Belgique : grande journée électorale dans un pays sans majorité

Bruxelles. Le dimanche 26 mai, jour de vote (obligatoire) pour les Belges, s’annonce particulièrement chargé. Privés de gouvernement depuis la fin de l’année dernière, ils sont convoqués aux urnes pour trois élections distinctes : régionales, fédérales et européennes. En décembre 2018, la coalition gouvernementale a en effet explosé suite à des débats houleux avec les indépendantistes flamands de la N-VA sur la ratification du Pacte mondial sur les migrations. Le Premier ministre démissionnaire Charles Michel se contente depuis lors d’expédier les affaires courantes à la tête d’un gouvernement fortement minoritaire (un tiers des sièges à la chambre).1

Pour les Belges, le premier enjeu est donc de savoir à quoi pourrait ressembler le gouvernement fédéral qui devra être formé dans les mois à venir. Au niveau national, les sondages annoncent que la première place reviendra aux écologistes d’Ecolo en Wallonie et aux nationalistes flamands de la N-VA (responsables de la fin de la coalition de Charles Michel et classés à droite) en Flandre. Quoique ces deux partis ne soient à ce jour pas désireux de participer à une même coalition gouvernementale, il est remarquable de constater qu’ils ont siégé ensemble dans le groupe Verts/ALE pendant toute la législature européenne précédente.

Selon les dernières projections de POLITICO2, les mêmes tendances devraient se retrouver pour le scrutin européen. Dans le Collège néerlandophone (qui choisit 12 des 21 eurodéputés du pays), le N-VA, plus grand parti du pays, se placerait en tête et obtiendrait au moins 4 sièges. Les chrétiens-démocrates du CD&V (PPE), les populistes nationalistes du Vlaams Belang, alliés de Salvini, ainsi que les Verts devraient pour leur part y obtenir 2 sièges chacun. Le nombre d’eurodéputés belges écologistes atteindrait sans doute 4 au total, car les Verts sont également susceptibles d’obtenir 2 des 8 sièges du Collège francophone, de même que les listes francophones du Parti Socialiste (social-démocrate) et du Mouvement réformateur (libéraux) de Charles Michel. Dans tous les cas, le nombre d’eurodéputés belges néo-nationalistes et eurosceptiques est annoncé comme faible.

A l’instar du Soir3, la presse belge dans son ensemble s’interroge sur la capacité de personnalités belges à briguer de hautes fonctions européennes. Les eurodéputés Guy Verhofstadt (président actuel du groupe ADLE) et Philippe Lamberts (actuel co-président des Verts/ALE) sont notamment cités comme susceptibles d’occuper un poste de haut niveau dans les instances européennes en cas de rapport de force politique favorable à leurs formations européennes respectives. Quant au Président français Emmanuel Macron, il affiche depuis plusieurs semaines son soutien sans faille à Charles Michel et espère que le Mouvement Réformateur réussira assez bien pour concrétiser les « ambitions européennes légitimes » du Premier ministre sortant.

Luxembourg : un vote pour les partis traditionnels dans un pays en deuil

Luxembourg. À peine un mois après la mort du Grand-Duc Jean, souverain de 1964 à 2000 et vétéran de la Libération, le Luxembourg arrive au terme d’une campagne électorale fort courte 4, puisque interrompue pendant les deux semaines de deuil national ayant suivi le décès de l’ancien chef de l’État. Le Luxembourg a toujours fait partie du groupe de tête à la fois en terme de participation électorale (86 % en 2014 ; vote obligatoire) et d’opinions positives sur l’Union et ses institutions. La très forte intégration économique, industrielle et financière du pays au sein de l’Union, sa large part d’étrangers (notamment portugais et français), son quadrilinguisme et sa dépendance assumée aux flux transfrontaliers de travailleurs et de capitaux semblent l’avoir jusque là maintenue en-dehors de la vague populiste et nationaliste qui traverse l’Europe. Le Luxembourg, dont la prospérité est bâtie tout entière sur sa position centrale en Europe – dans la sidérurgie d’abord, puis dans le secteur des services bancaires – semble donc regarder avec d’autant plus d’inquiétude l’euroscepticisme qui agite ses voisins qu’il n’a aucune prise sur celui-ci.

La vie politique luxembourgeoise est traditionnellement dominée par la Chrëschtlech Sozial Vollekspartei (CSV, PPE), le parti-chrétien social du Président Jean-Claude Juncker qui n’y a perdu qu’une seule élection législative depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Pourtant, depuis 2013, c’est une coalition formée des socialistes du LSAP (S&D), des libéraux du DP (ALDE) et de Déi Gréng (Verts) qui gouverne le pays sous la conduite de Xavier Bettel (DP). La coalition a été renouvelée en 2018, sur fond d’un affaiblissement de la CSV accompagné de l’apparition timide d’un parti populiste de droite, l’ADR (CRE) 5. La répartition des 6 sièges du Grand-duché est restée remarquablement stable depuis 2004, se répartissant chaque fois comme suit : 3 sièges à la CSV, 1 aux socialistes du LSAP (S&D), 1 aux libéraux du DP (ALDE) et 1 à Déi Gréng (Verts). Dans un mode de scrutin relativement original, les 283 683 votants enregistrés au Luxembourg, dont 8 % d’étrangers, peuvent choisir de donner leurs voix à des candidats issus de plusieurs des 10 listes en course (« panachage »).

La configuration électorale est relativement simple : selon les derniers sondages, le LSAP, le DP et Déi Gréng, au coude à coude autour de 15 %, n’ont que très peu de chance de voir leur nombre de sièges (un seul chacun) évoluer ; la seule question ouverte est de savoir si la CSV saura défendre son troisième siège, ou si elle le perdra en faveur de l’ADR, créditée d’environ 8 % des voix. Alors que le parti chrétien-social avait pu, en 2014, bénéficier de l’exposition internationale de Jean-Claude Juncker comme tête de liste du Parti populaire européen et de la crédibilité de Viviane Reding, Commissaire européenne de longue date (1999-2004), qui se présentait sur sa liste, tous deux sont désormais sur le départ. Si la dynamique semble donc propice à l’ADR, les subtilités du mode de scrutin laissent toutefois une large place à l’incertitude.