1 – Quel avenir pour les troupes américaines au Moyen-Orient ? 

La présence américaine au Moyen-Orient reste un sujet clé de la politique étrangère américaine. Les candidats à la primaire ont exposé leurs différences de point de vue — mais surtout leurs similitudes — lors du débat démocrate de Des Moines, dans l’Iowa, en janvier. 

Les candidats mettent globalement l’accent sur la nécessaire désescalade des tensions dans la région. La ligne de fracture sépare les candidats farouchement anti-interventionnistes, comme Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, des candidats qui souhaitent diminuer le nombre de troupes dans la région sans se désengager totalement, comme Joe Biden. Un sentiment de war fatigue, de lassitude vis-à-vis de l’engagement américain, se fait sentir dans le débat politique : Joe Biden s’est exprimé à plusieurs reprises sur son vote pour la guerre en Irak, le qualifiant d’ «  erreur  », alors que Bernie Sanders a fait de son vote contre cette même guerre un argument constitutif de sa capacité à jouer le rôle de Commander in chief. Elizabeth Warren porte quant à elle une critique plus large du complexe militaro-industriel et se prononce en faveur d’une baisse des dépenses militaires des États-Unis, une idée qui reste marginale dans l’opinion — soutenue par 25  % des démocrates et 6  % des républicains, selon un sondage réalisé par The Hill/Harris de juin 20191.

2 – Comment réagir face à l’Iran ? 

Les candidats à la primaire démocrate sont tout d’abord critiques à l’égard de la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA). Cette thématique est l’occasion pour Joe Biden de mettre en avant son bilan de vice-président de Barack Obama, et de critiquer l’isolement dans lequel se trouvent les États-Unis sur la question. Plus largement, des candidats comme Buttigieg, qui a abandonné la course le dimanche premier mars, ou Sanders rappellent la nécessité de travailler en plus étroite collaboration avec les alliés des États-Unis. Le seul candidat à s’être opposé au JCPOA au moment de sa signature, Michael Bloomberg, s’est également opposé en 2018 au retrait des États-Unis, considérant que cela équivalait à donner un blanc-seing au programme nucléaire iranien.

Lorsqu’il a été demandé aux candidats s’ils auraient ordonné l’attaque qui a tué le général Soleimani lors du débat du 7 février dans le New Hampshire, Joe Biden, Pete Buttigieg et Bernie Sanders ont tous trois critiqué la décision du président Trump. Ce dernier a réaffirmé que le seul recours contre l’existence de « très mauvais leaders » dans le monde devait rester la diplomatie, tandis que, selon Joe Biden, les informations disponibles au moment de l’attaque ne permettant pas d’identifier Soleimani comme une «  menace imminente  », la frappe n’était pas justifiée. Tous les démocrates ont alors exprimé la crainte que l’action de Trump ne soit à l’origine d’une escalade des tensions entre les États-Unis et l’Iran.

3 – Rupture ou continuité avec la Corée du Nord ?

Joe Biden et Bernie Sanders ont plaisanté à de nombreuses reprises pendant les débats des Démocrates sur la relation qu’entretiennent le président Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un, qui a qualifié par le passé Joe Biden de « chien enragé ». Continuer ou non de mener une diplomatie plus personnelle, fondée sur les rencontres entre les deux chefs d’État, est une question qui divise les candidats : si Elizabeth Warren et Bernie Sanders se sont prononcés en faveur de cette option, Joe Biden et Michael Bloomberg s’y sont opposés, selon un questionnaire soumis aux candidats par le New York Times2.

Joe Biden a ainsi préféré insister sur sa volonté de préserver les alliances américaines avec le Japon et la Corée du Sud, dans la lignée du «  pivot vers l’Asie  » entamé sous Obama, et propose d’envisager le JCPOA comme modèle pour un autre accord, signé cette fois avec la Corée du Nord. Il adopte une position plus dure sur la levée des sanctions, qu’il conditionne à un désarmement substantiel préalable, à l’inverse de candidats comme Elizabeth Warren ou Bernie Sanders, qui envisagent notamment une levée graduelle des sanctions en échange d’un gel du développement des capacités de production des matières fissiles.

10 points sur la politique étrangère des candidats démocrates

4 – Une division profonde sur les relations sino-américaines

Alors que l’épidémie de coronavirus a mis en suspens la guerre économique qui sévissait jusque lors entre la Chine et les États-Unis et fait peser de nouvelles menaces sur l’économie mondiale, les relations avec la Chine restent un sujet central des primaires démocrates. Bernie Sanders et Elizabeth Warren, l’aile gauche du parti, adoptent tous deux une posture ferme envers la Chine, qui prend racine dans un même patriotisme économique.

