisme, Bolsonaro consacre le mélange entre les sphères publique et privée qui caractérisait le pays à l’époque coloniale.

Perspectives :

  • Malgré les crises, le gouvernement a remporté une victoire importante à la Commission de la Citoyenneté et de la Justice du Congrès national, qui a approuvé l’admissibilité légale de la réforme des pensions, avec 48 voix pour et 18 contre le 24 avril. La réforme est la principale réforme du début de l’administration Bolsonaro et ne devrait faire l’objet d’un vote qu’au cours du second semestre de l’année.
  • En ce qui concerne les crises internes, nous assisterons probablement à de nouveaux jeux de pouvoir au sein de la présidence de la République. En cas de succès, la réforme des retraites favorisera le soutien au gouvernement Bolsonaro et, par conséquent, la projection de ses enfants dans le pouvoir national, au détriment du protagonisme du vice-président Mourão.