Helsinki. Le 3 décembre dernier, trois jours avant que le pays ne ‘ralentissait’ pour fêter ses 102 ans d’indépendance, le Premier ministre – Ante Rinne – du parti social-démocrate (SDP) démissionnait et son cabinet se voyait dissout.1 Suite à l’approbation du Parlement et du Président, Sanna Marin (SPD), jeune démocrate charismatique en devenir et ancienne ministre des transports et des communication, a été désigné comme Première Ministre2.

Cette crise politique apparemment soudaine, alimentée par des tensions au sein du gouvernement de coalition, trouve ses racines dans une série de grèves qui ont débuté suite à une politique du travail mal gérée concernant le service postal public (Posti). Cependant, les problèmes sont plus profonds et la fracture au sein du gouvernement – quoique maintenant intérimaire – est loin d’être résolue. Que s’est –il passé exactement, pour que la Finlande, toujours à la tête de l’Union européenne, perde son emprise et son gouvernement ? Le pays va maintenant se diriger vers de nouveaux vents avec le plus jeune PM de la politique finlandaise, alors que Sanna Marin, 34 ans, vise à rétablir la confiance dans une coalition affaiblie.3

Bien que les démissions du gouvernement ne soient pas inconnues dans l’histoire politique du pays,4 [/note]KAURANEN Anne, Finland’s cabinet quits over failure to deliver health care reform, Reuters, 8 mars 2019[/note] la série de grèves de novembre dernier et les critiques qui en découlent à l’encontre du gouvernement de Rinne sur le fait que celui-ci échoue à traiter de manière appropriée – et ouverte – la politique du travail dans les entreprises publiques ; mettent les événements récents sous un jour nouveau. La grève postale initiale a évolué en une série de grèves dans le secteur des transports. Les syndicats de l’aviation et des transports maritimes ont en effet déclaré leur soutien à la cause de Posti. A titre illustratif, entre les 25 et le 27 novembre, Finnair, la compagnie aérienne nationale, a annulé 300 vols. Les navires sont également restés immobiles dans les ports ; le conflit du travail n’ayant pas été résolu5. Le 28 novembre, la crise politique se préparait déjà.

Dans les jours qui ont suivi la fin des grèves, Rinne n’a pas été en mesure de donner des réponses acceptables concernant la raison pour laquelle les affaires du travail de Posti étaient si mal gérées que le pays s’est vu être paralysé. La pression parlementaire croissante de l’opposition et les clivages internes au sein des cabinets jugés insurmontables ont été pointés du doigt par Rinne ; ce qui a finalement conduit à sa démission. Alors que Sirpa Paatero, la ministre des gouvernements locaux et du pilotage de l’actionnariat, responsable des gestions des entreprises publiques, a déjà quitté ses fonctions avant le départ de l’ancien PM, sa démission n’a pas été jugée suffisante pour que son cabinet ou le Parlement retrouve confiance en Ante Rinne. Alors que les affaires du travail et les entreprises d’Etat semblent être à la surface du problème, et ont souvent été évoquées comme les principales raisons de la dissolution du gouvernement, une explication détaillée de ce qui a conduit à une démission rapide reste à confirmer. Même si la mauvaise gestion des entreprises publiques a pu déclencher la chute du cabinet de Rinne, la crise actuelle, selon les médias est profondément enracinée dans ce que Marin, en tant que nouvelle Première Ministre, devra reconstruire : la confiance – pas seulement parmi ses partenaires de coalition, mais face à un électorat de plus en plus insatisfait.

Il reste à voir si de plus ambles informations sur la chute de son cabinet seront divulguées. Mais pour l’instant, il semble que les anciennes tensions persistent dans les discussions en coulisses. Anneli Jäätteenmäki, Parti du Centre (KESK), la première femme Première ministre en Finlande, a été forcée de démissionner en 2003 en raison de la perte de confiance de ses collègues de la coalition – Le SPD. Certains ont laissé entendre que la vieille fracture entre le parti du centre agraire et les sociaux-démocrates pourraient être révolue depuis longtemps mais pas oubliée, car Marin devra essayer de se réconcilier avec les membres de la coalition, y compris l’inoubliable KESK.

Du centre agraire de droite (KESK) à la gauche urbaine (VAS, VIHR) avec le SPD politiquement paralysé et la minorité de langue suédoise (RKP-SFP) entre les deux, le gouvernement majoritaire de cinq partis connaissant des divergences croissantes devra trouver un terrain d’entente pour atteindre avec succès des résultats ambitieux en matière de durabilité et de progrès social. Ce qui semble le plus certain pour le moment, cependant, c’est que l’opposition conservatrice actuelle cherchera des opportunités pour maintenir une coalition brisée. Si Marin ne parvient pas à rassembler sa coalition, un glissement de terrain conservateur ne sera pas surprenant lors des élections de 2023.