États de l'Union

Le positionnement von der Leyen

Pour devenir la première présidente de la Commission, Ursula von der Leyen devait convaincre un Parlement européen qui n’aura jamais été aussi politique. Son discours paraît un exercice d'acrobatie, mais son positionnement vaut un programme et mérite d’être étudié de près, dans la première transcription intégrale, traduite en français et largement commentée.

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Le Grand Continent
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Philip Franz, Wappen des Fürsten von der Leyen

Pour devenir la première présidente de la Commission, Ursula von der Leyen devait convaincre un Parlement européen qui n’aura jamais été aussi remonté d’avoir été tenu, une fois de plus, à l’écart des négociations qui comptent.

Sa candidature, inventée dans la nuit du 1er juillet par le Président français pour débloquer un complexe jeu de vétos croisés, est le produit d’une intense session de négociation du Conseil où les Verts et les Sociaux-démocrates sont nettement affaiblis. Résultat : les eurodéputés sociaux-démocrates (en particulier allemands) et les Verts sortis perdants des négociations intergouvernementales, décident de ne pas la voter — entre-temps, Orban avec les pays de Visegrád et même des personnalités d’Identité et démocratie semblent apprécier la candidate…

D’où cette tonalité verte, par moment même social-démocrate du discours que nous traduisons et commentons pour la première fois. Ursula von der Leyen devait en effet identifier un positionnement politique qui lui permette de disposer d’une majorité ample et ressentie comme pleinement légitime au sein des institutions européennes. En ce sens, l’insistance sur le respect de l’État de droit lui sert comme un moyen de distanciation vis-à-vis de la Pologne du PiS et de la Hongrie d’Orban.

Cependant, au delà de ce positionnement tactique acrobatique, on doit remarquer une tendance générale. Comme nous l’avions déjà souligné, dans le cadre politique de la très grande coalition qui vraisemblement structurera la prochaine législature européenne, le centre de gravité politique est occupé par la position macroniste incarnée par Renew. On ne s’étonnera alors pas de retrouver dans le discours de la prochaine Présidente une constellation d’éléments directement issus du langage et de la doctrine du Président français : la Banque pour le climat, le salaire minimum européen et, surtout, l’insistance structurante sur l’Europe qui protège.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,

Il y a exactement 40 ans, la première Présidente du Parlement européen, Simone Veil, était élue et présentait sa vision d’une Europe plus unie et plus juste. C’est grâce à elle et à toutes les autres icônes européennes que je peux aujourd’hui vous présenter ma vision de l’Europe. Et 40 ans plus tard, c’est avec une grande fierté que je peux enfin dire qu’une femme est candidate à la présidence de la Commission européenne.

Je peux être cette femme grâce à toutes ces femmes qui ont brisé les barrières et se sont jouées des conventions. Je suis cette femme grâce à toutes celles, et tous ceux, qui ont construit une Europe de la paix, d’unité et de valeurs. C’est cette conviction européenne qui m’a guidée tout au long de ma vie et de ma carrière de mère, de médecin et aussi de politicienne. C’est ce courage et cette audace dont ont fait preuve les pionniers tels que Simone Veil qui sont au cœur même de ma vision de l’Europe. Et c’est cet esprit qui guidera la Commission européenne dont j’ai l’intention d’être la présidente.

Seule partie prononcée en français. Ursula von der Leyen serait la première femme présidente de la Commission européenne. Il y a tout au long du discours une importance particulière accordée à la parité : elle fait l’éloge de Simone Veil, s’engage à assurer la parité au sein du Collège des Commissaires et promet des mesures pour combattre la violence à l’égard des femmes. L’évocation de Veil, la parfaite élocution française paraissent autant de clins d’oeil au Président français qui avait dit considérer nécessaire l’exigence d’une parité parfaite au sein des postes plus importants.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, les pères et mères fondateurs de l’Europe, sur les ruines et les cendres de la Seconde Guerre Mondiale ont créé un nouveau monde fantastique de paix. Il est doté d’un marché commun fort, dans lequel il est possible de travailler, d’étudier et de conduire ses recherches sans se soucier des frontières. Aujourd’hui, 500 millions d’Européens vivent entre Riga et Limassol, entre Athènes et Lisbonne, dans la richesse et la liberté.

