Andreï Kolesnikov et Alexandre Kynev sont deux des rares politologues critiques du Kremlin encore présents à Moscou. Expert de la fondation Carnegie, le think tank américain qui a dû fermer ses bureaux à Moscou, Andreï Kolesnikov a été classé par les autorités dans leur liste d’« agents de l’étranger ». Ancien des équipes d’Alexeï Koudrine, l’ex-ministre libéral des finances, et de Golos, l’ONG spécialisée dans l’observation des élections, Alexandre Kynev est un expert indépendant spécialiste de la politique à l’échelon régional (oblast) en Russie. Nous les rencontrons à Moscou pour notre série « La Russie d’après ». Pour suivre l’intégralité de nos publications, abonnez-vous par ici.

Alors qu’avec son inévitable réélection s’achève une nouvelle phase de consolidation du pouvoir poutinien, depuis quelques mois on observe des signaux faibles dans la société russe : la mobilisation de plus de 100.000 Russes prêts à signer pour la candidature de Boris Nadejdine en janvier, de plusieurs dizaines de milliers à déposer des fleurs sur la tombe d’Alexeï Navalny dans les dernières semaines — diriez-vous que la peur de la répression se dissipe ?

Andreï Kolesnikov

Non, la peur est toujours là. Mais les Russes qui se mobilisent montrent qu’il y a une fatigue ou, pour être plus précis, qu’il sont de plus en plus fatigués de cette peur. Ce sont les plus courageux d’entre nous, mais ils sont loin d’être isolés. Quand on regarde avec attention les données, on constate que des millions de Russes s’opposent à « l’opération militaire spéciale » en Ukraine1.

L’approbation du Kremlin de Vladimir Poutine fait toutefois l’objet d’un soutien large avec des pics qui coïncident avec des « manœuvres impériales » — Géorgie, Crimée, Ukraine. Pensez-vous que l’on puisse vraiment affirmer que des millions de Russes sont contre le Kremlin ?

Oui, je le pense. Des millions de Russes sont contre Poutine et pour la défense de la démocratie. Mais tous ne sont pas prêts à l’exprimer publiquement. La peur est omniprésente : pour leur vie, pour leur famille, pour leur travail… Ils ne veulent pas être arrêtés, perdre leur emploi. 

À Moscou mais aussi dans d’autres villes à travers la Russie, ils ont pourtant décidé de faire la queue devant le quartier général de Boris Nadejdine et de signer pour sa candidature à la présidentielle, de rejoindre la file d’attente au cimetière d’Alexeï Navalny pour déposer des fleurs sur sa tombe. C’est sans précédent.

Des millions de Russes s’opposent à « l’opération militaire spéciale » en Ukraine.

Andreï Kolesnikov

Cela signifie que lorsqu’ils sont autorisés à le faire, comme c’était le cas dans ces deux circonstances, ces Russes-là n’hésitent pas à soutenir des positions qui s’opposent au Kremlin. Au cimetière de Navalny, c’était particulièrement frappant, car ce rassemblement dans le recueillement a duré plusieurs jours. Ce n’était pas sans risques. Avec les techniques modernes de reconnaissance faciale, les autorités peuvent facilement les identifier et les poursuivre par la suite2. Cela fait partie de l’atmosphère de peur totale qu’entretient ce régime. Mais ces personnes montrent et démontrent qu’elles forment la société civile russe : il serait important que les Ukrainiens comprennent qu’il y a encore des Russes responsables, qui s’opposent à ce régime, loin de la majorité conformiste pro-Poutine. Les Occidentaux et les opposants russes en exil doivent aussi le comprendre : une Russie libre, c’est aussi important qu’une Ukraine libre.

Alexandre Kynev

Je partage cette analyse : la peur est toujours là. J’irai un peu plus loin toutefois. Les Russes qui sont opposés au Kremlin ne savent pas d’où commencer pour influencer le cours des événements. Le système politique russe ne leur permet pas de s’exprimer. Dans un pays aussi vaste que la Russie, l’opposition n’avait pu jusque-là s’organiser que dans les grandes villes car elle n’avait pas les moyens de s’enraciner partout. Ce grand écart s’est creusé avec le conflit en Ukraine : les opposants de Moscou ou Saint-Pétersbourg semblent parler une autre langue, venir d’un autre monde, aux yeux des habitants de la Russie profonde. Avec « l’opération militaire spéciale », une grande partie des personnes qui s’opposent au Kremlin, depuis les leaders jusqu’aux citoyens les plus actifs, ont quitté le pays. De fait, cela a laissé l’opposition sans relais et sans occasion de se retrouver. Il n’y a pas eu d’événements rassembleurs. 

Pourtant, coup sur coup, les signatures pour Boris Nadejdine puis les funérailles d’Alexeï Navalny ont permis de voir qu’il y avait une participation à des actions publiques autorisées — pensez-vous que la peur se dissipe ?

