Rovaniemi. Alors que les réunions ministérielles de l’Arctic Council restent généralement plutôt en retrait de la une médiatique, l’allocution provocatrice du secrétaire d’État américain Mike Pompeo a été remarquée1. Mais truffée d’erreurs, elle s’inscrit surtout dans la lignée des épisodes de politique ‘trumpienne’ et le chercheur canadien Michael Byers n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que ce discours constitue l’équivalent d’un tweet du président des États-Unis2.

Trois grands points peuvent être mis en exergue. D’abord, le discours de Pompeo réaffirme la légitimité des États-Unis en tant qu’État Arctique – en se trompant de dix ans pour la date d’achat de l’Alaska par les États-Unis à la Russie, intervenue en 1867 donc, et non 1857 comme il le dit. Cette introduction lui permet surtout d’attaquer sans détour la rhétorique chinoise d’un « État presqu’Arctique »3 développée dans la politique arctique du pays de 2018. Le secrétaire d’État épingle ensuite sans transition la Russie et son comportement « agressif »4. Pourtant, les deux États respectent le droit international et les règles du jeu dans la région.

Le troisième point remarqué de son allocution concerne les routes maritimes et la liberté de navigation chère à la politique américaine. Le discours fait ainsi explicitement référence au désaccord entre le Canada, la Russie et les États-Unis concernant le statut des passages maritimes. Le Canada et la Russie revendiquent le statut d’eaux intérieures avec pleine souveraineté, alors que les États-Unis considèrent qu’il s’agit de détroits internationaux, où règne donc la liberté de naviguer5. Mais cette position s’inscrit dans la continuité d’une politique américaine conduite depuis 50 ans : il ne s’agit pas d’un changement de cap menaçant. La Ministre des Affaires étrangères canadienne Chrystia Freeland a d’ailleurs immédiatement réaffirmé la position d’Ottawa quant au statut de ces détroits6.

Finalement, ce discours souligne à nouveau un isolement de la politique américaine, alors que les sept autre États présents on fait bloc contre cette posture agressive. Le représentant spécial chinois a pour les affaires arctiques, Gao Feng, ne s’y trompe pas. Mike Pompeo évoque une nouvelle concurrence des puissances ? « Voyons qui se fera le plus d’amis »…

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives

  • Le Forum de l’Arctic Circle qui s’ouvre à Shanghai aujourd’hui 10 mai sera à nouveau l’occasion de discuter du rôle des observateurs du Conseil de l’Arctique dans d’autres forums.
  • Les États-Unis doivent donner un discours à l’assemblée de L’Arctic Circle en octobre prochain, à Reykjavik.
Sources
  1. ESCUDÉ Camille, L’administration Trump, trouble-fête de la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique, Le Grand Continent, 9 mai 2019
  2. MALLICK Heather, Pompeo’s Arctic claims are all wet, The spectator, 8 mai 2019.
  3. China’s Arctic policy, 2018.
  4. POMPEO Mike, Looking North : Sharpening America’s Arctic Focus, discours prononcé à Rovaniemi, Finlande, le 6 mai 2019.
  5. LASSERRE Frédéric, Passages et mers Arctiques, Presses de l’université Laval, 2010
  6. CECCO Leyland, Mike Pompeo rejects Canada’s claims to Northwest Passage as ‘illegitimate’, The Guardian, 7 mai 2019.