La Chambre des représentants est généralement l’organe le moins chaotique du Congrès et parvient à faire passer des législations partisanes. La situation semble différente depuis janvier. Que s’est-il passé lors des élections de mi-mandat de 2022 qui explique l’incapacité actuelle de la majorité républicaine à faire passer son agenda ?
Traditionnellement, la Chambre des représentants est considérée comme une institution où une majorité simple peut faire plus ou moins ce qu’elle veut. Si un parti dispose de 218 voix et parvient à conserver un front uni, il sera en mesure de faire passer son programme. Le problème pour les Républicains est qu’ils ont obtenu une très faible majorité lors des élections de mi-mandat de 2022. Comme le GOP ne dispose désormais plus que de 221 sièges sur les 435 que compte la Chambre, seulement quatre députés dissidents ont la capacité de faire échouer des votes.
En raison du système bipartite en vigueur aux États-Unis, les deux partis comptent un large éventail d’idéologies et, dans de nombreux cas, un groupe de membres de l’aile droite qui est en désaccord avec la direction du parti. Cette aile a exploité le poids dont elle dispose tout au long du 118e Congrès et a refusé de voter avec le GOP. De ce fait, le leadership républicain de la Chambre est souvent dans l’incapacité de faire passer des lois sur une base strictement partisane.
Le Congrès actuel n’a adopté que 24 lois depuis son inauguration, soit le taux le plus faible depuis au moins le début des années 1970. Comment expliquez-vous ce déclin ?
Il y a deux raisons à cela. La première est la division du gouvernement. Avec les Démocrates au contrôle du Sénat et de la Maison-Blanche et les Républicains au contrôle de la Chambre des représentants, les deux chambres du Congrès sont assez éloignées sur le plan idéologique.
Lors du dernier Congrès, les législateurs ont adopté un grand nombre de lois importantes. Ce n’est pas le cas du 118ème Congrès, notamment en raison de la polarisation idéologique entre les deux partis. Cette situation est également exacerbée par le fait que les capacités des Républicains de la Chambre à légiférer sont entravées par des dissensions internes. Sur de nombreux sujets, ces derniers ne proposent même pas de textes pour entamer des négociations avec le Sénat. Si les Républicains de la Chambre étaient plus alignés en tant que parti et étaient en mesure de résoudre leurs propres problèmes, il y aurait plus de possibilités de négociations entre le Sénat et la Chambre — et donc potentiellement plus de lois adoptées. Mais il s’agit là d’une question secondaire.
Le principal problème est que le gouvernement est actuellement divisé. Les deux chambres étant contrôlées par des partis différents, il y a très peu d’incitation à faire des compromis. Cela est dû en grande partie aux faibles marges dont disposent les majorités dans les deux chambres. Les deux partis pensent qu’ils pourront contrôler l’ensemble du Congrès suite aux prochaines élections, et ne sont ainsi pas très enclins à faire des compromis. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces compromis seraient probablement plus facile à trouver si les deux partis disposaient de marges plus importantes dans les deux chambres. Mais le fait que les Républicains pensent pouvoir reconquérir le Sénat et les Démocrates la Chambre en 2024 les incite fortement à s’opposer constamment et à faire de cette question un enjeu électoral.
Une victoire républicaine aux élections de 2024 changerait-elle la situation ?
Cela dépendrait de la taille de la majorité obtenue par le GOP. Si les Républicains continuent d’avoir une très faible majorité à la Chambre, comme c’est le cas actuellement, il y aura toujours des tensions entre l’aile droite du parti et l’aile la plus modérée.
Les députés républicains élus dans l’État de New York, par exemple — dans des circonscriptions remportées par Joe Biden lors de l’élection présidentielle de 2020 —, ne seront jamais en accord avec l’aile droite du Parti sur une série de questions allant de l’avortement à la politique migratoire, et même jusqu’à des sujets plus classiques comme la fiscalité. Ils ont des points de vue différents sur beaucoup de ces sujets parce qu’ils représentent des circonscriptions plus modérées que celles d’autres élus républicains.