Non, cela ne signifie pas pour autant que la peur a disparu. Tous les jours, les simples citoyens-opposants apprennent l’existence d’une nouvelle loi répressive, l’arrestation d’un blogueur, l’amende imposée à un activiste… L’État entretient cette peur totale en organisant une répression de plus en plus étouffante. Paradoxalement, la peur est aussi entretenue par l’opposition en exil : en expliquant tous les jours sur les réseaux sociaux depuis l’étranger que la situation est dangereuse en Russie, elle ne fait qu’effrayer un peu plus encore ceux qui ont décidé de rester dans le pays. C’est une spirale sans fin…

L’État entretient cette peur totale en organisant une répression de plus en plus étouffante.

Alexandre Kynev

Pourquoi les autorités ont-elles finalement accepté la tenue des funérailles d’Alexeï Navalny ? S’agit-il d’une preuve de faiblesse du système qui pouvait craindre le début d’un embrasement ?

Andreï Kolesnikov

Sans doute ont-elles craint à un moment que ces funérailles puissent virer en émeute. Mais les Russes qui se sont rendus à l’église et au cimetière pour Navalny n’étaient pas des émeutiers. Il s’agissait de personnes tout à fait normales, mesurées et en deuil. Elles ne prévoyaient pas d’aller prendre le Kremlin d’assaut. Elles ont une forte culture politique. Et le Kremlin l’a bien vu lorsqu’en 2015, ces mêmes Russes se sont retrouvés en masse pour la marche en mémoire de Boris Nemtsov3. Hier comme aujourd’hui, ils sont dans la rue pour exprimer leur dégoût face à ce régime immoral, leur volonté d’exprimer leurs points de vue contre le Kremlin et contre son offensive militaire. Ces images d’une société civile russe qui se rend sur le tombeaux de Navalny est une mauvaise nouvelle pour le pouvoir et sa tentative de consolider l’opinion. Vladimir Poutine ne cesse de répéter que l’immense majorité des Russes le soutient. Ces images montrent qu’il s’agit d’une illusion.

Alexandre Kynev

La meilleure solution à mes yeux, pour les autorités, aurait été de ne mettre aucune restriction aux funérailles d’Alexeï Navalny, de donner une grande salle pour que les gens se recueillent devant le corps avant l’enterrement, d’ouvrir en grand les portes du cimetière. Au départ, elles ont paru au contraire hésiter et choisir l’autre option : tout faire pour empêcher des funérailles publiques. Le risque aurait été d’attiser les mécontentements. Finalement, elles ont décidé de laisser faire. C’était sans doute le meilleur moyen d’apaiser la colère suscitée par la mort d’Alexeï Navalny. Alors qu’il est actuellement très difficile de trouver une place dans les cimetières de Moscou, elles sont même intervenues pour qu’une place lui soit rapidement attribuée. 

Ces images d’une société civile russe qui se rend sur le tombeaux de Navalny est une mauvaise nouvelle pour le pouvoir et sa tentative de consolider l’opinion.

Andreï Kolesnikov

Pourquoi les autorités n’ont-elles par contre pas permis la candidature de Boris Nadejdine à la présidentielle face à Vladimir Poutine ?

Andreï Kolesnikov

Il y avait là un risque plus systémique pour le régime. Elles l’ont laissé agir au début, lorsqu’il a commencé sa campagne de signatures de soutien. Mais, quand elles ont découvert qu’il pouvait obtenir jusqu’à 10 % des voix, elles ont compris que sa candidature pourrait affaiblir leur stratégie de consolidation de la société autour de Vladimir Poutine. C’était un risque avec des effets politiques à terme plus profonds que le simple fait ponctuel de laisser une foule se recueillir devant une tombe.

Alexandre Kynev

Au début, Boris Nadejdine a lancé sa campagne non seulement pour obtenir les signatures nécessaires mais aussi pour lever des fonds. D’où une très forte présence sur les réseaux sociaux et ce soudain retentissement médiatique autour de lui. Après ce mois de collecte publique de signatures et d’argent, Boris Nadejdine aurait pu prolonger cette campagne pendant un mois et demi s’il avait été candidat. Autoriser une présence publique d’une figure capable de recueillir des fonds et de créer un engouement devenait trop risqué aux yeux des autorités.

[Lire plus : notre entretien exclusif avec Boris Nadejdine]

Ces deux évènements peuvent-ils avoir un effet sur la présidentielle ?

Andreï Kolesnikov

Non, en aucun cas. La majorité conformiste parmi les Russes votera, comme prévu, pour Vladimir Poutine. Et rien n’y changera. Plusieurs couches de la population n’ont pas d’autres solutions que de voter pour le président : les fonctionnaires, tous ceux qui d’une manière ou d’une autre dépendant de l’État et de ses financements. À plus long terme, je doute d’un effet notable. Rien ne peut vraiment influencer l’attitude des Russes. On l’a déjà noté, les données le montrent depuis des années, la répartition reste stable : 15-20 % de la population est anti-Kremlin et donc, aujourd’hui, contre son « opération militaire spéciale » ; une même proportion est activement pour ; et, entre les deux, il y a les conformistes qui, dans les faits, soutiennent le système. L’émergence de Nadejdine et la mort de Navalny n’ont pas modifié cette répartition, ni influencé la situation face au niveau de répression.