La génération de mes enfants est capable de projeter leur avenir dans une Europe qui est un foyer et ils ne peuvent pas vraiment l’imaginer autrement. Ceux qui sont nés dans cette génération supposent que ce serait toujours le cas. Mais, il est aujourd’hui clair que nous allons devoir nous battre, que nous allons devoir nous battre pour cette Europe qui est la nôtre.

La mondialisation de l’économie mondiale, l’énorme numérisation du travail et bien sûr le changement climatique : aucune de ces évolutions n’est nouvelle, elles ont été prédites par les scientifiques depuis longtemps. Mais ce qui est nouveau, c’est que les citoyens européens d’aujourd’hui, quel que soit le pays dans lequel ils vivent, en ressentent l’impact sur leur vie quotidienne : que ce soient les producteurs de blé finlandais touchés par la sécheresse ou les effets qui se font sentir en France, nous sommes tous confrontés au changement climatique.

La banque en ligne fait désormais partie de la vie quotidienne des Irlandais. En Pologne, après 20 ans dans la même entreprise, les employés doivent suivre une formation continue juste pour conserver leur travail. Voilà pourquoi ces changements nous affectent et nous touchent personnellement. Qu’il s’agisse d’écoles ou d’hôpitaux, des entreprises en Europe doivent fermer leurs portes. Nous faisons aussi l’expérience d’un changement démographique, qui lui aussi nous affecte et nous touche.

Nous avons le sentiment de perdre le contrôle, que les liens avec nos communautés sont plus lâches. Aucun de ces défis ne disparaîtra. Mais il existe différentes façons de réagir. Certains se tournent vers des régimes autoritaires, d’autres achètent une influence mondiale et créent des dépendances en investissant dans des ports et des routes. D’autres encore se replient vers le protectionnisme. Aucune de ces options ne nous convient.

Allusion à l’initiative des Nouvelles routes de la Soie. L’adhésion récente de l’Italie reste au centre des controverses internationales, alimentées à la fois par les États-Unis et par les principaux partenaires européens de Rome. Ces derniers ont cependant déjà ouvert leurs portes à la Chine sans investir l’Union européenne dans leur choix : les doutes sur l’initiative italienne sont justes mais tardifs. Le Grand Continent suit depuis longtemps cette séquence géopolitique complexe, vous trouverez ici nos analyses sur l’initiative chinoise.

Nous voulons le multilatéralisme. Nous voulons un commerce équitable. Nous défendons l’État de droit parce que nous savons que c’est mieux pour nous tous. Nous devons répondre à ces défis à la manière européenne.

À la manière européenne – le libre-échange et le multilatéralisme – sont deux aspects centraux de l’idéologie des candidats aux postes clés de l’Union : Christine Lagarde (BCE) et Josep Borrell (candidat au poste de Haut représentant) se sont exprimés plusieurs fois sur la centralité de ces valeurs dans leur action, notamment dans une série d’entretiens accordés au Grand Continent.

Mais si nous voulons nous engager sur la voie européenne, nous devons d’abord redécouvrir notre unité. Si nous sommes unis à l’intérieur, personne ne pourra nous diviser de l’extérieur. Si nous comblons les écarts qui nous séparent, nous pourrons transformer les défis de demain en opportunités.

Honorables membres, le défi le plus urgent est de garder notre planète en bonne santé. C’est la plus grande responsabilité et la plus grande opportunité de notre époque. Je veux que l’Europe devienne le premier continent climatiquement neutre du monde d’ici 2050.

