Bruxelles. Décidément, ces élections européennes commencent de manière étrange. Alors qu’il est considéré comme un des pères du Spitzenkandidat (soit le processus selon lequel le parti politique européen qui arrive en tête aux élections européennes doit récupérer la Présidence de la Commission européenne), le chef de l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe au Parlement européen, Guy Verhofstadt, a décidé de changer de stratégie.

Dans une interview accordée à Ouest-France (1), Verhofstadt est clair, cette procédure mise en place au forcing contre le Conseil européen en 2014 “reste un système où c’est madame Merkel qui décide qui est le prochain président de la Commission.” Une déclaration qui a surpris la bulle européenne, y compris son propre camp mais qui a un avantage : aider Verhofstadt à se rapprocher d’Emmanuel Macron. Le Président français avait émis en février 2018 les mêmes critiques sur ce candidat tête de liste pour l’exécutif européen. Ainsi, début septembre, le chef de la République en Marche Christophe Castaner avait qualifié le Spitzenkandidat “d’anomalie démocratique” vu qu’il n’était pas complété par des listes transnationales aux européennes. Verhofstadt, qui courtise Macron depuis son élection, s’est rangé à cette idée.

“On était parmi les principaux défenseurs du système du Spitzen, comme une étape vers une démocratie transnationale européenne, ceux qui ont voulu promouvoir ce principe sont en train de le tuer” a ajouté l’ancien Premier ministre, une accusation à peine voilée contre le Parti populaire européen, qui selon une source parlementaire “sera toujours en tête aux élections européennes”. Mais quoique.

En effet, si le PPE a lancé sa campagne (avec pour l’instant seul Manfred Weber comme candidat), Macron et Verhofstadt envisagent un risque non-négligeable de voir les partis populistes de droite arriver en tête en mai 2019. Ce qui de fait va créer un problème constitutionnel européen pour la tête de la Commission. Dire non au “Spitzen”, c’est aussi parier que les leaders européens vont reprendre la main sur la nomination pour la Commission européenne. Ce qui a pour conséquence de favoriser des outsiders comme la commissaire à la concurrence (libérale) Margrethe Vestager … mais aussi le négociateur du Brexit et membre du PPE Michel Barnier (qui ne pourra pas faire campagne vu que les négociations du Brexit seront probablement terminées après la procédure interne des conservateurs). Reste à savoir si les libéraux européens, à Madrid dans quelques semaines, seront d’accord avec la stratégie.

Perspectives :

  • 8-10 novembre : Congrès de l’ALDE à Madrid pour le programme des élections européennes et lancement des candidatures pour la tête de la Commission.
  • 23-26 mai 2019 : Élections européennes.

Sources :

  1. MARCHAND Laurent, ENTRETIEN EXCLUSIF. Le libéral Verhofstadt s’allie avec Macron aux européennes, Ouest France, 9 septembre 2018