La majorité conformiste parmi les Russes votera, comme prévu, pour Vladimir Poutine. Et rien n’y changera.

Andreï Kolesnikov

Alexandre Kynev

En vue de la présidentielle, le pouvoir mène aujourd’hui deux campagnes. La première vise tous les Russes qui, directement ou non, dépendent de facto de l’État : fonctionnaires, étudiants, soldats, retraités, employés des groupes publics… Ils doivent voter pour Poutine et, avant le scrutin, les autorités font tout pour le leur rappeler, via la propagande à la télévision mais aussi les habituelles pressions directes et menaces indirectes sur ces citoyens-électeurs par leurs employeurs, leurs chefs et dirigeants régionaux. 

La seconde campagne vise ces Russes qui, face au Kremlin et à ses politiques, ont des doutes ou sont indifférents : ceux-là peuvent se laisser tenter par un vote d’opposition. Les Russes qui sont allés signer pour Nadejdine ou poser des fleurs pour Navalny font partie de cette deuxième catégorie. Les autorités agissent du coup pour décourager ces électeurs indépendants de s’intéresser à la politique et, paradoxalement, vont jusqu’à discréditer la présidentielle afin qu’ils ne participent pas à cette élection. Aux yeux du régime, pour assurer un fort score à Poutine, mieux vaut que ce soit le vote lui-même qui devienne inutile et qu’ils n’aillent pas voter…

La disparition de Navalny, figure capable de mobiliser et d’organiser, est-elle un coup dur aux effets durables pour l’opposition ?

Andreï Kolesnikov

Oui, c’est indéniable. Je remarque toutefois que dans les faits, les équipes de Navalny ont su organiser ses funérailles depuis l’étranger. Ses relais existent toujours et ils sont dotés d’une certaine capacité d’action. On a d’autre part vu comment la foule a su s’auto-organiser, avec des mouvements spontanés de courage et de solidarité. Le problème reste celui d’une opposition déjà et de plus en plus éclatée. Une partie vit en exil à l’étranger. Une autre partie est en Russie mais en prison. L’opposition libre, capable de s’exprimer, via Boris Nadejdine ou Ekaterina Duntsova4, existe mais reste minoritaire. La société civile anti-Kremlin ne peut donc pas s’organiser en tant que mouvement.

Pour les Russes qui ont rendu hommage à Navalny dans le cimetière de Moscou, l’opposant devenait d’abord un exemple moral de résistance. C’est un peu le rôle qu’a pu jouer une figure comme Andreï Sakharov dans l’Union soviétique.

Andreï Kolesnikov

Le plus important et urgent aujourd’hui, c’est d’exprimer avant tout une résistance morale. L’opposition n’est pas un mouvement politique, avec une influence réelle sur le système. C’est avant tout une opposition qui doit montrer la possibilité d’une alternative, en se situant au niveau moral. Pour les Russes qui ont rendu hommage à Navalny dans le cimetière de Moscou, l’opposant devenait d’abord un exemple moral de résistance. C’est un peu le rôle qu’a pu jouer une figure comme Andreï Sakharov dans l’Union soviétique. Il s’agit de deux figures certes très différentes, agissant à des périodes de l’histoire distinctes, mais leur signification est la même : jouer un rôle d’autorité morale, en rendant envisageable l’horizon d’une alternative.

[Lire plus : notre dernier entretien avec Alexeï Navalny avant son retour en Russie]

Alexandre Kynev

Je suis d’accord. La mort de Navalny est un coup dur pour l’opposition car aucune autre figure — qu’on l’aime ou pas — n’a son autorité. C’est même le contraire… Beaucoup de simples citoyens anti-Kremlin nourrissent du respect pour Navalny mais n’en ont pas vraiment pour ses adjoints, qu’ils ne connaissent pas vraiment. Sa disparition contribue par ailleurs à l’émergence de rivalités et de dissonances internes entre différents courants. Sans leadership clair, ces derniers jours, on observe une cacophonie dangereuse, avec des déclarations contradictoires. Ainsi, par exemple, à la veille de la présidentielle, une partie du camp Navalny a appelé à voter le dimanche à midi pour, indirectement, créer un effet de protestation dans les bureaux de vote. Toutefois, ils n’ont pas indiqué pour qui voter. D’autres, au contraire, ont appelé à voter pour Vladislav Davankov, le candidat le plus libéral parmi les trois « opposants » de Vladimir Poutine à la présidentielle5.

Ioulia Navalnaya, la veuve d’Alexeï, pourrait-elle jouer le rôle de leader de l’opposition ?

Andreï Kolesnikov

Elle le peut. Après avoir exprimé avec force ses sentiments de deuil et de colère, elle pourrait devenir une figure morale de la résistance. Mais elle fait face à deux questions fondamentales. Peut-elle unir derrière son nom l’ensemble de l’opposition qui, en Russie et en exil, est très divisée ? Ou deviendra-t-elle la cheffe uniquement des équipes Navalny qui pourraient d’ailleurs avoir la tentation de ne pas souhaiter partager son autorité avec les autres ?