Ce sont pourtant les États membres qui doivent se mettre d’accord. Réunis à l’occasion du Conseil européen les 20 et 21 juin pour un sommet de deux jours à Bruxelles, les chefs des Etats Membres n’ont pas réussi à converger sur un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. La Pologne, l’Estonie, la Hongrie et la République Tchèque s’y sont opposées – faisant échouer de peu l’atteinte d’une majorité permettant d’entériner un accord – arguant que la charge demandée aux pays aux mix énergétiques les plus polluants était bien trop importante.


L’objectif de neutralité carbone consiste à réduire drastiquement les émissions – non pas à les réduire à zéro – et à compenser les rejets résiduels. La réalisation de cet objectif et son succès dépendent donc de mécanismes de compensation, comme l’utilisation de puits de carbone naturels, telles que les forêts ou les sols, ou encore des technologies de captage et de stockage du carbone, des technologies encore immatures et dont la sécurité est controversée. Lire notre analyse.

Pour y parvenir, nous devons prendre des mesures audacieuses ensemble. Notre objectif actuel de réduire nos émissions de 40 % d’ici 2030 n’est pas suffisant. Nous devons aller plus loin, nous devons aspirer à plus. Une approche en deux étapes est nécessaire pour réduire les émissions de CO2 d’ici 2030 de 50, voire de 55 %. L’Union européenne dirigera des négociations internationales en vue d’accroître le niveau d’ambition des autres grandes économies d’ici 2021. Parce que pour avoir un impact réel, nous ne devons pas seulement être ambitieux chez nous. Nous devons le faire, bien sûr, mais le monde entier doit bouger ensemble.

Pour y parvenir, je proposerai un Green Deal pour l’Europe au cours des 100 premiers jours de mon mandat. Je présenterai la toute première loi européenne sur le climat qui fixera l’objectif de 2050. Cet accroissement d’ambition nécessitera des investissements à grande échelle. L’argent public ne suffira pas, je proposerai un plan d’investissement durable pour l’Europe et je transformerai une partie de la Banque européenne d’investissement en Banque du climat.

Pour plus d’éléments sur le projet de création d’une Banque européenne du Climat et son possible fonctionnement, vous pouvez lire l’entretien que Pierre Larrouturou, initiateur de l’appel pour un plan Marshall pour le climat, aujourd’hui député européen élu sur la liste Envie d’Europe écologique et sociale, nous a accordé.

Cela débloquera 1 000 milliards d’euros d’investissements au cours de la prochaine décennie. C’est un signe de changement. Chacun d’entre nous et chaque secteur devra y contribuer : de l’aviation au transport maritime en passant par la façon dont chacun d’entre nous voyage et vit. Les émissions doivent avoir un prix qui change notre comportement. Pour finir ce travail et pour faire en sorte que nos entreprises puissent être concurrentielles, j’introduirai une taxe carbone à la frontière pour éviter les fuites.

Mais, mesdames et messieurs les députés, ce qui est bon pour notre planète doit aussi l’être pour nos peuples et nos régions. Bien sûr, je connais l’importance des fonds de cohésion. Mais, nous avons besoin de plus, nous avons besoin d’une transition juste pour tous. Toutes nos régions n’ont pas le même point de départ, mais nous partageons tous la même destination. C’est pourquoi je proposerai un fonds de transition équitable pour soutenir les personnes les plus touchées. Voici la voie européenne : nous sommes ambitieux, nous n’abandonnons personne et nous offrons des perspectives.

Si ses propositions n’arrivent pas à convaincre les Verts, pour von der Leyen, il s’agit de s’adresser aux sociaux-démocrates. Il n’a échappé à personne que la crise des Gilets Jaunes a été déclenchée par une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Nous sommes revenus sur la question avec Rob Hopkins, fondateur du mouvement Transition : “Pour moi, la crise des Gilets jaunes est une réaction inévitable lorsque vous tentez de lutter contre le changement climatique d’une façon qui n’est pas enracinée dans la justice sociale. Quand les plus pauvres portent le plus lourd fardeau et qu’en même temps les 1 % les plus riches sont responsables de 40 à 50 % des émissions de CO2, et que les gouvernements taxent les plus pauvres plutôt que les plus riches, voilà ce qui arrive.”

