Asie septentrionale

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Mai 1564, en pleine tourmente de la guerre de Livonie, un messager parvient à Moscou. Malgré d’atroces tortures, il meurt sans trahir aucun secret. Sa mission est accomplie  : livrer la première lettre du prince Andreï Kourbski à Ivan le Terrible. C’est ainsi que débute une correspondance qui s’étendra sur quinze années. Dans ces échanges passionnés et féroces, deux visions du monde s’affrontent, deux paradigmes politiques et poétiques s’entrechoquent, jetant les bases écrites de la samoderzhaviye — l’autocratie russe.

Plus de la moitié des Russes considère qu’une troisième guerre mondiale est au moins probable dans les prochaines années.

De «  l’acceptabilité  » de l’usage de l’arme nucléaire à la victoire finale contre l’Ukraine, les données du dernier sondage de Russian Field donnent un aperçu unique de l’opinion des Russes sur la guerre depuis février 2022. Si la constante d’un alignement sur le Kremlin est majoritaire, cette étude — dont la production ne peut être détachée du contexte autoritaire de la Russie de Poutine — révèle aussi d’importantes disparités dans la population.

«  L’oriental  », le «  mongol impénétrable  », le «  muet  », le «  fauve  ».

Par-delà la froideur impénétrable de l’administration pénitentiaire, comment traquer l’histoire des stéréotypes qui naissent au Goulag  ? Pour comprendre ce qui joue dans l’univers concentrationnaire soviétique, la littérature offre une fenêtre précieuse. En convoquant les pages de Chalamov, Demidov ou Julius Margolin, Luba Jurgenson restitue l’origine de préjugés racistes construits au camp — et qui ont encore la vie dure aujourd’hui.

De la période impériale jusqu’au poutinisme tardif, les tropes de la propagande antijuive originaire de Russie ont rayonné. Pour expliquer cette continuité moins linéaire qu’il n’y paraît, Sarah Fainberg dissèque les métamorphoses de l’antisémitisme en Union soviétique — jusqu’à leurs résurgences dans notre contemporain.

Comment explique-t-on les élections européennes depuis Moscou  ? De l’intérêt marqué par les commentateurs pour la victoire de Bardella et du RN à une étrange obsession pour l’ère Merkel, en passant par une théorie des «  élites grises  » de Bruxelles, ces échanges que nous transcrivons, traduisons et commentons reflètent l’état des points nodaux sur l’Union en Russie — parfois étonnants depuis cette extrémité du continent.

Devant les engrenages technocratiques de la diplomatie russe, Vladimir Poutine a prononcé ce vendredi un discours important qui actualise le concept stratégique de la Russie  : de l’arsenalisation du Sud Global à une nouvelle ouverture aux «  peuples d’Europe  » et aux forces politiques qui auraient remporté les Européennes du 9 juin — jusqu’à une «  proposition de cessez-le-feu  » qui lui permettrait d’avaler un quart du territoire ukrainien.

Sur Youtube, une icône pop reçoit un dirigeant religieux ultra-conservateur. Il soutient qu’il y a une continuité entre la résistance de Byzance à l’Occident et la politique étrangère russe  ; que l’invasion de l’Ukraine était prophétisée par les «  starets  »  ; qu’autant d’années nous séparent du début de la perestroïka que les quarante où Moïse a marché dans le désert.

Pour prendre la mesure de la politisation de l’Église orthodoxe, nous traduisons et commentons les échanges entre Ksenia Sobtchak et le métropolite Tikhon — fidèle de Poutine et probable successeur du patriarche Kirill.

Hier, dans la capitale du Tatarstan, s’est achevé le plus important événement de l’année consacré au monde musulman en Russie.

De l’importance stratégique du marché halal à la doctrine de l’eurasisme en passant par la place de l’islam dans «  l’État-civilisation  » russe, nous revenons en 10 points sur l’arrière-plan politico-religieux du Forum de Kazan.

En Russie, des intellectuels conservateurs non inféodés à Poutine débattent de l’hypothèse d’une Europe «  effrontée  » qui pourrait rechercher l’alliance avec Moscou. En opposant une «  Europe de Popper  » à une «  Europe de Spengler  », ils donnent à voir la controverse qui tiraille les tenants d’une Russie-civilisation contre ceux qui veulent croire à «  l’Occident d’après  ».

«  Ils voulaient le fascisme, ils l’ont eu  ». C’est pour cette phrase que l’activiste Oleg Orlov, président historique de Memorial, est aujourd’hui emprisonné en Russie dans des conditions inhumaines. Des centaines d’autres connaissent le même sort.

Le fascisme de Poutine a une histoire longue. Dans un texte inédit, l’opposant russe Lev Ponomarev en dresse le tableau tout en portant un message d’espoir  : plus le régime se radicalise, plus le changement devient inévitable.