En théorie, Ioulia Navalnaya peut devenir la figure d’un rassemblement. Le problème, c’est qu’elle n’a pas d’expérience politique.

Alexandre Kynev

Deuxième problème : elle peut se transformer en une sorte de Svetlana Tikhanovskaïa6. Avec tout le respect que j’ai pour l’opposante bélarusse, elle n’a pour le moment su démontrer que sa capacité à parler aux leaders du monde occidental, mais elle n’a pas su représenter l’opposition libérale au Belarus, ce qui limite fortement son rôle. Toute la question est donc : Ioulia Navalnaya parviendra-t-elle à obtenir le soutien de figures en exil comme Mikhaïl Khodorkovsky7 et des opposants restés en Russie malgré leurs vues différentes. Pour le moment, ces derniers ont soutenu Boris Nadejdine. Il a su profiter d’une vraie fenêtre d’opportunité pour, autour de sa potentielle candidature à la présidentielle, unir les oppositions. Continueront-elles avec leurs habituelles querelles internes ? En théorie, Ioulia pourrait être cette nouvelle fenêtre d’opportunité.

Alexandre Kynev

En théorie, oui, Ioulia Navalnaya peut devenir la figure d’un rassemblement. Le problème, c’est qu’elle n’a pas d’expérience politique. On l’a certes vue aux côtés d’Alexeï Navalny dans des évènements publics mais rarement aux manifestations. Il y a des photos d’eux ensemble en famille mais cela ne dit rien de ses connaissances concrètes de la politique et de la stratégie. À chaque fois que, par le passé, je me rendais à son QG à Moscou et que je rencontrais Alexeï Navalny, je n’y ai jamais vu son épouse. À quel point le couple parlait de politique en détail, à quel point contribuait-elle à concevoir une stratégie ? — on ne le sait pas. Aujourd’hui, force est de constater que, pour elle et son éventuelle future carrière politique, Ioulia n’a que le nom et l’aura de son mari. C’est sans doute trop peu.

Dans l’opposition, une autre figure a émergé : Ekaterina Duntsova. Pensez-vous que les autorités la laisseront enregistrer son nouveau parti ?

Andreï Kolesnikov

Non. Il y a cinq ans, quand le régime était encore autoritaire et que Vladislav Sourkov8 était le marionnettiste des manipulations politiques du Kremlin, un tel parti aurait pu être possible : des activités critiques dans le champ politique et des ONG étaient tolérées et même accompagnées. Aujourd’hui, le régime est devenu plus totalitaire. La situation est plus dure, plus binaire : pas de Nadejdine, pas de Duntsova… Leur priorité est tout simplement de supprimer la société civile. Même lorsqu’il cessera son « opération » sur le front extérieur, Vladimir Poutine n’arrêtera pas pour autant son opération sur le front intérieur. Il continuera de supprimer tous ceux qui lui résistent, comme Duntsova par exemple.

Alexandre Kynev

Ekaterina Duntsova reste une figure fondamentalement creuse. Elle n’a pas de charisme. Personne ne la connaît. Elle a certes commencé à faire des voyages en régions mais cela n’accroît pas pour autant sa popularité. Elle est connue artificiellement sur quelques réseaux sociaux via Internet, culminant avec quelque 300 000 « followers » mais c’est un phénomène déjà en baisse. Son ascension a sans doute été du moins indirectement orchestrée depuis Londres par Mikhaïl Khodorkovsky. Les autorités n’ont donc aucun intérêt à la laisser enregistrer son nouveau parti. Cela ne leur servirait à rien car, vu qu’elle n’a pas de vrai soutien dans la population, Duntsova ne remplirait aucun rôle. Elle ne leur serait pas utile.

[Lire plus : notre entretien exclusif avec l’opposante à Poutine Ekaterina Duntsova]

Dans son discours à la nation, le 29 février, Vladimir Poutine a multiplié les promesses de dépenses publiques. Pourquoi ?

Andreï Kolesnikov

Aucune intrigue n’a animé cette élection. Vladimir Poutine est le seul candidat de cette campagne et puisqu’il est un bon populiste, il veut éviter de paraître abstrait. En étant concret à l’extrême pendant ce discours, il a voulu séduire les classes sociales inférieures pour monnayer leur fidélité. Tout cet argent, ce n’est bien sûr pas réaliste. Mais cela rassure sa base sociale et électorale. C’est aussi un moyen de faire passer son message principal : la stabilité, la normalité. Il dit indirectement aux Russes : « Oui, la guerre s’étend à l’Ouest mais, en même temps, nous pouvons continuer à vivre une vie normale ».

Le Kremlin sait que le conflit n’est pas un thème populaire de campagne électorale.

