L’Inde de Modi : doctrines, géopolitique, rivalités

Sous Narendra Modi et son Bharatiya Janata Party (BJP), l’Inde change vertigineusement. Sur le plan international : entre multilatéralisme, minilatéralisme et nouvelles formes du non alignement, dans une ligne de crête qui la rend l’une des principales puissances de l’interrègne — sur le plan interne où l’expérience d’un nationalisme ethnique extrême la fait basculer toujours plus nettement dans l’autoritarisme. Malgré sa puissance démographique, son extension géographique et son immense potentiel de développement, l’Inde se trouve prise dans le piège de l’anthropocène : les dessèchement des rivières et les catastrophes climatiques qui s’annoncent laissent présager un effondrement.
Cette série qui mobilise l’intégralité des sciences sociales tente de saisir le grand contexte de ces transformations tectoniques, en suivant les doctrines qui structurent son espace politique et celles qui s’entrechoquent pour définir son orientation géopolitique.

À suivre avec la Série Doctrines de la Chine de Xi Jinping.

Long format

Dans un entretien aux premières heures du Sommet qui s’est ouvert ce matin à New Delhi, l’un des principaux experts de la politique étrangère indienne nous fait entrer dans les coulisses de la doctrine Modi. De la séquence des BRICS à celle du G20 et dans le contexte d’une escalade diplomatique avec la Chine, l’Inde cherche par tous les moyens à se rapprocher de l’Occident — mais elle marche sur une ligne de crête.

William Dalrymple est l’un des historiens les plus acclamés de l’Inde du XVIIIe siècle. Il est par ailleurs très engagé dans les combats et les débats qui traversent une société indienne profondément transformée par l’action de Narendra Modi. Entre le passé et le présent, il dessine un portrait complexe d’un pays aux ambitions globales.

Le grand public ne prêtera pas beaucoup d’attention aux réunions de travail qui rythmeront le G20 cette semaine — mais ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Dans ce texte, large synthèse de plus d’une centaine de conversations confidentielles avec les principaux décideurs globaux, l’un des pères du G20 montre pourquoi la seule option véritablement réaliste pour l’ordre mondial reste celle d’un forum plurilatéral qui contrebalance la dynamique de confrontation entre le G7 et les BRICS.

Au sein des BRICS, la position de l’Inde n’a pas toujours été aisée, écho d’une diplomatie plurilatérale qui la pousse à être proche de pays aux intérêts divergents, voire opposés. À cela s’ajoute ses relations très dégradées avec la Chine, dont les Sommets des BRICS se font souvent l’écho. Mais dans un monde marqué par la diversification des puissances, le multilatéralisme indien pourrait être un avantage. Isabelle Saint-Mézard, maîtresse de conférence en géopolitique de l’Asie à l’Institut Français de Géopolitique, répond à nos question.

Alors que l’État de droit semble avoir complètement disparu en Inde et que les contre-pouvoirs s’effritent, New Delhi poursuit à l’extérieur un effort «  plurilatéral  ». Paris est une étape importante de cette stratégie. Avec le spécialiste Christophe Jaffrelot, nous tentons de prendre de la hauteur pour placer cette visite en contexte.

Il faut regarder les campagnes indiennes. C’est aussi là que se jouent les transformations du pays. Les immenses mobilisations agraires du début de nos années Vingt ont fait reculer le gouvernement de Modi. Jonathan Pattenden revient dans cette étude informée sur l’histoire longue des résistances à la libéralisation du pays — des nouveaux mouvements d’agriculteurs à la vague de protestation de 2020.