Pour Sanders et Warren, il faut tenir tête à la Chine pour lutter contre l’autoritarisme à l’échelle internationale et contre les inégalités à l’échelle nationale. L’aile modérée, en revanche, est plus divisée quant à la position à adopter. Si Buttigieg, lorsqu’il était encore candidat, a pu partager le diagnostic selon lequel la Chine représente une menace, il s’est montré très critique à l’égard de la guerre commerciale et a prôné avant tout la solution diplomatique.

La position de Biden, plus favorable à la Chine au début de la campagne,  a progressivement évoluée jusqu’à se rapprocher de celle de Pete Buttigieg. Le candidat le plus modéré, Michael Bloomberg, est également le plus favorable à la Chine : il a affirmé lors du dernier débat que Xi Jinping n’était pas un dictateur, et a rappelé les liens économiques profonds qui unissent la Chine et les États-Unis, tout en déplorant les graves atteintes au droit de l’homme qui ont lieu en Chine.

5 – La Russie, fauteur de troubles de la campagne démocrate

À la veille de la primaire démocrate dans le Nevada, le 21 février, a fuité dans la presse une information qui a suscité des réactions autant dans le camp démocrate que dans le camp républicain : le renseignement américain avait averti Bernie Sanders que la Russie intervenait dans la primaire démocrate pour soutenir sa campagne, lui qui avait été épargné par les actions russes lors de la primaire de 2016.

Le président Trump a par la suite évoqué l’idée que Vladimir Poutine préférerait voir Bernie Sanders gagner les présidentielles, rappelant notamment la lune de miel passée par ce dernier en URSS. Certains experts contestent cette interprétation, et avancent au contraire la théorie que la Russie soutiendrait Sanders car il serait plus susceptible qu’un candidat modéré de perdre contre Trump, et leur permettrait d’accentuer la polarisation de la société américaine sur le long terme. À la suite de ces révélations, parues dans le Washington Post, Bernie Sanders a dénoncé l’ingérence russe et a affirmé que, s’il était président, il ferait en sorte que la Russie se tienne à l’écart des élections à venir.

Intentions de vote aux primaires démocrates avant le Super Tuesday le

6 – L’Amérique centrale au prisme des questions migratoires

L’Amérique centrale s’est brièvement retrouvée au centre de l’attention à l’occasion d’une controverse fin février, lorsque la sénatrice du Michigan Amy Klobuchar, qui n’est plus candidate depuis dimanche, a été attaquée sur son incapacité à se rappeler du nom du président mexicain, Andrés Manuel López Obrador. 

Cependant, excepté cette controverse, les candidats démocrates se sont peu saisis des problématiques concernant l’Amérique centrale, ou l’ont fait essentiellement au prisme des politiques migratoires à adopter. Au delà du débat entre l’aile modérée et l’aile progressiste du parti sur la nécessité de réformer en profondeur les politiques migratoires — par la décriminalisation de l’immigration illégale ou la réorganisation en profondeur de la police aux frontières, comme le proposent par exemple Bernie Sanders et Elizabeth Warren —, certains candidats envisagent la mise en place de programmes d’aide aux pays d’Amérique centrale pour réduire l’immigration.

Ainsi, Joe Biden propose de créer une initiative commune aux présidents du Salvador, du Guatemala et du Honduras pour lutter contre la pauvreté et la corruption dans la région, en se plaçant dans la lignée des politiques mises en place sous l’administration Obama. De même, la mise en place d’un plan d’aide d’1.5 milliard de dollars est au cœur du programme d’Elizabeth Warren pour la région. Cette dernière a d’ailleurs affirmé que son premier voyage se ferait en Amérique centrale.  

7 – Une volonté de rompre avec l’interventionnisme américain en Amérique latine

Les principaux candidats ont rappelé, lors de leurs interventions, l’ingérence états-unienne historique en Amérique latine, et ont tous exprimé leur refus d’une ingérence directe, ce qui se manifeste dans le cas du Venezuela par le refus d’être directement à l’origine d’un changement de régime.

En revanche, la quasi-totalité des candidats et de l’establishment démocrate ont reconnu Juan Guaidó comme président par intérim, à l’exception notable de Bernie Sanders. Ce dernier a été la cible d’attaques au sein du camp démocrate pour ne pas avoir qualifié Nicolás Maduro de dictateur. Bernie Sanders est également le seul démocrate à avoir qualifié de coup d’État les évènements qui ont conduit l’ex-président bolivien Evo Morales à quitter le pouvoir.

10 points sur la politique étrangère des candidats démocrates

8 – Quel projet pour le climat ? 