Si nous voulons réussir ce plan ambitieux, nous avons besoin d’une économie forte car ce que nous voulons dépenser, nous devons le gagner en premier. Pour cela, nous devons renforcer la colonne vertébrale de notre économie, des petites et moyennes entreprises : elles sont innovantes, entreprenantes, flexibles et agiles, elles créent des emplois, elles assurent la formation professionnelle de nos jeunes, mais elles ne peuvent le faire que si elles ont accès aux capitaux partout dans cet immense marché unique. Débarrassons-nous de tous les obstacles, ouvrons la porte, complétons enfin l’Union des marchés de capitaux : nos petites et moyennes entreprises le méritent. Et nous devons travailler avec un pacte de stabilité et de croissance lorsque des investissements et des réformes sont nécessaires. Nous devons nous assurer qu’ils peuvent être réalisés. Nous devons utiliser toute la flexibilité permise par les règles. Nous sommes fiers de notre économie, nous voulons la renforcer, mais il faut en affirmer la logique claire et simple : ce ne sont pas les personnes qui sont mises au service de l’économie, c’est l’économie qui est mise au service des personnes.

Dans notre économie sociale de marché, nous devons concilier le marché et le social. C’est pourquoi je vais recentrer le semestre européen pour m’assurer que nous gardons le cap sur nos objectifs de développement durable. Je défendrai des taxes équitables, que ce soit pour l’industrie de la brique et du mortier ou pour le commerce numérique. Quand les géants de la technologie font d’énormes profits en Europe, c’est bien parce que nous sommes un marché ouvert et que nous aimons la concurrence. Mais s’ils font ces profits en profitant de notre système d’éducation, de nos travailleurs qualifiés, de nos infrastructures et de notre sécurité sociale, il est alors inacceptable qu’ils fassent des profits, mais qu’ils ne paient presque pas d’impôts en se jouant de notre système fiscal. S’ils veulent en profiter, ils doivent partager le fardeau.

Honorables députés, la voie européenne implique aussi d’utiliser tout notre potentiel : notre peuple, nos talents, notre diversité. Il s’agit de créer une Union plus juste et plus équitable. Cela me motivera chaque jour où je serai en fonction, comme a été le cas tout au long de ma carrière. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis que j’étais ministre des Affaires familiales et que j’ai dû me battre pour introduire la rémunération des parents, notre manière d’offrir un accès aux services de garde pour les familles. Mais la lutte pour l’équité ne s’arrête jamais. Il est encore trop difficile pour les familles qui travaillent dur de boucler leur fins de mois. Je veux m’assurer que le travail soit rentable dans une économie sociale de marché.

La fiscalité et la taxation des sociétés du Big Tech américaines ont été au centre du débat politique des dernières années. Il ne surprend pas alors que le sujet revient dans le discours de von Der Leyen. Mais L’Europe semble bloquée dans un jeu perdant-perdant : le manque de coordination a engendré des comportements de véritable “passager clandestin”, qui sont désormais ressentis comme part de la souveraineté nationale, comme l’a montré la réaction outragée de l’Irlande quand la Commission a exigé qu’Apple lui verse 14 milliards d’impôts supplémentaires.

