Depuis décembre 2022, l’Inde est à la tête du G20, avec un premier sommet des ministres des Affaires étrangères prévu du 1er au 2 mars prochain à New Delhi. Dans le même temps, sa présidence de l’Organisation de coopération de Shanghai — qui comprend la Russie et la Chine — la place à l’intersection de deux sphères qui partagent une vision différente du multilatéralisme.

Sur l’Ukraine, l’Union européenne et les États-Unis sont les plus impliqués dans l’imposition de sanctions à la Russie, mais certains États asiatiques notamment partagent eux aussi cette ligne de « non-ambiguïté » : Taïwan, Singapour, la Corée du Sud et le Japon notamment.

Si l’application de sanctions traduit le positionnement des États vis-à-vis de la guerre en Ukraine, les votes sur les résolutions des Nations unies ainsi que les discussions au sein d’organisations multilatérales (G7 et G20 notamment) en sont également des indicateurs pertinents.

  • L’ambiguïté de la position de l’Inde par rapport au conflit se traduit par des votes qui ne s’attachent non pas à une position immuable, mais varient selon le contenu même : l’Inde s’est abstenue quant à la suspension du statut de membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies de la Russie, mais a voté en faveur d’une dérogation accordée à Volodymyr Zelensky pour lui permettre de s’adresser à l’Assemblée générale sans quitter le territoire ukrainien en septembre dernier.
  • Modi a toutefois fait un pas en avant vers les Occidentaux en décembre lorsqu’il a annoncé ne pas tenir de sommet annuel bilatéral aux côtés de Poutine — brisant ainsi une série de 21 sommets annuels consécutifs — après que celui-ci ait menacé d’avoir recours à l’arme nucléaire en Ukraine : une ligne rouge pour l’Inde, mais également pour la Chine1.

L’inflation indienne a atteint presque 8 % en avril (soit un niveau élevé mais déjà atteint plusieurs fois par le passé), mais son commerce avec la Russie a bondi : en décembre 2022, l’Inde importait 33 fois plus de pétrole russe qu’il n’y a un an2. Si la Chine a récemment dépassé l’Union en tant que principal importateur d’hydrocarbures russes, la dépendance de Moscou vis-à-vis de Pékin et Delhi présente également un risque d’instabilité à terme3.

Dans le cadre de sa présidence du G20, Delhi multiplie les initiatives incluant les pays du Sud global, comme le 12 janvier à l’occasion d’un sommet virtuel organisé aux côtés de 125 dirigeants de pays du Sud — y compris 3 pays du Conseil de coopération du Golfe : les Émirats arabes unis, Bahreïn et Oman4.

Lors de ce sommet, Modi a discuté avec ses homologues de l’augmentation du poids de la dette ainsi que de l’aide au développement. Dans une critique voilée adressée à la Chine, le Premier ministre indien s’est fait le porte-parole des pays en développement qui « souhaitent une mondialisation qui ne crée pas de crise climatique ou de crise de la dette »5.

  • En octobre 2022, le Programme des Nations unies pour le Développement identifiait 54 pays en développement qui connaissent de « graves problèmes d’endettement ». 
  • La déclaration commune des leaders du G20 à Bali avait réitéré « l’engagement à intensifier nos efforts pour mettre en œuvre le Cadre commun de traitement de la dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISDS) » — une initiative d’allègement qui a pris fin en 20216.
  • Les attentes autour de la question sont élevées, la troïka dirigeante du G20 étant désormais composée elle-même de trois pays en développement : l’Indonésie, l’Inde, et le Brésil — qui assurera la présidence en 2024.

Au niveau régional, l’Inde assure la présidence tournante de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). 

  • Les conseillers à la Sécurité nationale des pays membres se réuniront à Delhi cette année.
  • L’Inde défend un agenda beaucoup plus sécuritaire qu’au G20 visant à « respecter la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale », et met en avant une identité commune entre ses membres, basée sur des « liens civilisationnels, culturels et spirituels millénaires »7.

Il n’est pas encore certain si Poutine participera au sommet annuel du G20 les 9 et 10 septembre prochains à New Delhi. 

  • La représentante russe auprès du G20, Svetlana Lukash, a fait entendre qu’il y a des « chances » que Poutine y soit présent — ce qui dépendra de l’évolution du conflit dans les prochains mois8.