Alexandre Kynev

Alexandre Kynev

Étonnamment, « l’opération militaire spéciale » n’était pas le cœur du propos de Vladimir Poutine — avec seulement 25 % du temps du discours. C’est très peu quand on y pense. Indirectement, cela signifie que le Kremlin sait que le conflit n’est pas un thème populaire de campagne électorale. Le président a été contraint de parler de sujets concrets, importants pour tous les Russes qui souhaitent la fin de ce conflit. Du coup, il s’est concentré sur ce que peuvent faire les régions, les petites villes et sur de nombreux autres sujets en détails. Tout en se fixant un objectif : six ans — la durée de son nouveau mandat. Ses promesses étaient destinées à cet électorat qui est dépendant du Kremlin et qui, ce dimanche, va lui rester fidèle dans les urnes… Au-delà du conflit en Ukraine, il faut bien leur proposer une perspective d’avenir. Plus le président fait des promesses, plus les Russes vont se mettre à croire qu’il pourra les réaliser. Et qu’en le suivant, tout ira bien.

En deux ans d’« opération militaire spéciale » en Ukraine, le Kremlin a-t-il été à un moment bousculé et perturbé dans sa stratégie ?

Andreï Kolesnikov

Je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de « stratégie » car, par définition, cela suppose une vision avec des ambitions à long terme. Or le seul objectif de Vladimir Poutine est de se maintenir au Kremlin avec, comme résultat, un régime qui se durcit et une aspiration totalitaire. Toutefois, il faut comprendre que, dans les faits, le régime de Poutine est faible car il n’a pas d’objectifs pour le futur du pays. En 2023 nous avons assisté à des moments de grande fragilité, il ne faut pas oublier que la mutinerie d’Evgueni Prigogine s’est déroulée il y a moins d’un an, en juin dernier. Le chef de Wagner aurait pu entrer au Kremlin mais il a été rattrapé, lui aussi, par la peur. Ce que je retiens c’est que, en commettant un crime de lèse-majesté, il a montré toute la faiblesse de Poutine. Au-delà de sa force, il y a des fissures profondes dans les fondements du régime. Six mois après, la surprenante émergence de Boris Nadejdine et l’ampleur des foules au cimetière d’Alexeï Navalny ont été autant de signaux qui mettent en doute la solidité profonde du soutien des Russes au Kremlin. À deux reprises, en quelques mois la société civile russe a bousculé la stabilité apparente.

Alexandre Kynev

Nous ne savons presque rien car en Russie, rien ne sort des conciliabules du Kremlin. Mais nous pouvons nous demander si, à un moment ou un autre, y compris lors de la rébellion d’Evguenï Prigojine l’été dernier, le Kremlin a eu des doutes sur sa stratégie vis-à-vis de l’Ukraine et de l’Occident. Au sommet de l’élite russe, comme dans la société profonde, il semble d’ailleurs qu’il n’y ait plus du tout de discussions sur « l’opération militaire spéciale ». Il n’y a pas de débat public. Dans la presse, on parle très peu du conflit. Et, en famille, c’est devenu un thème tabou. Pour éviter que les dîners se terminent mal, on n’en parle plus. La Russie de Poutine est prise par le silence. En deux ans, les interdits se sont multipliés ; il est devenu dangereux de parler publiquement d’Ukraine, sous peine d’amendes ou de peines de prison en cas de critiques.

Il est devenu dangereux de parler publiquement d’Ukraine, sous peine d’amendes ou de peines de prison en cas de critiques.

Alexandre Kynev

En six mois, Evguenï Prigojine et Alexeï Navalny sont mystérieusement morts. Y-a-t-il des points communs ?

Andreï Kolesnikov

Entre les deux, il y a beaucoup de différences. L’un était un bandit, un paramilitaire qui critiquait le haut-commandement de l’armée. L’autre était un homme politique, le meilleur candidat à la présidence d’une transition qui proposait une alternative à la société. Mais, dans les faits, il y avait une similarité : tous deux faisaient de la concurrence à Vladimir Poutine. À cause de cela, ils ont disparu du paysage politique — et de la vie.

Alexandre Kynev

Navalny était un homme politique brillant, avec un fort groupe de soutiens. Prigojine était une figure de coulisses sans large influence. En s’exprimant publiquement contre le Kremlin, en le menaçant, les deux ont fini par connaître des morts mystérieuses. Par-là, un même message est envoyé à tous les citoyens russes : dans la Russie actuelle, il vaut mieux se taire… Cela vaut pour les opposants libéraux mais aussi pour les ultra-nationalistes. N’oubliez pas que Strelkov est aujourd’hui en prison !9

Vladimir Poutine a-t-il lui-même changé en deux ans de conflit ?

Andreï Kolesnikov

Je ne pense pas. La tendance fondamentale est toujours là. Il cherche à concrétiser son seul objectif, son unique priorité : le pouvoir absolu. On pouvait sans doute déjà observer cette dynamique dans le Vladimir Poutine qui arrive au pouvoir en 1999. Mais, aujourd’hui, alors que les contraintes et les obstacles disparaissent, il est libre de montrer ce qu’il veut, ce qu’il croit. Plus rien ne le limite. 

