Bruxelles. A peine un mois après son entrée en fonction, la nouvelle Commission se trouve confrontée à une importante crise au Moyen-Orient. Quelle a été sa réaction, comment se sont coordonnés les efforts des différentes diplomaties européennes et quel rôle pourrait jouer l’Union européenne dans l’apaisement du conflit ?

Un nouvel éloignement transatlantique ?

Tout d’abord, la crise a été l’occasion d’une nouvelle manifestation de l’éloignement de la relation transatlantique, puisque deux jours après l’assassinat de Qâssem Soleimani, Mike Pompeo a déclaré lors d’une interview sur Fox News que “Franchement, les Européens ne nous ont pas apporté l’aide que j’espérais”1.

En effet, le compte officiel du MAE allemand a diffusé sur Twitter une déclaration d’Heiko Mass expliquant que “Cette action [la mort de Soleimani] n’a pas facilité l’apaisement des tensions. J’ai expliqué cela clairement au Secrétaire d’Etat Pompeo également”2. En revanche, Dominic Raab, le MAE britannique, a expliqué que le Royaume Uni était “sur la même page” que son partenaire américain.

De son côté, Emmanuel Macron a fait preuve d’une intense activité diplomatique. Lors de son appel avec le président Donald Trump, il n’a soutenu qu’à demi-mots son allié américain, exprimant sa solidarité face “aux attaques perpétrées ces dernières semaines”, mais ne se prononçant pas sur l’assassinat du général3. Selon Pierre Razoux, que Le Grand Continent recevait à l’ENS ce mardi, il faut retenir de ce message que l’Elysée dénonce radicalement les attaques contre les ambassades, mais pas en déduire que cela justifie l’assassinat de Soleimani.

Par la suite, un communiqué commun aux trois diplomaties a été publié, qui reprend les éléments principaux évoqués par chacun des chefs d’Etat : critique des attaques iraniennes contre la Coalition, désescalade, appel à l’absence de réplique iranienne, respect du JCPOA, intégrité et stabilité de l’Irak4.

Lenteur et faiblesse de la réaction de l’UE

Au niveau européen, Ursula Von der Leyen n’a convoqué une rencontre exceptionnelle des Commissaires que trois jours après la mort de Soleimani, qu’elle n’avait jusque-là pas commenté du tout, s’attirant les critiques des diplomates européens.5.

Josep Borrell, pour sa part, n’a pas eu d’entretien ni avec Donald Trump, ni avec Mike Pompeo. De même, Von der Leyen n’est pas entretenue ni avec Donald Trump, ni avec Hassan Rouhani6, tandis qu’Emmanuel Macron et Boris Johnson se sont entretenus avec les deux. En revanche, Charles Michel s’est entretenu avec Hassan Rouhani7. A voir cette profusion d’entretiens téléphoniques, la question fatidique semble toujours se poser : l’Europe, quel numéro de téléphone ?

De manière plus sérieuse, selon des diplomates interrogés par Politico, la lenteur et la faiblesse de la réaction des institutions européennes s’expliquent principalement par un manque de coordination des différentes institutions européennes (la Commission, le Conseil, et le SEAE).8

Quel rôle pourrait alors jouer la diplomatie européenne ?

Malgré cette relative confusion des réactions européennes, Josep Borrell organise aujourd’hui vendredi 10 janvier à 13h (GMT) une réunion des MAE européens à Bruxelles en présence de Mohammed Javad Zarif, qui ne peut pas se rendre à l’ONU, faute d’avoir obtenu un visa américain.

Dans ces circonstances, un appel publié sur l’ECFR9 appelle à quatre actions précises : tenir une réunion du Conseil de sécurité en dehors des quartiers généraux de l’ONU pour que Javad Zarif puisse y participer ; maintenir les éléments européens de la coalition anti-Daesh ; intensifier les discussions avec la Chine et la Russie pour s’assurer que l’Iran continue à donner accès aux inspecteurs de l’AIEA à ses centrales d’énergie nucléaire ; coordonner les initiatives des pays européens vis à vis des voisins de l’Iran pour apaiser les tensions.

Menaces contre l'Iran dans la région L'iran et ses alliés

Perspectives :

  • Vendredi 10 janvier à 13h GMT, réunion des MAE européens à Bruxelles
  • Lors de cette réunion, un des pays parties du JCPOA pourrait, estimant que l’IRAN ne respect plus le JCPOA, soumettre ce contentieux à la Commission conjointe prévue par l’accord et composée des membres signataires.