Paris. Ce lundi, la Société Générale a trouvé un accord afin de régler tous ses litiges en suspens avec les autorités américaines. Dans les affaires concernant la violation de l’embargo financier couvrant Cuba, l’Iran et d’autres pays ainsi que le non-respect des régulations américaines de non-blanchiment, la Banque française a accepté de payer environ 1.40 milliards de dollars (1). Cette situation éveille un sentiment de déjà vu.

En 2015, la BNP avait, après de longues procédures, accepté de payer une amende record de 8.9 milliards de dollars dans une situation similaire (2). Les faits étaient cependant d’une gravité incomparable : le Département américain de la Justice accusait alors la BNP d’avoir servi de facto de Banque Centrale pour l’État Soudanais, considéré comme un État terroriste. L’ampleur de l’amende et le précédent créé – la BNP a été première banque étrangère à reconnaître sa culpabilité dans une affaire de ce genre – avaient alors aussi bien fait trembler les actionnaires de la banque française que l’ensemble des entreprises européennes.

La Société Générale a déjà mis de côté 1.60 milliards de dollars en anticipation de cet accord et ses finances ne sont donc pas en danger. Ceci rappelle cependant que les sanctions économiques occupent une place de plus en plus importante dans la stratégie américaine globale. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a marqué une accélération de cette tendance mais ne l’a pas démarré. Depuis les années 2000, sous l’égide de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), les pays et régimes touchés par les sanctions américaines se sont multipliés.

Face à ces sanctions, les entreprises extra-américaines opérant sur le territoire américain sont démunies : l’absence d’accord avec les autorités américaines peut leur fermer le marché américain pour une période indéfinie. En Iran, Total et Maersk, qui avaient pourtant beaucoup à gagner en important le pétrole iranien, se sont retirés dès septembre. Contourner les sanctions paraît pour l’instant impossible : le ministre des affaires étrangères iraniens, Mohammad Javad Zarif, a regretté (3), mardi dernier, l’incapacité des États Européens à mettre en place le fameux SPV (Special Purpose Vehicule) qui aurait permi à l’Iran de continuer à vendre son pétrole sans passer par le dollar.

La partie n’est pourtant pas perdue et le train des sanctions peut être arrêté. Le 23 avril dernier, le Trésor Américain a relâché sa pression sur le producteur russe d’aluminium Rusal alors qu’il prévoyait de lui fermer l’accès au marché international (4). Cela a été possible après une levée de bouclier de la part de l’Allemagne et la France, mais aussi des entreprises américaines, tel que Boeing. La mise à l’index de de Rusal aurait en effet drastiquement réduit l’offre d’Aluminium sur les marchés mondiaux et provoqué une flambée des prix.

Faute de mieux, l’édification d’un front uni semble être pour l’instant la seule façon d’échapper aux sanctions américaines.

Perspectives :

  • La Société Générale a accepté de verser une amende importante aux autorités américaines. C’est une situation symptomatique de la vulnérabilité des entreprises européennes face aux sanctions américaines.
  • Pour l’instant, les États européens n’ont pas réussi à trouver le moyen de contourner les sanctions. Les autorités iraniennes ont insisté sur leur impuissance.
  • Le cas Rusal semble pourtant montrer que si suffisamment de partenaires des États-Unis s’unissent, les sanctions peuvent être évitées.

Sources :

  1. JOHNSON Katanga, FREIFELD Karen, LANDAURO Inti, Societe Generale to pay $1.4 billion to settle cases in the U.S., Reuters, 19 novembre.
  2. RAYMOND Nate, BNP Paribas sentenced in $8.9 billion accord over sanctions violations, Reuters, 1er mai 2015.
  3. BLANCHARD Ben, Europe struggling to set up trading vehicle for Iran : Iran foreign minister, Reuters, 20 novembre.
  4. ZHDANNIKOV Dmitry, LOUGH Richard, WROUGHTON Lesley, How Rusal escaped the noose of U.S. sanctions, Reuters, 16 mai.

Cyprien Batut