Toute personne qui travaille à temps plein devrait avoir un salaire minimum qui lui permette de gagner décemment sa vie. Par conséquent, nous développerons un cadre de respect des différents marchés du travail. Mais je pense que la meilleure option est d’avoir des négociations collectives entre les syndicats patronaux et les syndicats de travailleurs, car ils adaptent le salaire minimum au secteur ou à la région nécessaire. Bien sûr, je sais qu’il existe différents modèles, mais nous devons créer le cadre. Je veux une meilleure protection pour ceux qui perdent leur emploi lorsque l’économie est durement touchée. Un régime européen de réassurance-chômage soutiendra nos économies et nos populations en période de chocs extérieurs. Bien sûr, il existe une assurance chômage nationale, mais un système de réassurance pour ces chocs externes lourds est nécessaire en Europe. Je veux aussi plus d’égalité et d’équité pour les jeunes. Le chômage des jeunes est de 14 % en Europe, mais il varie entre 5 % et 40 % dans certains pays.

Emmanuel Macron avait défendu dans sa lettre aux Européens l’introduction d’un salaire minimum européen. Néanmoins, cette mesure est impossible à traité constant et impliquerait une transformation significative de la politique sociale de plusieurs pays européens. Lire plus

Nous ne pouvons l’accepter. Les jeunes ont des aspirations, ils veulent travailler, ils veulent avoir un avenir et c’est à nous de le leur donner. C’est pourquoi je veillerai à ce que la garantie jeunesse, que j’ai mise en place lorsque j’étais ministre du travail au sein de notre conseil, fonctionne aussi bien que possible dans chaque État membre. Je soutiendrai l’idée du Parlement européen de tripler le budget Erasmus dans le cadre du prochain budget pluriannuel.

Nous devons prendre soin des plus vulnérables : nos enfants. Nous devons lutter contre la pauvreté. En tant que mère de sept enfants, je sais que l’accès à l’éducation, au sport, à la musique, à une alimentation saine et à un environnement aimant fait toute la différence. Nous avons besoin d’une garantie pour les enfants afin d’assurer que chaque enfant en Europe menacé de pauvreté et d’exclusion sociale ait accès aux droits les plus fondamentaux – comme les soins de santé et l’éducation. Je veux leur apporter cela pour qu’ils aient les moyens de leur liberté, d’autant cela nous rapportera énormément de les soutenir lorsqu’ils sont jeunes.

Cela fait partie de mon plan d’action pour donner vie à un pilier de droits sociaux et je commencerai par donner l’exemple chez moi en assurant la pleine égalité des sexes dans mon collège des commissaires. Si les États membres ne proposent pas suffisamment de femmes commissaires, je n’hésiterai pas à demander de nouveaux noms. Depuis 1958, il y a eu 183 commissaires, dont seulement 35 femmes. C’est moins de 20 %. Nous représentons la moitié de la population, nous voulons notre juste part. Nous devons également parler ouvertement de la violence faite aux femmes. Si une femme sur cinq a déjà subi des violences physiques ou sexuelles dans l’Union européenne et que 55 % des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel, ce n’est manifestement pas le seul problème des femmes. Je proposerai d’ajouter la violence à l’égard des femmes à la liste des crimes reconnus par l’UE et définis dans le traité. L’Union européenne devrait adhérer à la Convention d’Istanbul. 1 Je suis convaincue que si nous comblons ces écarts, nous sortirons renforcés en tant qu’Union.

Mesdames et messieurs les députés, le berceau de notre civilisation européenne est la philosophie grecque et le droit romain. Notre continent européen a traversé sa période la plus sombre lorsque nous étions gouvernés par des dictateurs et que l’État de droit avait été détruit. Pendant des siècles, les Européens ont lutté avec acharnement pour leur liberté et leur indépendance. La primauté du droit est notre meilleur outil pour les défendre et pour protéger les plus vulnérables. C’est pourquoi il ne peut y avoir aucun compromis lorsqu’il s’agit de respecter l’État de droit. Il n’y en aura jamais. Je veillerai à ce que nous utilisions notre panoplie complète d’outils au niveau européen et je soutiendrai pleinement un mécanisme d’État de droit à l’échelle européenne. Pour être clair, le nouvel instrument n’est pas une alternative aux instruments existants, mais un instrument supplémentaire. La Commission sera toujours une gardienne indépendante du traité. La Justice est aveugle et elle défendra l’État de droit où qu’il soit attaqué.

