Brasilia. En 2000, il y avait au Brésil huit travailleurs actifs pour chaque inactif. Selon les projections démographiques de l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique (IBGE), il y aura deux inactifs pour un travailleur actif en 2060, si les règles actuelles de protection sociale sont maintenues (6). Ces changements sont liés à un certain nombre de facteurs, dont l’augmentation de l’espérance de vie de la population et la baisse du taux de fécondité des femmes depuis les années 1980.

Avec la réforme du système de contribution, l’âge minimum pour la retraite devrait passer de 60 ans à 62 ans pour les femmes, et à 65 ans pour les hommes, avec une durée minimale de cotisation de 30 ans pour les premières, et de 35 ans pour les seconds. En outre, le PEC des retraites modifie aussi les règles relatives à la contribution des travailleurs ruraux : l’âge minimum de la retraite passe à 60 ans (la règle actuelle est de 55 ans pour les femmes et de 60 ans pour les hommes), en plus d’augmenter la durée de cotisation (de 15 à 20 ans). Ces changements, vus d’un bon œil sur les marchés financiers, suscitent des critiques de la part des secteurs de gauche, tels que les députés du PSOL (Parti Socialisme et Liberté), qui mettent en garde contre la perte des droits sociaux des couches les plus vulnérables de la population, soumises au travail informel, qui n’atteignent pas l’âge minimum nécessaire pour prendre la retraite.

Pour être adopté, le PEC doit être doublement approuvé par la Chambre des députés et celle des sénateurs aux trois cinquièmes des représentants élus dans Chaque chambre. Cependant, les récents scandales de corruption risquent d’affaiblir la base du gouvernement et le soutien du Congrès aux programmes de la Présidence de la République.

Dans le système politique brésilien, le pouvoir exécutif dispose d’une série de pouvoirs institutionnels qui dotent le Président d’un grand pouvoir législatif, en plus de la possibilité de distribuer des ressources et des positions pour la formation de coalitions présidentielles (4). Ces caractéristiques sont cruciales pour assurer la gouvernabilité, car le législateur brésilien a un taux moyen de fragmentation des partis (6,70 %) supérieur aux chiffres présentés par les autres pays d’Amérique latine (3,29 %) (1). Toutefois, la fragmentation des partis s’est accentuée lors des dernières élections en octobre 2018. C’est un symptôme du discrédit des politiciens aux yeux de la population brésilienne. Un discrédit facilité par les règles flexibles existantes pour la création de nouveaux titres pour les partis. Actuellement, le Congrès national comprend trente partis différents (contre 22 en 2006 et 28 en 2010). Les élections ont également impliqué un renouvellement majeur des élus. Sur les 513 sièges de la Chambre des députés, 269 sont occupés par un député y effectuant son premier mandat (2).

Le Parti Social-Libéral (PSL) de Jair Bolsonaro est le deuxième parti à la Chambre des députés – 52 représentants – juste derrière le Parti des travailleurs (PT), avec 56 représentants. Le vote sur la réforme des retraites mettra à l’épreuve la cohésion du gouvernement ainsi que sa capacité à gagner des alliés. Bolsonaro sera confronté à une situation instable générée par les récents scandales de corruption impliquant son parti.

Depuis le début du mois de février, plusieurs membres du PSL ont été accusés d’être impliqués dans des soupçons de “candidatures fantômes” (“candidaturas laranjas”). En d’autres termes, il s’agit de l’utilisation de candidats « de façade » pour détourner des fonds vers d’autres candidats de manière illégale. Le journal Folha de São Paulo a révélé qu’un candidat de l’État de Pernambouc aurait reçu 400 000 reais brésiliens et n’aurait reçu que 274 voix – un score caractéristique d’une candidature « de façade » (3). Cet événement s’ajoute à une enquête ouverte en décembre 2018 sur les mouvements suspects sur le compte de Flávio Bolsonaro, fils du président et représentant de l’État à Rio de Janeiro – l’enquête est toujours en cours. Les répercussions du scandale des “candidatures fantômes” ont généré une crise interne au gouvernement qui a été résolue avec la démission du Secrétaire Général de la Présidence de la République, Gustavo Bebianno, le 18 février. Bebianno était le bras droit de Bolsonaro pendant la campagne : il exerçait le rôle de président national du PSL et était responsable de l’autorisation de transfert de fonds aux candidats à travers le pays. Floriano Peixoto Neto, général de la réserve militaire, assume depuis lors les fonctions de Secrétaire Général. Mais le fait de « couper des têtes » suscite l’appréhension au sein de la base gouvernementale.

Perspectives :

  • Après un début tumultueux pour le gouvernement, le Président risque d’avoir des difficultés à faire approuver la réforme des retraites. Jair Bolsonaro pourra utiliser la mobilisation sociale pour créer une base de soutien au sein du pouvoir législatif, considérant que le militantisme du PSL est, en grande partie, influencé par les réseaux sociaux et, par conséquent, est moins attentif aux moyens de communication traditionnels.
  • Parallèlement aux difficultés de coordination au sein de la coalition présidentielle, nous assistons à l’expansion de l’influence des militaires sur le gouvernement. L’armée semble redevenir une puissance modératrice, comme à l’époque de l’Ancienne République. Le développement de cette implication peut favoriser le Vice-Président Général Hamilton Mourão dans d’éventuelles crises politiques qui pourraient affecter le Président de la République.

Sources :

  1. AMES Barry, POWER Timothy J., Parties and Governability in Brazil, in Party Politics in New Democracies, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 8 ssq.
  2. Departamento Intersindical de Assessoria Parlamentar, Novo Congresso Nacional em Números : 2019-2023, Brasília, Congresso Nacional, 2018.
  3. Ministro do Turismo sabia de esquema para PSL lavar dinheiro, diz ex-candidata, Folha de São Paulo, 19 février 2019.
  4. LIMONGI Fernando, FIGUEIREDO Argelina, Bases Institucionais do Presidencialismo de Coalizão, Lua Nova 94, 82-66, 1998.
  5. Reforma da Previdência : o que vai mudar ?, O Globo, 20 février 2018.
  6. TAFNER Paulo, Algumas considerações sobre o Sistema Previdenciário Brasileiro e Reforma, Centro Cultural da Fundação Getúlio Vargas, Rio de Janeiro, février 2017.

Anaís Madeiros Passos