Londres. Après la publication du plan de Chequers au début de l’été, certains tabloïds britanniques traditionnellement favorables au Brexit semblent, depuis juin dernier, avoir changé d’opinion, en se montrant plus ouverts vis-à-vis des propositions du gouvernement de Theresa May. Le Daily Mail, qui avait défendu de manière acharnée la cause du Leave au cours de la campagne référendaire – au point que, selon l’institut de sondages YouGov, 66 pour cent de ses lecteurs ont voté pour sortir de l’Union – a récemment estimé que le plan présenté par Theresa May serait la seule solution cohérente pour un retrait ordonné (3).

Signalé durant l’été, le changement d’éditeur du Daily Mail, passant de la ligne pure et dure des Brexiters à une position plus modérée, avait suscité une vive curiosité dans la presse britannique. Le premier revirement notable, la semaine passée, a ainsi fait figure de nouveauté absolue. Lundi dernier, le Daily Mail a publié un article presque cordial sur le négociateur de l’Union, Michel Barnier. Mardi, un papier dur contre Boris Johnson, l’ancien ministre des affaires étrangères, et un article sur les conséquences en matière de justice d’une sortie sans accord (2). Mercredi, une Une consacrée au problème de l’obésité et aux meilleurs résultats des pays européens par rapport au Royaume-Uni. Ce qui a amené un commentateur du Financial Times à parler de “conversion sur le chemin de Damas” de ce grand titre de la presse populaire (4).

Les tabloïds britanniques ont joué un rôle décisif dans la campagne du Brexit et pourraient continuer à influencer l’opinion publique, dans la conclusion d’un accord d’ici novembre, notamment sur la question de l’Irlande (5). Jeudi dernier, lors d’un sommet à Salzbourg, les 27 ont demandé à la Première ministre britannique de revoir sa copie du plan de Chequers. Deux dirigeants européens se sont même prononcés en faveur d’un second référendum, possibilité que Theresa May a aussitôt exclu (1). Alors que l’on se dirige vers la dernière ligne droite des négociations, le revirement d’un titre si représentatif de la presse pro-Brexit comme le Daily Mail pourrait donc signifier la prise de conscience d’un affaiblissement des hard-brexiters au sein du parti Conservateur, qui peinent à proposer une alternative au plan de Chequers, et l’acceptation progressive d’un choix de raison. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse d’un Brexit dur ne semble plus plaire à grand monde.

Perspectives :

  • Le Congrès du Parti conservateur, à la fin du mois de septembre, scellera le sort de Theresa May.
  • Le sommet européen des 18 et 19 octobre pourrait ouvrir la voie à un accord sur le Brexit qui, qui serait officiellement annoncé lors d’un sommet extraordinaire en novembre.

Sources :

  1. BENNHOLD Katrin, To understand Brexit, look to Britain’s tabloids, The New York Times, 2 mai 2017.
  2. Brexit : Deux dirigeants européens se prononcent en faveur d’un second référendum, AFP, 20 septembre 2018.
  3. GLADDIS Keith, Daily Mail’s ‘screaming handbrake turn’ on hard Brexit as news pages have ‘very different tone’ under Geordie Greig, PressGazette, 13 septembre 2018.
  4. MANCE Henry, A Damascene conversion for the Daily Mail raises heart rates, Financial Times, 15 septembre 2018.
  5. SPILLETT Richard, No-deal Brexit will stop UK police from using European Arrest Warrants making it harder to catch Salisbury novichok suspects, Daily Mail, 18 septembre 2018.