Depuis le début de l’année, la Russie a utilisé quatre fois son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies :

Depuis 1946, la Russie a utilisé 152 fois au total son droit de veto, soit presque autant que les quatre autres membres du Conseil de sécurité (France, Royaume-Uni, Chine et États-Unis) réunis.

Les Nations unies sont, par nature, une organisation pacifique visant à « maintenir la paix et la sécurité internationale ». Or, la présence d’un État siégeant comme membre permanent au sein de son Conseil de sécurité qui conduit une guerre ouverte depuis désormais plus de 6 mois contre un autre État souverain va à l’encontre de la charte signée en 1945 par l’Union soviétique 2.

Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations unies de septembre, Volodymyr Zelensky a déclaré : « Tant que l’agresseur participe à la prise de décision dans les organisations internationales, il doit en être isolé — du moins jusqu’à ce que l’agression dure. Refuser le droit de vote. Retirez les droits de délégation. Retirer le droit de veto s’il est membre du Conseil de sécurité de l’ONU, afin de punir l’agresseur au sein des institutions » 3.

Ce ne serait pas la première fois que l’ONU prendrait des mesures exceptionnelles pour s’adapter au contexte géopolitique. 

  • En 1971, c’est un vote qui a permis à la Chine d’accéder au Conseil de sécurité de l’ONU, et c’est cette même résolution 2758 qui a conduit à l’éviction de Taïwan de l’organisation.
  • À l’inverse, en 1974, l’Assemblée générale a déclaré que le gouvernement sud-africain n’avait plus le droit de siéger ou de voter à l’ONU en raison de sa politique de l’apartheid.

Si le siège de l’URSS est occupé depuis 1991 par un représentant de la Fédération de Russie, l’Ukraine et le Bélarus auraient pu tous deux revendiquer ce droit. Cependant, étant donné que le Bélarus a soutenu l’agression russe, l’Ukraine est désormais la seule ancienne république de l’URSS qui soit également un membre fondateur de l’ONU resté fidèle aux principes de l’organisation.

Concrètement, pour le juriste internationaliste Thomas D. Grant, l’Ukraine pourrait réclamer le siège de l’URSS 4.

  • Il faudrait que des lettres de créance soient délivrées à un diplomate ukrainien. La Russie s’y opposerait, mais les autres membres du Conseil seraient toutefois libres de s’opposer à la présence russe.
  • Une objection donnerait lieu à une question nécessitant un règlement et une reconnaissance de la violation de la charte des Nations unies par la Russie.
  • En raison de l’invasion d’un État souverain, Moscou a désormais perdu la base juridique qui lui permettait de conserver sa place au Conseil de sécurité, conduisant ainsi à son expulsion.
Sources
  1. Albania and United States of America : draft resolution S/2022/720, Conseil de sécurité des Nations unies, 30 septembre 2022.
  2. United Nations Charter.
  3. « Zelensky UN General Assembly Full Speech », Kyiv Post, 22 septembre 2022.
  4. Thomas D. Grant, « Expelling Russia from the UN Security Council — a How-to Guide », Center for European Policy Analysis (CEPA), 26 septembre 2022.