Alexandre Kynev

Vladimir Poutine est au pouvoir depuis trop longtemps pour pouvoir changer… Il a créé un système dans lequel il ne peut désormais plus y avoir de pouvoir qui ne passe pas par sa personne. Depuis qu’il a lancé son « opération militaire spéciale », le président n’a pas fondamentalement changé. Le vrai changement, c’était en 2012 quand, après la parenthèse Dmitrï Medvedev et les manifestations de 2011-2012, il est revenu au Kremlin. Cette fois pour de bon : il n’acceptera désormais plus jamais de quitter le pouvoir…

Depuis qu’il a lancé son « opération militaire spéciale », Poutine n’a pas fondamentalement changé.

Alexandre Kynev

Voit-on des doutes et des failles émerger au sein des élites ?

Andreï Kolesnikov

Absolument pas. Les élites du régime ont survécu au premier choc et aux vagues successives. Pour comprendre pourquoi crise après crise économique, les technocrates russes sont restés fidèles au régime, j’utilise une métaphore : c’est comme s’ils étaient bloqués dans un sous-marin, avec Vladimir Poutine en commandant en chef. Ils n’ont pas d’autre choix que de le servir. Aucune idée contradictoire n’en sort. Personne n’ose plus suggérer au président d’envisager une autre voie. 

Tous soutiennent Vladimir Poutine et, de facto, « l’opération militaire spéciale » en Ukraine. Certains sortent même vainqueurs et bénéficient de ce système en soutenant le complexe militaro-industriel désormais au cœur de la croissance économique. Ils s’enrichissent, parfois rapidement, sur la guerre. Parallèlement, Vladimir Poutine fait tout pour augmenter les salaires des fonctionnaires liés à la défense et aux autres forces de sécurité. Les siloviki10 et les ingénieurs militaires sont les principaux gagnants de cette situation, mais le partage du butin d’une économie en guerre est plus large qu’on ne le pense. Une nouvelle génération de directeurs rouges apparaît : ils dirigent des entreprises et des usines du complexe militaro-industriel public mais, comme leurs ancêtres de l’époque soviétique au moment des privatisations, ils peuvent savoir aussi en tirer de grands profits personnels alors même que l’on observe le mouvement inverse. Des entreprises sont nationalisées et placées dans les mains de fidèles du régime. C’est peut-être une nouvelle génération de semi-oligarques, certes pas aussi riches que ceux apparus dans les années 1990, mais aussi centraux pour comprendre les dynamiques réelles du pouvoir en Russie.

Alexandre Kynev

Je serais plus nuancé dans le diagnostic : certains comprennent qu’ils sont dans une impasse. Mais le conflit n’a déclenché en aucune manière la recherche d’une voie de sortie. Les élites russes ont compris que Vladimir Poutine sera au pouvoir pour longtemps et que, encore plus qu’avant, pour le moment, rien ne peut changer. J’observe également une autre tendance. Pour les voix critiques à l’intérieur du système, il y avait l’impression autrefois qu’une certaine marge de manœuvre existait. Qu’une voie de réforme pouvait être envisagée. Aujourd’hui, ils n’en ont plus du tout. Avant, ils pouvaient voyager en Europe ou en Occident et en parler. Ils ne le peuvent plus. Ce conflit a consolidé le système Poutine. Les sanctions européennes et américaines ont contribué à stabiliser l’emprise de son régime et à isoler les voix critiques, car elles ont permis au Kremlin de montrer que l’Occident est uni contre la Russie. Bien entendu, la responsabilité est celle de Vladimir Poutine, qui a provoqué la prise de sanctions par l’Occident. Mais, comme souvent dans ces situations, l’union nationale a tout englouti. Toutes les voix réputées libérales, comme la présidente de la Banque Centrale, Elvira Nabioullina ou l’ex-ministre des finances, Alexeï Koudrine, ont perdu leur aura dans le système. À terme, le système pourrait changer par un tremblement interne, mais à ce stade on n’en décèle pas les prémisses.

Aujourd’hui, au-delà de Vladimir Poutine, qui détient les leviers du pouvoir en Russie ?

Andreï Kolesnikov

Autour de Vladimir Poutine, il y a encore quelques personnes qui jouent des rôles stratégiques comme Nikolaï Patrushev, le chef du conseil de sécurité. Mais fondamentalement le président concentre autour de lui presque l’intégralité des leviers du pouvoir en Russie. Seulement Staline avait accumulé autant de pouvoir personnel. « L’opération militaire spéciale » en Ukraine, c’est sa décision personnelle. En même temps pour structurer son pouvoir, le président tourne les siloviki en propriétaires de fait du pays. Ce sont les forces vives du pays et la base sociale de son pouvoir. En échange de leur fidélité, il leur attribue des hausses de salaire et plein d’autres avantages financiers. Il a acheté leur soutien.

