Luxembourg. Alors que l’Union chrétienne-sociale (CSU) perdait dimanche 14 octobre sa majorité au parlement régional de Bavière et que les Verts y réussissaient une percée historique, un scénario presque identique se jouait, le même jour, sur les bords de la Moselle. Un parallèle presque troublant : les élections législatives luxembourgeoises ont en effet vu le plus grand parti du pays, le parti populaire chrétien-social (CSV), reculer de cinq points à 28 pour cent des voix, et “déi gréng“ (les Verts) progresser d’autant, recueillant 15 pour cent des suffrages (2).

Toutefois, à la différence de leurs homologues bavarois, les chrétiens-sociaux luxembourgeois étaient déjà tombés de leur trône voilà cinq ans. En 2013, le parti du Président Juncker, quoique premier en nombre de sièges, s’était vu mettre en minorité par la coalition dite gambienne (d’après les couleurs – bleu, rouge, vert – du drapeau de cet État d‘Afrique de l’Ouest) formée par le Parti démocratique (DP, ALDE), le Parti ouvrier socialiste luxembourgeois (LSAP, S&D) et les Verts. Depuis dimanche, la coalition, qui gouvernait avec une majorité de deux sièges dans un parlement monocaméral qui en compte soixante, n’a certes plus qu’une majorité d’un siège, mais celle-ci tient toujours. Même s’ils ont débouché sur un ajustement des rapports de force internes au profit des Verts, les résultats confirment timidement le mandat de l’équipe du premier ministre libéral Xavier Bettel (DP). Nommé “formateur” mardi par le grand-duc Henri (4), Bettel est désormais en charge de mener les négociations tripartites visant à la reconduction de la coalition gambienne, qui ne devraient cependant débuter qu‘à la mi-novembre.

La situation s’achemine ainsi vers un statu quo politique, au grand dam du CSV, qui, par la voix de sa tête de liste Claude Wiseler, s’est dite disposée à aller “jusqu‘au bout” (1) et à “se battre pour 30 pour cent d’électeurs qui sont systématiquement ignorés” (5). Une ténacité qui risque fort de s’exercer dans la plus parfaite passivité, puisque le CSV, qui veut croire à un échec des négociations, n‘a réussi à convaincre aucun des membres de la coalition sortante de faire alliance avec lui. Ultime ironie de l’histoire, la CSV s’est vue critiquée jeudi pour son manque de “combativité” par une fondation proche… de la CSU bavaroise, qu’on devine déjà prompte à l’autocritique (6).

Enfin, alors que les tendances électorales européennes semblent s‘imposer au Grand-Duché comme ailleurs, elles apparaissent visiblement atténuées : seul parti de droite eurosceptique dans un État très cosmopolite, le Parti réformiste d’alternative démocratique (ADR) obtient 8 pour cent des voix, en légère hausse ; les sociaux-démocrates accusent quant à eux des pertes modérées (3 points).

À l’issue du Conseil européen de mercredi, Xavier Bettel, guère perturbé, a fêté son succès dans une brasserie bruxelloise en compagnie d‘Angela Merkel, Emmanuel Macron et Charles Michel (3). Une autre coalition centriste et libérale au cœur de l‘Europe ?

Perspectives :

  • Mi-novembre : début des négociations de coalition DP-LSAP-Verts.
  • Mai 2019 : élections européennes – le Luxembourg élit 6 députés ; les sortants sont Viviane Reding, Georges Bach, Frank Engel (CSV), Charles Goerens (DP), Mady Delvaux-Stehres (LSAP), Tilly Metz (Verts).

Sources :

  1. DAMIANI Claude, Le CSV persiste et signe, Le Quotidien, 18 octobre 2018.
  2. Résultats des élections législatives 2018, Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg, 19 octobre 2018.
  3. Le formateur paye sa tournée à Bruxelles, Le Quotidien, 16 octobre 2018.
  4. Le Grand-Duc nomme Xavier Bettel formateur d’un gouvernement, Le Quotidien, 16 octobre 2018.
  5. Unnachgiebig abwarten, Lëtzebuerger Journal, 18 octobre 2018.
  6. SCHOCK Pol, Nach Wahlpleite in Luxemburg : CSU-nahe Stiftung übt Kritik an CSV, Tageblatt, 18 octobre 2018.

François Hublet