Il y aura toujours des tensions. Mais si les Républicains gagnaient 20 sièges supplémentaires à la Chambre — ou s’ils avaient gagné 20 sièges supplémentaires lors des élections de mi-mandat en 2022 —, beaucoup de ces problèmes disparaîtraient. Sur n’importe quelle question, le leadership républicain pourrait simplement ignorer l’aile d’extrême-droite et bâtir une coalition de 218 voix sans eux.
George Santos est récemment devenu le premier Républicain à être expulsé de la Chambre des représentants dans l’histoire des États-Unis. Bien que la commission d’éthique de la Chambre ait conclu qu’il a « cherché à exploiter frauduleusement tous les aspects de sa candidature à la Chambre pour en tirer des profits financiers personnels », Mike Johnson a voté contre son expulsion, arguant qu’il était « préoccupé par le précédent qui pourrait être créé ». Quel est ce précédent auquel Johnson faisait référence et quel est le rôle de la commission d’éthique si le speaker peut se contenter de rejeter ses conclusions ?
La commission d’éthique de la Chambre est chargée d’enquêter sur les violations du règlement commises par les députés et, le cas échéant, de présenter un rapport. Il s’agit d’un comité consultatif, tandis que le pouvoir d’exclusion d’un membre revient à la Chambre. Mike Johnson s’inquiète du fait que la Chambre n’a jamais, dans l’ère moderne, expulsé un de ses membres ou envisagé d’en expulser un avant qu’il n’ait été reconnu coupable d’un crime.
Des membres ayant commis des crimes et certains Confédérés ont déjà été expulsés pendant la guerre civile, mais aucun député n’a été expulsé avant que celui-ci ne soit condamné. La Chambre a néanmoins tout à fait la possibilité de le faire. Je ne pense pas que quiconque considère que ce qu’a fait Santos ne mérite pas l’expulsion, pas même les Républicains d’ailleurs. Cependant, certains d’entre eux voulaient attendre qu’il soit condamné par un tribunal.
Deux éléments me semblent importants ici. Le premier est que le leadership de la Chambre s’inquiète de ce que les Démocrates pourraient dire au sujet des inculpations de Donald Trump dans ses nombreuses affaires judiciaires. Pourquoi les Républicains le soutiendraient-ils s’ils votent pour se débarrasser de Santos dans le même temps ?
Le deuxième élément important est que d’autres Républicains de l’aile droite, en particulier Matt Gaetz, ont eux aussi fait l’objet d’une enquête de la commission d’éthique et craignent ce précédent car ils ont peur d’être eux-mêmes expulsés. Mike Johnson, conscient de ces paramètres, s’est rangé de leur côté.
Étant donné que la Chambre n’a expulsé que trois membres au cours des 150 dernières années, je ne pense pas qu’il soit significatif d’établir un « nouveau précédent » suggérant qu’un député ne devrait pas être expulsé s’il n’a pas été condamné par un tribunal — même s’il le mérite entièrement. Attendre une condamnation par une cour revient essentiellement à renoncer au pouvoir du Congrès de contrôle de ses propres membres et à le confier aux tribunaux, ce qui n’a pas beaucoup de sens à mes yeux.
Je pense que les raisons pour lesquelles Mike Johnson s’inquiète de ce précédent sont essentiellement politiques. Les Démocrates avaient par ailleurs déjà commencé à diffuser des publicités mettant en avant les 21 chefs d’accusation pour lesquels Santos était inculpé, tandis que Trump fait face à 91 chefs d’accusation — ce qui inquiète beaucoup de Républicains.
Y avait-il également des inquiétudes liées à la majorité de plus en plus fragile du Parti républicain à la Chambre des représentants ?
C’est l’autre aspect de la question, à savoir la dynamique législative. Je pense que Santos a pu tenir aussi longtemps en raison de la majorité très étroite dont dispose le GOP à la Chambre. Perdre un vote de plus complique ainsi davantage les capacités des Républicains à faire passer leur agenda. Santos a été très loyal envers les dirigeants du Parti et très conscient du fait que cela pourrait l’aider à rester plus longtemps.