On note la proposition vague de créer un mécanisme européen pour veiller au respect de l’État de droit, qui lui sert comme un moyen de distanciation vis-à-vis de la Pologne du PiS et de la Hongrie de Viktor Orban.

Mesdames et messieurs les députés, la primauté du droit est universelle. Elle s’applique à tous. Au cours des cinq dernières années, plus de 17 000 personnes se sont noyées dans la Méditerranée, qui est devenue l’une des frontières les plus meurtrières du monde. En mer, nous avons le devoir de sauver les vies. Nos traités et nos conventions imposent le devoir juridique et morale de respecter la dignité de chaque être humain. L’Union peut et doit défendre ces valeurs. L’Union européenne a besoin de frontières humaines. Il nous incombe de sauver ceux qui sont perdus en mer. Mais seulement les sauver ne suffit pas. Nous devons réduire l’immigration irrégulière, nous devons lutter contre les passeurs et les trafiquants, la criminalité organisée, nous devons préserver le droit d’asile et améliorer la situation des réfugiés, par exemple par des couloirs humanitaires en étroite collaboration avec le HCR. Nous avons besoin d’empathie et d’actions décisives.

Je suis consciente de la difficulté de ces questions, et des divisions qu’elles suscitent. Nous devons répondre aux préoccupations légitimes de beaucoup, afin de parvenir à surmonter nos différences. Je proposerai un nouveau pacte sur l’immigration et l’asile, qui comprendra la relance de la réforme du règlement Dublin. Cela nous permettra de revenir à un espace Schengen de libre circulation pleinement opérationnel, moteur essentiel de notre prospérité, de notre sécurité et de nos libertés. Une pièce maîtresse de cette ambition est le renforcement du conseil d’administration européen et des agences de la Garde côtière européenne. Nous devons atteindre l’objectif de 10 000 gardes-frontières Frontex non pas d’ici 2027, mais bien avant, au plus tard d’ici 2024. Nous devons moderniser notre système d’asile. Un régime d’asile européen commun doit avoir le sens de son nom : un régime commun.

Nous ne pourrons avoir des frontières extérieures stables que si nous apportons une aide suffisante aux États membres qui subissent le plus de pressions en raison de leur positionnement géographique. Nous avons besoin de solidarité, nous devons nous entraider, et nous avons besoin d’une nouvelle façon de partager les charges. Nous devons faire une offre de coopération équitable aux pays d’origine et de transit, qui soit dans l’intérêt des deux parties. La diplomatie, le développement économique, l’investissement, la stabilité et la sécurité sont nécessaires pour que les gens aient des perspectives d’avenir.

Il y a un an, après neuf heures de négociations, les leaders européens sont tombés d’accord entre eux sur une option pour résoudre la question migratoire. Le compromis est avant tout de renforcer le contrôle des frontières extérieures et d’entreprendre la création de “centres de désembarquement” dans les pays de la rive de la Mer Méditerranée et des “centres contrôlés” dans certains pays européens pour la gestion des demandes d’asile. Mais, la réforme européenne de l’asile n’a guère évolué et les rapports de forces entre les États semblent difficile à dépasser. Lire plus

Permettez-moi de vous raconter une histoire. Il y a quatre ans, j’ai eu la chance d’accueillir un réfugié syrien de 19 ans chez moi, dans ma famille. Il ne parlait pas allemand, il était profondément marqué par son expérience de la guerre civile et par sa fuite. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, il parle couramment l’allemand, l’anglais, et bien sûr l’arabe. La journée, il est un leader communautaire en formation professionnelle. Le soir, un étudiant en seconde. Il espère rentrer chez lui un jour. C’est une source d’inspiration pour nous tous.