C’est pour cette raison que je suis convaincu que tout changement viendra du sommet et non de la rue. Regardez notre passé soviétique : de Khrouchtchev à Eltsine, en passant par Gorbatchev, les ruptures ou les transformations viennent toujours d’en haut. La Russie d’après Poutine ne fera pas exception. Aujourd’hui, je suis d’accord avec Alexandre Kynev, je ne vois aucun signe de fissures. Les élites sont devenues tellement dépendantes du régime que, même si dans leur âme et conscience, ils s’opposent, ils ne peuvent pas l’exprimer.

Pourriez-vous nous aider à comprendre comment fonctionne cette verticale du pouvoir ?

Alexandre Kynev

Le pouvoir en Russie aujourd’hui, avant tout, c’est Poutine. Autour de lui on retrouve une administration présidentielle directement liée à sa figure et des structures séparées, les « siloviki » (les forces de sécurité, FSB en tête puis le comité d’enquête, la police…). Dans les régions, les gouverneurs sont devenus de simples managers en charge de mettre en place la politique décidée par Moscou. Les gouverneurs de Moscou, Saint-Pétersbourg et en Sibérie restent certes des acteurs importants. Mais pas les autres, dans les régions moins puissantes économiquement. Cette verticale technocratique s’est renforcée depuis sept-huit ans. Grâce à des stratégies parfois subtiles : le Kremlin change par exemple régulièrement les gouverneurs qui à 58 % ne sont pas originaires des régions dont ils prennent la tête. Avant Poutine, les gouverneurs régionaux n’étaient pas parachutés, mais avaient des légitimités et des réseaux locaux. Et, parmi les adjoints des gouverneurs, plus d’un quart sont pareillement parachutés. Chacun est spécialisé et doit répondre à l’un des ministères du gouvernement fédéral. C’est donc une structure très verticale où tous sont réduits à agir en managers appliquant les directives du Kremlin. Leur tâche : concrétiser les ukases venus de Moscou, de Poutine et du reste du centre du pouvoir. En permanence, le Kremlin entretient la rotation de ce personnel pour maintenir l’efficacité de a vertical technocratique.

Quel est problème principal qui pèse sur la majorité des Russes : l’apathie généralisée ou le climat de peur imposé par la répression ?

Andreï Kolesnikov

Ce qui se passe en Russie est typique d’un régime qui aspire à devenir totalitaire : tout faire pour que le citoyen de base n’ose pas avoir sa propre opinion, préfère répéter ce qu’affirment les sources officielles, ne prenne aucune responsabilité pour quoi que ce soit. On retrouve des mécanismes de défense psychologique face à un monde menaçant : suivre la règle, ne pas se poser de question, ne pas être actif. Parfois, la peur est la source. Mais l’apathie est un autre ressort. En alternant les phases de mobilisation — militaire mais aussi politique avec les discours de Poutine — et de démobilisation — avec une concentration de la rhétorique socio-économique — le Kremlin réussit aussi à générer une forme d’indifférence au sein de la population.

Alexandre Kynev

Au-delà de l’apathie chez les Russes et de la peur entretenue par le régime, la société civile critique du Kremlin s’est affaiblie depuis deux ans principalement à cause du départ hors du pays d’un grand nombre de leaders et de leurs relais. C’étaient les plus actifs (hommes politiques, journalistes, dirigeants d’ONG, activistes…). Sur le terrain, dans les mobilisations, dans le travail quotidien d’organisation ou de recherche de ressources c’est presque impossible de les remplacer. Le résultat, c’est qu’en Russie il y a un vide. Et c’est une excellente nouvelle pour les autorités.

Pourquoi avoir décidé de rester à Moscou ?

Andreï Kolesnikov

La Russie est mon pays. Je crois que je peux faire quelque chose de l’intérieur. Je continue mon travail aussi librement que je peux, sans auto-censure. Ma voix a plus de poids lorsqu’elle vient d’ici. Pour étudier la société russe, il faut vivre avec elle. Depuis le début de l’offensive militaire, cela est devenu d’autant plus risqué que j’ai été classé « agent de l’étranger » : je suis donc sous les radars de différentes organisations de l’État, je dois être prudent, faire attention aux mots utilisés ; mais cela ne m’empêche pas de prendre la parole. Il est difficile de poursuivre ce travail car avec ce statut, je ne peux plus enseigner et suis devenu un paria professionnellement. Mais il y a aussi des raisons personnelles qui me poussent à rester en Russie : ma famille est ici. Ma vie est ici.

Alexandre Kynev

Je vais vous répondre très franchement : je n’ai nulle part où aller. Je n’ai pas les moyens financiers de partir et de m’installer à l’étranger. Mais je suis conscient que la situation peut être dangereuse pour moi, comme pour tout personne émettant des critiques sur la politique du Kremlin. Pour le moment, je fais attention à ce que je dis et ce que j’écris. Je n’enseigne plus depuis longtemps. Mais je n’ai pas reçu de signaux, m’avertissant d’une possible inclusion dans la liste des « agents de l’étranger » ou d’une autre forme de répression. J’aime voyager mais je veux vivre et travailler chez moi, en Russie — et travailler à mon échelle à la Russie d’après. 

