Bruxelles. La Belgique a toujours un gouvernement, elle n‘a pas changé de Premier ministre, et elle a signé bel et bien le Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières les 10 et 11 décembre à Marrakech, avec l‘assentiment des deux-tiers de la Chambre. Voilà pour ce qui n‘a pas changé. Car, pour le reste, le refus de l‘Alliance néo-flamande (N-VA) de signer le pacte a entraîné samedi 8 décembre l‘explosion de la coalition à quatre qui présidait aux destinées du pays depuis plus de quatre ans sous la direction du Wallon Charles Michel (MR, ALDE).

Le 8 décembre, à l‘issue d‘un conseil des ministres exceptionnel qui n‘a duré que quarante minutes, le départ des ministres et secrétaires d‘État N-VA confirmait déjà que le compromis était introuvable. Quelques minutes plus tard, le président du parti indépendantiste Bart de Wever a annoncé que sa formation quittait « de facto  » la majorité : « Si le premier ministre Michel s‘envole de [l‘aéroport de] Melsbroek, ce sera comme premier ministre de la coalition suédoise, mais lorsqu‘il atterrira il sera premier ministre de la coalition Marrakech »1 . Michel en a pris acte immédiatement, remerciant la N-VA « pour le travail des quatre années passées », et a annoncé sans attendre un nouveau gouvernement formé de représentants des trois autres partis de la coalition.

Après que certains portefeuilles ont été fusionnés, les treize membre du gouvernement Michel II sont exactement les treize des dix-huit membres du gouvernement Michel I qui n‘étaient pas membres de la N-VA2 . Un gouvernement de minorité qui dispose d‘à peine un tiers des sièges à la Chambre (52 sur 150) pour gouverner le pays jusqu‘aux élections législatives fédérales de mai prochain. Reçu par le roi dimanche midi, Michel a réuni son premier « nouveau » gouvernement à 15 heures, fixant trois domaines prioritaires : pouvoir d‘achat, sécurité et justice, climat, alors que le mouvement des « gilets jaunes » s‘est montré virulent en Wallonie ces derniers jours3 .

L‘éclatement de la coalition « suédoise », ainsi nommée d‘après les couleurs des partis qui la composaient, est la conclusion d‘une séquence de tensions gouvernementales qui avait débuté voici trois semaines4 . Alors que le premier ministre en personne s‘était engagé pour ce pacte non-contraignant à la tribune des Nations Unies en septembre, la N-VA, qui n‘avait jusqu’alors émis que des réserves, s‘y était brusquement opposée. De son côté, Michel s‘était voulu ferme – « un mot est un mot » –, insistant sur l‘entrée prochaine de la Belgique au Conseil de sécurité et sur la nécessité de préserver le multilatéralisme. Malgré les tentatives de conciliation, tous les partis ont campé sur leurs positions respectives jusqu‘à l‘issue du dernier conseil des ministres.

Le départ de la N-VA est cohérent avec sa récente dérive vers le camp néonationaliste. Si Michel a salué le travail à ses côtés du vice-premier-ministre Jan Jambon, plus modéré, le secrétaire d‘État aux migrations et à l‘asile Theo Francken, partisan de la ligne dure, a concentré ces derniers jours toutes les critiques. Reprenant son portefeuille, la ministre Maggie De Block (OpenVLD, ALDE) a ainsi déclaré : « j‘arrive aujourd‘hui dans un département en crise et en proie au chaos ». Francken avait admis publiquement s‘inspirer des écrits du Vlaams Belang, le parti d‘extrême-droite flamand, et mis en place une limitation à 50 du nombre de demandes d‘asile pouvant être traitées quotidiennement.

Le gouvernement Michel devra s’appuyer sur les voix de la N-VA à la Chambre pour gouverner dans les prochains mois. De leur côté, les indépendantistes auront tout loisir de préparer leur campagne, et pourront à leur gré faire pression sur le gouvernement, censurable à tout instant. À qui profite le crime ?

Perspectives :

  • 11 décembre 2018 : signature du Pacte à Marrakech.
  • 2019-2020 : la Belgique siègera comme membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.
  • 26 mai 2019 : élections législatives fédérales (à un tour) et élections européennes en Belgique.

Sources :

  1. DE LOBEL Peter et VANSCHOUBROEK Christof, Michel vertrekt als premier van Zweedse coalitie, en landt als premier van Marrakech-coalitie’, De Standaard, 8 décembre 2018.
  2. GARRÉ Marie et ABBELOOS Jan-Frederik, Premier Michel : ‘Ik neem akte van het vertrek van N-VA uit deze regering’, De Standaard, 8 décembre 2018.
  3. HUBLET François, La Belgique signera le Pacte, mais qui gouvernera la Belgique ?, La Lettre du Lundi, 25 novembre 2018.
  4. Le Roi a accepté la démission des ministres et secrétaires d’Etat N-VA : voici le nouveau casting du gouvernement, La Libre Belgique, 9 décembre 2018.
  5. Voici les trois axes prioritaires sur lesquels le gouvernement Michel compte avancer, La Libre Belgique, 9 décembre 2018.
  6. VAN DEN BROEK Ann, Paar uur bevoegd en Maggie De Block maakt al komaf met asielquota Francken : “Ik tref een departement in chaos aan”, De Morgen, 9 décembre 2018.

François Hublet

Sources
  1. DE LOBEL Peter et VANSCHOUBROEK  Christof,  Michel vertrekt als premier van Zweedse coalitie, en landt als premier van Marrakech-coalitie’, De Standaard, 8 décembre 2018.
  2. GARRÉ Marie et ABBELOOS Jan-Frederik, Premier Michel : ‘Ik neem akte van het vertrek van N-VA uit deze regering’, De Standaard, 8 décembre 2018.
  3. Voici les trois axes prioritaires sur lesquels le gouvernement Michel compte avancer, La Libre Belgique, 9 décembre 2018.
  4. HUBLET François, La Belgique signera le Pacte, mais qui gouvernera la Belgique ?, La Lettre du Lundi, 25 novembre 2018.