Santos était ainsi essentiellement considéré comme une voix de plus. Maintenant qu’il a été expulsé, une élection spéciale va se tenir à New York au début de l’année prochaine, et il y a de fortes chances que les Démocrates remportent ce siège, contribuant à la fragilisation de la majorité républicaine.
Les Républicains de la Chambre font savoir de plus en plus clairement qu’ils s’opposent à toute nouvelle aide pour l’Ukraine si les Démocrates n’acceptent pas de revoir la politique de l’administration à la frontière sud, et en particulier d’accepter les dispositions du projet de loi H.R. 2. Quelles sont ces dispositions et peut-on s’attendre à ce que les Démocrates finissent par accepter ces exigences ?
Je ne pense pas que les Démocrates accepteront les exigences de H.R. 2. Ce projet de loi est bien plus à droite que ce qui pourrait être adopté par le Sénat. Cela dit, les Républicains retiennent avec succès l’aide à l’Ukraine pour obtenir un accord sur la sécurité à la frontière sud. Les Démocrates finiront certainement par chercher à conclure un accord, même si les détails de celui-ci sont encore très vagues.
Les Républicains veulent modifier le système d’asile et les niveaux d’immigration que l’administration peut autoriser en provenance de différents pays. Chaque parti adopte une ligne dure : les Républicains affirment qu’ils ne feront rien tant qu’ils n’auront pas obtenu exactement ce qu’ils veulent, et les Démocrates rejettent ces demandes.
Je pense qu’un compromis finira par être trouvé car la sécurité frontalière est un sujet sur lequel il est assez facile de parvenir à un accord. Beaucoup d’éléments sont mouvants et chaque camp peut en quelque sorte présenter un compromis comme une victoire, ce qui n’est pas le cas sur d’autres sujets comme l’avortement. Cependant, ce compromis ne sera pas H.R. 2, que l’administration rejette tout simplement. Les Démocrates sont néanmoins préoccupés par la question de la frontière, qui est un sujet important en ce moment dans l’opinion publique. C’est ce qui m’amène à penser que la Maison-Blanche finira par chercher un compromis car elle veut qu’une aide supplémentaire à l’Ukraine soit adoptée.
D’une manière assez étrange, les Républicains du Sénat sont majoritairement en faveur de l’aide à l’Ukraine. Mitch McConnell lui-même veut débloquer cette aide, mais il a désormais rejoint Mike Johnson et les Républicains de la Chambre pour exiger des changements de la politique de l’administration à la frontière — ce qu’ils devraient être en mesure d’obtenir.
Quelles sont les fractures entre les Républicains de la Chambre et du Sénat sur cette question ?
Il y a trois mois, avant l’expulsion de McCarthy de la présidence de la Chambre des représentants, le Sénat était beaucoup plus enclin à voter l’aide à l’Ukraine et à la faire accepter par la Chambre. Aujourd’hui, McConnell et d’autres Républicains veulent toujours l’aide à l’Ukraine, mais ils cherchent à l’utiliser pour aider Johnson à obtenir ce qu’il veut. Ils considèrent également qu’il s’agit d’une bonne question politique contre l’administration.
McConnell est en faveur de l’aide à l’Ukraine. Il n’est certainement pas contre, tout comme une importante majorité au Sénat. Mais ils considèrent désormais qu’il s’agit d’un moyen tactique de prendre l’avantage sur d’autres questions, la sécurité aux frontières étant celle sur laquelle ils ont choisi de se concentrer. Je reste persuadé qu’en fin de compte, un bon nombre de Républicains de la Chambre des représentants voteront contre l’aide à l’Ukraine, même avec d’éventuelles concessions sur la politique migratoire.
S’ils parviennent à conclure un accord et à inclure des mesures de sécurité aux frontières dans le paquet d’aide à l’Ukraine, les deux partis voteront massivement en faveur de cette aide. Tout dépend du montant de l’aide. Le paquet de l’administration comprend également l’aide à Israël et ce qu’elle appelle l’aide à l’Asie-Pacifique, soit principalement l’assistance pour Taïwan. Cela permettrait également d’accroître le soutien car il est clair que la grande majorité des députés veut l’aide à Israël et à Taïwan.