Sources
  1. Les citoyens russes qui parlent de guerre en Ukraine, et non « d’opération militaire spéciale », sont accusés par les autorités de diffuser de « fausses informations ». Pour rappel, le 4 mars 2022 la Douma a adopté unanimement deux lois interdisant notamment l’utilisation du mot « guerre » ou « invasion » pour décrire « l’opération militaire spéciale » en Ukraine.
  2. Depuis la mort d’Alexeï Navalny le 16 février 2024, des centaines d’arrestations lors d’événements en mémoire de l’opposant ont été recensées par des associations russes. Nous avons contacté l’association OVD-Info, parmi les plus actives sur le terrain pour avoir plus d’éléments. Selon son porte-parole, les participants aux commémorations arrêtés par la police ont reçu « des convocations indiquant qu’ils devaient se présenter aux bureaux d’enregistrement et d’enrôlement dans l’armée ». Même si ces convocations ne sont pas contraignantes, les autorités russes se servent de ce moyen de pression pour décourager et effrayer les citoyens russes qui s’opposent publiquement au Kremlin en agitant la menace du front.
  3. Boris Nemtsov est un ancien opposant au régime de Vladimir Poutine abattu de quatre balles à quelques centaines de mètres du Kremlin dans la nuit du 27 au 28 février 2015. La responsabilité des autorités russes dans l’assassinat ne laisse que peu de doutes. Nemtsov menait notamment une enquête visant à révéler l’implication directe de Vladimir Poutine et ses proches en Ukraine depuis 2014. Dans le Grand Continent, nous avons publié des extraits du rapport d’Ilia Lachine qui complète et présente les éléments de l’enquête de Nemtsov.
  4. Parfaite inconnue il y a cinq mois encore, elle est devenue l’un des visages de l’opposition à Vladimir Poutine en Russie. Comme Boris Nadejdine, sa candidature aux « élections » présidentielles du 17 mars a été rejetée par les autorités. Elle espère pouvoir créer son nouveau parti « l’Aube » et inventer un nouveau leadership pour la Russie d’après. Nous l’avions rencontrée à Moscou pour une conversation exclusive quelques jours seulement après la mort d’Alexeï Navalny accessible à ce lien.
  5. Vladislav Davankov est le candidat du parti Novie Liudi aux « élections » présidentielles. Novie Liudi est le seul parti politique disposant de sièges à la Douma à ne pas avoir soutenu la reconnaissance des républiques populaires de Donetsk et de Louansk. Autorisé par le Kremlin à se présenter, donc faisant, de facto, partie intégrante du système politique russe, Vladislav Davankov est pourtant considéré comme le candidat le plus « libéral » à pouvoir s’opposer directement à Vladimir Poutine lors de l’élection du 17 mars.
  6. Au Belarus, Svetlana Tikhanovskaïa représente l’opposition au président Alexandre Loukachenko. Depuis août 2020, après qu’elle ait refusé de reconnaître la « victoire » du président Alexandre Loukachenko, elle vit en exil en Lituanie. Dans son pays, elle encourt, depuis décembre 2021, une peine de 18 ans de prison.
  7. Ex-oligarque russe contraint à l’exil, basé à Londres depuis 2015, il s’oppose publiquement à Vladimir Poutine et à la guerre en Ukraine. Mikhaïl Khodorkovky est le fondateur de l’association OpenRussia. Entre 2003 et 2013, il a lui-même passé dix années en prison.
  8. Surnommé tour à tour « le cardinal gris », le « Machiavel russe » ou « le Raspoutine de Poutine », Vladislav Sourkov était à l’origine d’un système non-linéaire d’organisation de la démocratie poutinienne : en contribuant à l’émergence de faux partis d’opposition, créés parfois de toutes pièces pour enrayer la colère d’une partie de l’opinion publique, et à des formations pro-Poutine comme Nachi, un mouvement ultra-nationailiste fondé à la suite de la « révolution Orange » en Ukraine. Fidèle conseiller et idéologue de Poutine, sa carrière a pris fin en 2021 lorsqu’il fut subitement démis de ses fonctions. Dans le Grand Continent, nous avons publié et commenté une série de ses écrits choisis, disponible ici.
  9. Ex-commandant séparatiste ultranationaliste russe en Crimée, Igor Guirkine, dit Igor Strelkov, est devenu une voix virulente contre la gestion militaire, et donc politique, du conflit en Ukraine par Moscou. Malgré son engagement de long terme pour Vladimir Poutine, il a été condamné le 25 janvier 2024 à quatre ans de prison pour « extrémisme ». Pour rappel, il est accusé par l’Ukraine et plusieurs organisations non gouvernementales de crimes de guerre.
  10. Siloviki (pluriel de silovik) désigne les membres des forces de sécurité russes — armée, services secrets et police — qui ont intégré les organes du pouvoir et la bureaucratie du Kremlin sous le règne de Vladimir Poutine.