Mesdames et messieurs les députés, en tant que ministre de la Défense, je me suis rendue plusieurs fois dans cette région déchirée par la guerre. Je n’oublierai jamais les paroles de l’ancien président irakien, Fouad Massoum : “nous voulons voir plus d’Europe”. Le monde réclame plus d’Europe. Le monde a besoin de plus d’Europe. Je pense que l’Europe devrait avoir une voix plus forte et plus unie dans le monde. Elle doit agir rapidement. C’est pourquoi nous devons avoir le courage de prendre des décisions de politique étrangère à la majorité qualifiée et d’être unis derrière elles.

La pierre angulaire de notre défense collective sera toujours l’OTAN. Nous resterons transatlantiques et nous devons devenir plus européens. C’est pourquoi nous avons créé l’Europe de la Défense. Notre travail pour notre Union européenne en matière de sécurité et de défense s’inscrit dans une vision globale : la stabilisation passe toujours par la diplomatie, la réconciliation et la reconstruction. Nos militaires, hommes et femmes, travaillent aux côtés de policiers, de diplomates, d’agents d’aide au développement et, mesdames et messieurs les députés, ces hommes et ces femmes méritent notre plus grand respect et notre reconnaissance pour ce service inlassable rendu à l’Europe.

L’atlantisme de von der Leyen est quelque chose qui pourrait lui être reproché. L’Europe a en effet l’occasion de renforcer sa position au sein de l’OTAN, en développant des capacités propres plutôt que de se reposer sur la garantie américaine ou de se positionner comme extension de celle-ci. Lire plus

Je ne peux pas parler de l’Europe sans parler de nos amis du Royaume-Uni. Pour la première fois, en 2016, un État membre a décidé de quitter l’Union. C’est une décision sérieuse, nous le regrettons, mais nous l’avons respectée. Depuis lors, avec le gouvernement actuel du Royaume-Uni, l’Union européenne a travaillé dur pour organiser un départ ordonné. L’accord de retrait conclu avec le gouvernement du Royaume-Uni apporte de la certitude, là où le Brexit a créé de l’incertitude. Il assure la préservation des droits des citoyens et de la paix et la stabilité sur l’île d’Irlande. Ces deux priorités sont également les miennes, mais je suis prête à une nouvelle prolongation de la date de retrait, si un court délai était nécessaire pour une raison valable.

Von der Leyen annonce une continuation de la politique de l’actuelle Commission. Pourtant, une nouvelle prolongation donnerait un poids important aux députés britanniques et au Brexit Party, arrivé en tête aux élections européennes du 26 mai. Rappelons : lors de l’ouverture, le 2 juillet, de la neuvième législature du Parlement européen, les députés du Brexit Party ont tourné le dos à l’hémicycle pendant qu’y retentissait l’hymne européen.

Quoi qu’il en soit, le Royaume-Uni restera notre allié, notre partenaire et notre ami.

Mesdames et messieurs les députés, lorsque je suis venue à Strasbourg, il y a 13 jours, j’avais promis d’être à l’écoute. J’ai entendu vos préoccupations, vos espoirs, vos attentes. Les orientations politiques que je vous ai transmises aujourd’hui reflètent nos discussions. D’après ce que j’ai entendu, j’ai tiré mes conclusions et pris mes décisions. Tout d’abord, je veux que les citoyens européens jouent un rôle moteur et actif dans la construction de l’avenir de notre Union. Je veux qu’ils aient leur mot à dire lors d’une conférence sur l’avenir de l’Europe qui débutera en 2020 et durera deux ans. Deuxièmement, je veux que nous travaillions ensemble pour améliorer le système des Spitzenkandidat. Nous devons le rendre plus visible à un électorat plus large et nous devons aborder la question des listes transnationales lors des élections européennes comme un outil complémentaire de la démocratie européenne. Et, troisièmement, oui, je soutiens un droit d’initiative pour le Parlement européen.

Von der Leyen risque de se faire élire avec le vote de la droite/l’extrême-droite ce qui lui donnerait une faible majorité et donc peu de légitimité démocratique. Cette partie vise à y trouver une réponse.