La motion déposée par Matt Gaetz qui a conduit à la destitution de McCarthy en tant que speaker de la Chambre a été introduite en tant que « question de privilège ». Étant donné qu’un seul membre de la Chambre peut proposer unilatéralement ce type de résolution et forcer un vote, celle-ci jouit d’un poids disproportionné. Cette règle a-t-elle toujours été la même dans l’histoire récente de la Chambre et a-t-elle été utilisée aussi souvent par les précédentes législatures ?
Une résolution visant à destituer le speaker n’a été introduite que deux fois dans l’histoire des États-Unis : une fois en 1910, et elle a été rejetée, et une seconde fois par Matt Gaetz en octobre dernier. Ce type de résolution n’est pas du tout une tactique courante à la Chambre des représentants.
Une question de privilège est une technique parlementaire prévue par le règlement de la Chambre qui permet aux députés de soulever des questions considérées primordiales – telles que des questions constitutionnelles, qui affectent la dignité et la sécurité de la Chambre, de ses membres — sans que le leadership ou qui que ce soit d’autre ne puisse les en empêcher.
Dans la précédente législature, l’accord du leadership du parti minoritaire ou du parti majoritaire était requis pour le faire. Lors de l’élection du speaker de la Chambre en janvier, le groupe parlementaire d’extrême-droite Freedom Caucus a obtenu une modification du règlement visant à rétablir cette règle qui permet d’introduire une résolution de destitution du speaker en tant que question de privilège, de sorte à ce que chaque membre puisse individuellement le faire. Cette manœuvre visait spécifiquement à écarter McCarthy si besoin.
Si les impeachments sont de plus en plus communs à être introduits sous cette forme à la Chambre — bien qu’ils n’aient jamais réussi dans ces conditions —, la destitution du speaker est une manœuvre très inhabituelle. Pendant la présidence Trump, le représentant Green du Texas a présenté à plusieurs reprises une résolution de destitution en tant que question de privilège. Cela a été fait ici et là par les deux partis, avant tout comme un message. Comme la majorité peut simplement s’en débarrasser, cela ne mène généralement nulle part. Mais c’est une tactique qui est de plus en plus utilisée par les députés pour se faire bien voir auprès de leurs électeurs, et pas nécessairement parce qu’ils essaient d’accomplir quelque chose.
Beaucoup de résolutions ont été introduites comme questions de privilèges, y compris celle visant à destituer le speaker, la mise en accusation de Santos, plusieurs tentatives de censurer d’autres députés et d’autres tentatives similaires que les députés utilisent avant tout pour se donner en spectacle dans l’hémicycle. Je ne serais pas surpris que le règlement soit modifié par la majorité au cours du prochain Congrès pour limiter l’utilisation de la question de privilège, car de nombreux députés sont agacés par le fait que Marjorie Taylor Greene, George Santos ou Matt Gaetz puissent monopoliser la parole de cette manière semaine après semaine.
Bien qu’il reste peu de temps avant les échéances de janvier et février, les débats sur les projets de loi de finances avancent très lentement au Congrès. Les États-Unis se dirigent-ils une fois de plus vers un potentiel shutdown ?
C’est difficile à dire. Mon instinct me dit que nous nous dirigeons vers un shutdown à cause de la même coalition de droite — qui cherche à s’engager dans une vraie lutte avec l’administration — qui a forcé le départ de McCarthy et qui a compliqué l’adoption des projets de loi de finances à la Chambre au cours des six derniers mois. Cela dit, leur chef de file, le Représentant Scott Perry, a récemment déclaré qu’il accepterait un montant global de dépenses supérieur à celui qu’il revendiquait depuis plusieurs mois, ce qui est une bonne nouvelle. Toutefois, je pense que le diable se cache dans les détails et que l’aile droite n’acceptera pas certains compromis négociés par l’administration.
Les deux partis sont encore très éloignés l’une de l’autre sur cette question, et je ne serais pas du tout surpris qu’il y ait un shutdown le 19 janvier ou deux semaines plus tard, lorsque les autres financements temporaires arriveront à expiration. Je pense que c’est plus probable qu’improbable bien que, en tant qu’ancien administrateur, ces choses se déverrouillent parfois à la dernière minute. En général, il n’y a pas de shutdown à moins qu’il ne soit voulu étant donné que les accords sont assez faciles à conclure. La question est de savoir si une faction ne veut pas d’un accord et désire un shutdown à la place.
