Bruxelles. Réunis à l’occasion du Conseil européen les 20 et 21 juin pour un sommet de deux jours à Bruxelles, les chefs des Etats Membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un objectif de neutralité carbone à l’horizon 20501. Cette discussion avait lieu suite aux propositions de stratégies climat soumises par la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen à l’automne 2018. Sans surprise, le Parlement européen s’était prononcé en faveur de cet objectif au printemps dernier, appelant à renforcer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effets de serre de l’Union. Cette semaine, c’était au tour du Conseil de donner son avis, avec en ligne de mire le sommet Climat qui se tiendra en septembre et à l’occasion duquel les pays seront invités par l’ONU à réhausser leurs objectifs de lutte contre le changement climatique.
L’objectif de neutralité carbone consiste à réduire drastiquement les émissions – non pas à les réduire à zéro – et à compenser les rejets résiduels. La réalisation de cet objectif et son succès dépendent donc de mécanismes de compensation, comme l’utilisation de puits de carbone naturels, telles que les forêts ou les sols, ou encore des technologies de captage et de stockage du carbone, des technologies encore immatures et dont la sécurité est controversée. Par ailleurs, certains scientifiques soulignent déjà que les possibilités de stockage, autant par les puits naturels qu’artificiels, seront limitées par les forts changements de températures qui affecteront les écosystèmes. Entre outre, les méthodes artificielles de capture et de stockage du carbone nécessitent des quantités importantes d’eau ou de terres arables, ce qui pourrait limiter leur expansion selon la dernière étude de l’Agence Européenne de l’Environnement2.
Malgré ces considérations, et au vu des difficultés à trouver un accord, la neutralité carbone est pour l’instant l’option réunissant le plus de soutien. Toutefois, la Pologne, l’Estonie, la Hongrie et la République Tchèque s’y sont opposées – faisant échouer de peu l’atteinte d’une majorité permettant d’entériner un accord – arguant que la charge demandée aux pays aux mix énergétiques les plus polluants était bien trop importante. La Pologne demandait notamment un soutien financier plus conséquent, dans le cadre du futur budget pluriannuel de l’Union sur lequel les négociations sont toujours en cours.3
Le Conseil a donc adopté des éléments de langage généraux, loin d’être suffisamment concrets, appelant à « assurer une transition vers une Union Européenne climatiquement neutre, qui préservera la compétitivité européenne, sera juste et socialement équilibrée, prendra en compte les circonstances nationales des Etats membres et respectera leur droit de décider de leur propre mix énergétique ».
Le Conseil ne devrait finaliser sa position sur la Stratégie Climat à long terme qu’en décembre prochain, un délai qui fragilise le leadership de l’Union qui arrivera divisée au sommet des Nations Unies.
Déjà mis à mal lors des COP précédentes, le multilatéralisme pourrait être une fois de plus mis en difficulté. Certains plaident pour avancer à des rythmes différents au niveau international comme au sein de l’Union. Alors que certains pays, comme le Canada, ont récemment reconnu l’urgence climatique, la tendance géopolitique globale sur les négociations environnementales est à la polarisation. Sans un partage accru des ressources, notamment financières, entre les Etats, de façon à faire front commun, les discussions risquent vite de se crisper une fois encore, sans permettre des avancées concrètes indispensables.
Sources
- TAMMA Paola, EU leaders fail to commit to climate neutrality by 2050, Politico, 20 juin 2019
- European Environment Agency, Climate change puts pressure on Europe’s energy system, 18 juin 2019
- TEFFER Peter, Four states block EU 2050 carbon neutral target, EU Observer, 20 juin 2019.