Washington. Le 4 décembre 1918, Woodrow Wilson devenait le premier président américain à faire le chemin vers l’Europe. C’est sous ces auspices que cent ans après, Christine Lagarde, la directrice française du FMI, s’est placée lors de son intervention (1, 2) dans le cadre prestigieux de la Huitième conférence Henry A. Kissinger à la Bibliothèque du Congrès Américain.

Son discours était en fait une leçon adressée au public majoritairement américain. En tant que directrice du FMI, Lagarde sait que l’institution qu’elle dirige a été fondée pour servir de pilier au multilatéralisme originellement défendu par les États-Unis. La remise en cause de cet ordre mondial par l’Amérique trumpienne au profit du bilatéralisme pose donc question.

Christine Lagarde a rappelé qu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le FMI avait plusieurs missions : promouvoir la coopération monétaire internationale, appuyer l’expansion du commerce et de la croissance économique et décourager les politiques susceptibles de nuire à la prospérité. Comme les autres grandes institutions globales fondées en grande partie par les États-Unis, l’ONU ou l’OMC (anciennement GATT) par exemple, le FMI a su évoluer et surmonter ses crises successives jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi les États-Unis ont-ils participé à la construction de ces grandes institutions ? Parce qu’un monde plus stable et plus florissant leur profite. La solidarité internationale est une question d’intérêt national : Washington a été récompensée de son engagement multilatéraliste par une période de croissance sans précédent.

Christine Lagarde a voulu convaincre son public que le multilatéralisme est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. L’économie mondiale fait face à de nombreux défis : les inégalités deviennent insoutenables, le changement climatique de plus en plus pressant, les États perdent la main sur l’économie numérique… Christine Lagarde a ainsi appelé à l’avènement d’un “nouveau multilatéralisme” qui s’opposerait au retour du bilatéralisme.

Selon elle, les pays doivent s’engager à améliorer l’existence de leurs citoyens, à devenir plus transparentes et responsables et veiller à ce que les bienfaits économiques de la mondialisation profitent au plus grand nombre.

Elle a ainsi délimité quatre chantiers pour arriver à ce résultat. Premièrement, le commerce : les tensions commerciales doivent cesser et le système commercial global devenir plus juste. Deuxièmement, la fiscalité : les pays doivent coopérer afin de taxer les multinationales et réguler efficacement l’économie numérique. Troisièmement, le climat : les instruments issus des accords de Paris sur le climat sont les meilleurs outils pour lutter contre le réchauffement climatique et doivent être respectés. Quatrièmement, la lutte contre la corruption : alors que la confiance dans les institutions s’effrite, les États doivent tout faire pour promouvoir la bonne gouvernance dans les plus hautes sphères.

Agir efficacement sur ses quatre chantiers nécessite une importante coopération internationale et doit permettre d’entrer dans ce que la directrice du FMI appelle l’”âge de l’ingéniosité”. Mais pour ceci, il faut que les États-Unis, comme à la fin de la seconde guerre mondiale, mènent la marche.

Perspectives :

  1. Christine Lagarde craint l’avènement d’un “âge de la colère” et pense que le multilatéralisme défendu par le FMI est la voie vers un “âge de l’ingéniosité” qui profiterait au plus grand nombre grâce à une coopération renforcée entre les états.
  2. Elle a appelé les États-Unis à ne pas rejeter le multilatéralisme car la promotion de la solidarité internationale est dans leurs intérêts.

Sources :

  1. LAGARDE Christine, le Christine Lagarde Delivers the Kissinger Lecture in Foreign Policy and International Relations, compte Youtube Library of Congress, 4 décembre 2018.
  2. LAGARDE Christine, Age of Ingenuity : Reimagining 21st Century International Cooperation, Fonds Monétaire International, 4 décembre 2018.

Cyprien Batut