Beaucoup considèrent que le groupe d’extrême-droite Freedom Caucus cherche à provoquer une fermeture du gouvernement, bien qu’ils aient eu l’occasion de le faire plus tôt dans l’année — ce qu’ils n’ont pourtant pas fait.
Quelles seraient les conséquences politiques d’un shutdown ? Certains élus espèrent-ils pouvoir en tirer profit ?
McCarthy et McConnell ont clairement fait savoir qu’ils considéraient un shutdown comme politiquement néfaste pour les Républicains et que l’électorat les blâmerait pour cela. Au cours des 30 dernières années, lors des différents shutdowns qu’il y a pu avoir, il est difficile de voir comment le parti à l’origine de celui-ci a pu en tirer profit. Je pense que les Républicains se rendent compte de cela désormais.
Néanmoins, cela ne veut pas dire que certains membres ne peuvent pas en bénéficier, ce qui constitue un problème. Même si cela ne profite pas au Parti républicain dans son ensemble, certains élus du Freedom Caucus et d’autres Républicains de droite peuvent tirer profit de la fermeture du gouvernement pour se faire bien voir par leurs électeurs et par les médias conservateurs.
Cette politique est dangereuse. Cela dit, ce n’est pas parce que la date limite approche qu’un accord n’est pas atteignable. Parfois, les législateurs se rapprochent volontairement de la date butoir pour essayer de bluffer et obtenir des concessions de la part de l’autre parti, ce qui est tout à fait normal dans le cadre des négociations au Congrès.
La Chambre a récemment voté l’ouverture de l’enquête en destitution de Joe Biden. Quels effets celle-ci pourrait-elle produire ?
Je considère que la position de l’administration Biden est mauvaise. Je ne crois pas que la Chambre doive autoriser une enquête de destitution pour que les commissions puissent obtenir les documents qu’elles souhaitent de la part de l’exécutif. La Maison-Blanche prétend qu’une commission n’a pas le pouvoir de demander ces documents à moins que l’ensemble de la Chambre ne l’ait autorisé, comme l’a fait l’administration Trump, ce qui est un non-sens. Même si cette enquête semble absurde, les commissions de la Chambre ont tout à fait le droit d’exiger ces documents. L’administration Biden peut résister, mais elle doit les remettre. Si elle ne le fait pas, un tribunal devrait rapidement l’y contraindre.
Cela dit, cette enquête ne débouchera probablement sur rien, et je ne pense pas que beaucoup considèrent que Biden a commis des actes susceptibles de le voir être destitué. Il s’agit avant tout d’un cirque.
La stratégie de la Maison-Blanche consiste à pousser les élus républicains modérés à voter en faveur de l’enquête de destitution, ce que les membres qui représentent des circonscriptions remportées par Biden en 2020 ont fait à contre-coeur. Bien que les Républicains de la Chambre aient autorisé cette enquête, ils ne seront probablement pas en mesure de destituer le président car ils n’auront certainement pas les votes nécessaires pour le faire. Les Républicains veulent avant tout que l’enquête se poursuive tout au long de la campagne de 2024 ce qui, selon eux, leur conférerait un avantage.
D’une certaine manière, les Républicains ont peut-être été sauvés par les résultats des élections de 2022. Aussi étrange que cela puisse paraître, je pense qu’ils auraient fait beaucoup plus de choses susceptibles de nuire au GOP s’ils avaient obtenu une majorité suffisante à la Chambre, comme destituer le président, le secrétaire à la Sécurité intérieure ou le secrétaire d’État. Le fait qu’ils ne disposent pas d’un nombre suffisant de voix les sauve en quelque sorte d’eux-mêmes.
L’objectif principal de cette enquête serait donc de maintenir une pression sur la Maison-Blanche afin de peser sur les élections de 2024.