Lorsque cette Assemblée, agissant à la majorité de ses membres, adopte des résolutions demandant à la Commission de présenter des propositions législatives, je m’engage à répondre par un acte législatif dans le plein respect de la subsidiarité proportionnelle et selon le principe de “mieux légiférer”. Je suis convaincue que notre partenariat renforcé contribuera à mieux faire entendre la voix des citoyens.

Monsieur le Président, mon père avait 15 ans lorsque la guerre, qui avait dévasté mon pays et qui avait entraîné des déplacements et la destruction de notre continent, a pris fin. Il en parlait souvent à ses enfants, à moi ainsi qu’à à mes six frères et sœurs. Par-dessus de tout, il nous a dit à quel point il fut important que les autres pays nous tendent à nouveau la main pour nous faire entrer dans le cercle des peuples démocratiques. Cela a commencé avec la communauté de l’acier/ Il s’est dit : nous commerçons à nouveau ensemble, et si nous commerçons, les amitiés grandiront et les amis ne se tireront pas dessus. Il a été chef de cabinet du commissaire européen chargé de la concurrence, Hans von der Groeben, puis directeur général de la direction générale de la concurrence.

Partie prononcée en allemand. Qui est Ursula von der Leyen ? Une figure essentielle de la vie politique allemande. Tantôt consensuelle, tantôt impopulaire elle semble avoir hérité du vigoureux engouement politique paternel. Descendante d’une famille bourgeoise et aristocratique de la Hanse, elle passe son enfance dans son pays natal, la Belgique, où elle fréquente l’École européenne et acquiert son bilinguisme franco-allemand. Lire plus

C’est pour cette raison que je suis née à Bruxelles. Je suis devenue européenne avant d’apprendre que j’étais allemande et citoyenne de Basse-Saxe. C’est pourquoi il n’y a qu’une seule chose qui compte pour moi : unifier et renforcer l’Europe. Quiconque souhaite renforcer et aider cette Europe qui est la nôtre à grandir et à s’épanouir, trouvera en moi une combattante passionnée. Mais quiconque cherche à l’affaiblir, à la diviser ou à détruire ses valeurs, trouvera en moi une adversaire féroce.

Dans sa vieillesse, à la fin de sa vie, l’histoire de mon père sur l’Europe avait changé. Il ne parlait plus tant de la guerre. Il disait que l’Europe était comme un long mariage : l’amour n’est, peut-être, pas plus grand que le premier jour, mais il s’approfondit parce que nous savons que nous pouvons compter les uns sur les autres dans les bons et les mauvais moments. Parce que nous savons que nous pouvons nous disputer mais nous réconcilier à nouveau, parce que nous n’oublions jamais pourquoi nous avons formé cette alliance. Nous tous, dans cette salle, vivons dans une Europe qui a grandi, mûri et s’est fortifiée avec ses 500 millions d’habitants. Plus de 200 millions de personnes ont voté aux élections européennes. Cette Europe a une influence, cette Europe veut être responsable d’elle-même comme du monde. Ce n’est pas toujours facile. Je sais que cela peut être douloureux et difficile, mais c’est notre devoir le plus noble. Les gens veulent que nous fassions des progrès, les jeunes le réclament, mes enfants ont raison de me dire : ne perdez pas de temps, faites-le ! C’est ce qui me motive, c’est pourquoi j’ai besoin de votre aide et de votre soutien. J’invite donc tous les Européens à jouer leur rôle. C’est la chose la plus précieuse que nous ayons.

Long live Europe ! Es lebe Europa ! Vive l’Europe !

Sources
  1. Traité international sur les droits de l’homme adopté par le Conseil de l’Europe pour la protection contre la violence contre les femmes et violence domestique le 11 mai 2011 à Istanbul. L’Union européenne l’a signé en juin 2017. À ce jour, 11 États membres ne l’ont pas encore ratifié : la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Slovaquie.
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