Tous les candidats démocrates s’accordent sur l’importance de la lutte contre le changement climatique. Ils se prononcent tous en faveur du retour des États-Unis dans l’accord de Paris. Ils considèrent que les États-Unis doivent jouer un rôle de modèle et de moteur à l’échelle globale dans la lutte contre le changement climatique, et ont évoqué pendant le débat du 19 février dans le Nevada la nécessité de créer un dialogue avec la Chine et l’Inde, sans préciser la forme qu’il pourrait prendre. Tous souhaitent également revenir sur la suppression des régulations environnementales de l’Agence de protection de l’environnement décidée par le président Trump.

Ce qui distingue essentiellement les candidats démocrates sur cette thématique est l’étendue des plans proposés, en terme de poids financier et d’ambitions affichées. Le « Green New Deal » de Bernie Sanders apparaît comme le plan le plus ambitieux, avec un budget de 16 000 milliards de dollars et un objectif de création de 20 millions d’«  emplois verts  ». Son plan prévoit également une transformation radicale des secteurs de l’électricité et des transports d’ici 2030 et l’évolution vers une économie complètement décarbonée à l’horizon 2050. Les propositions des autres candidats sont en comparaison plus modestes, avec des chiffres allant d’1.7 — pour Joe Biden — à 3 mille milliards de dollars — pour Elizabeth Warren. Avant son abandon, le plan de Pete Buttigieg se situait quelque part entre les deux.

Les candidats ont tendance à lier la question climatique aux grandes thématiques de leur campagne : Elizabeth Warren rappelle ainsi que son plan anti-corruption devrait limiter l’influence des entreprises spécialisées dans les énergies fossiles. Joe Biden, quant à lui, met en avant son expérience politique sur la question, puisqu’en tant que vice-président il a notamment participé à la signature des accords de Paris et soutenu la mise en place de régulations sur les centrales à charbon.

9 – Vers un apaisement des relations avec les Européens  

Les relations entre Washington et Bruxelles se sont détériorées depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2016, notamment du fait de la mise en place de surtaxes sur les produits européens dans le cadre du litige sur les subventions au secteur aéronautique en octobre dernier, mais aussi du retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat et du JCPOA. Sur le plan économique, tous les candidats ont fait part de leur refus de toute forme de guerre commerciale avec l’Union européenne et de leur volonté de normaliser les relations commerciales avec Bruxelles. Biden, Bloomberg et Buttigieg ont notamment rappelé leur soutien aux accords de libre-échange. En revanche, Elizabeth Warren et Bernie Sanders se montrent globalement plus critiques vis-à-vis des accords de libre-échange — Bernie Sanders fait d’ailleurs partie des 10 sénateurs à avoir voté contre l’USMCA. Dans le cas où ce dernier serait élu, les relations commerciales — et les négociations associées — entre les États-Unis et l’Union européenne pourraient être tout aussi compliquées que sous l’administration Trump.

Concernant l’OTAN, l’incertitude sur le devenir de l’alliance militaire perdure après les déclarations de Donald Trump exigeant une plus grande participation financière des États européens dans le budget militaire et la déclaration du président français sur l’état de « mort cérébrale » de l’organisation. Malgré une condamnation quasi-unanime des propos de Trump à l’encontre de l’OTAN et un soutien affiché à l’organisation de tous les candidats démocrates, on observe des divergences : Bernie Sanders considère ainsi que les pays européens devraient respecter l’exigence de 2  % du PIB pour les dépenses de défense. Si les candidats affirment plus largement vouloir revenir à des relations transatlantiques apaisées, et renouer les liens avec les alliés traditionnels des États-Unis, des désaccords pourraient perdurer malgré l’élection d’un candidat démocrate.

10 – Comment la politique étrangère entre-t-elle en compte dans le vote des électeurs ?  

Dans un sondage Ipsos du 15 janvier dernier3, interrogeant les électeurs sur ce qui constitue à leurs yeux le problème le plus important auquel les États-Unis sont confrontés, les défis relatifs à la politique étrangère américaine passent après les problèmes liés aux soins de santé (21  %), à l’économie (12  %) et à l’immigration (11  %). La guerre (8  %) et le terrorisme (8  %) arrivent en quatrième et cinquième positions, au même rang que l’environnement (8  %) et le respect de la morale (8  %). Lorsqu’on évalue spécifiquement les positions des électeurs démocrates, les enjeux relatifs à la guerre (9  %) et au terrorisme (6  %) arrivent aux mêmes position, à la quatrième et à la cinquième place.

Selon cette même enquête, la montée des tensions entre les États-Unis et l’Iran au début de l’année 2020 a contribué à un regain d’intérêt pour les enjeux de politique étrangère parmi les électeurs. Le candidat qui serait le plus susceptible de profiter d’un intérêt accru pour les questions internationales est Joe Biden : selon un sondage de Morning consult4, les électeurs démocrates considèrent à 32  % que Joe Biden est le candidat le plus digne de confiance sur les questions de politique étrangère, contre 20  % des électeurs pour Bernie Sanders et 11  % pour Elizabeth Warren.