Le fait que ce scandale existera d’ici l’élection — même s’il ne produit aucun résultat — aura des implications pour certains électeurs, et pourrait conduire certains à s’interroger sur Biden. Cela pourrait aussi permettre aux électeurs qui n’aiment pas particulièrement Donald Trump de rationaliser leur choix de voter pour le candidat du Parti républicain.
Cette enquête en cours pourrait faire passer Biden pour un homme politique corrompu aux yeux de certains électeurs, ce qui est également une des tactiques populistes utilisées par Donald Trump — d’autant plus importantes pour lui en ce moment en raison des nombreuses affaires juridiques dans lesquelles il est impliqué.
Le nombre croissant de départs à la retraite au Congrès est-il lié au climat politique actuel ?
Les départs à la retraite sont certainement un problème à la Chambre des représentants, non pas tant en raison du nombre d’élus qui ne souhaitent pas se représenter mais plutôt du profil de ces membres. De plus en plus de législateurs sérieux quittent le Congrès car ils sont frustrés et agacés par ces membres qui considèrent l’activité législative comme une sorte de télé-réalité et qui disposent de plus en plus de poids dans les médias. Patrick McHenry, un allié de longue date de John Boehner puis de McCarthy qui a assuré l’intérim pendant la crise de la présidence de la Chambre, a récemment annoncé qu’il prenait sa retraite.
Deux choses sont importantes à cet égard. Patrick McHenry est un législateur sérieux qui prend sa retraite en partie en raison des absurdités qui règnent en ce moment au Capitole, mais aussi des limites de mandats à la tête des commissions imposées par le GOP il y a plusieurs années. Par conséquent, McHenry ne pourrait pas rester président de la commission des Affaires financières s’il venait à rester à la Chambre, ce qui est très dissuasif pour les législateurs revendiquant une expertise politique.
Le problème réside en partie dans le fait que certains des nouveaux membres qui seront élus au Congrès pour remplacer ces législateurs ne verront pas d’inconvénient à agir comme des « soldats du Parti » qui viennent à Washington avant tout pour déjeuner avec les dirigeants, récolter des fonds et ne pas contribuer au travail législatif. Pire encore, certains pourraient rejoindre le « drama crew ». Il est frappant de constater que les membres qui attirent le plus l’attention des médias au Congrès sont des élus comme Marjorie Taylor Green, Lauren Boebert ou George Santos. C’est un changement majeur par rapport à il y a 20 ans, et il n’est pas difficile d’en comprendre les raisons.
L’environnement médiatique décentralisé actuel, qui permet à tous ces élus de disposer de millions de followers sur Instagram, YouTube et Twitter, facilite la diffusion de leur message. Il y a 20 ans, un nouvel élu aurait été bien plus anonyme. Le défi pour le Congrès dans les années à venir consistera à conserver les législateurs sérieux, une partie du problème actuel résidant également dans le fait que certains membres de la gauche ne voient pas la différence entre Marjorie Taylor Green et Patrick McHenry, ce qui me semble absurde. Ces derniers peuvent avoir des points de vue similaires sur de nombreux sujets, mais l’un essaie de faire un travail législatif et de gouvernance sérieux, tandis que l’autre se contente de se donner en spectacle.
Ces départs à la retraite pourraient-ils avoir un effet sur les élections de 2024 ?
Seuls quelques départs ont lieu dans des circonscriptions électorales où il pourrait y avoir un changement partisan. La plupart d’entre eux se trouvent dans des circonscriptions relativement sûres, ce qui signifie qu’ils seront généralement remplacés par des membres du même parti. Cela dit, le principal changement se situera au niveau de l’expertise.
Comme nous l’avons vu récemment, les candidats qui remportent les primaires dans les circonscriptions sûres ont tendance à être plus extrémistes, ce qui pourrait contribuer à l’arrivée au Congrès de personnalités moins sérieuses qui ne sont pas franchement intéressées par des questions de gouvernance. L’une des caractéristiques du Freedom Caucus est notamment qu’il n’aime pas négocier — avec les Républicains comme avec les Démocrates d’ailleurs —, ce qui n’est pas de bon augure pour une législature dans laquelle la négociation est une condition sine qua non pour faire avancer des textes.