Au cours d’un entretien donné au média conservateur Breitbart News publié vendredi 1er septembre, le speaker républicain de la Chambre Kevin McCarthy déclarait : « si nous [les élus républicains] procédons à une enquête de destitution, celle-ci se fera par le biais d’un vote de la Chambre des représentants, et non par la déclaration d’une seule personne »1.

Hier, mardi 12 septembre, McCarthy a annoncé seul l’ouverture d’une enquête officielle visant la destitution de Joe Biden — sans vote.

  • Pour le président de la Chambre, les « mensonges de Biden au peuple américain au sujet de sa propre connaissance des transactions commerciales de sa famille à l’étranger » traduisent une « culture de corruption ».
  • Celui-ci s’appuie sur plusieurs révélations concernant principalement les sommes d’argent perçues par la famille de Joe Biden — notamment par son fils Hunter —  en provenance de comptes à l’étranger depuis son arrivée à la Maison-Blanche.
  • Sans avoir pu avancer de preuves à ce stade, certains élus Républicains de la Chambre considèrent que le président démocrate a usé de son influence et de son carnet d’adresses au bénéfice des affaires de son fils Hunter2.

Bien que la Constitution américaine ne requiert pas de vote préalable à l’ouverture d’une procédure de destitution — qui est une prérogative du speaker —, la décision prise par McCarthy illustre les faiblesses qui divisent la faible majorité républicaine de la Chambre. En septembre 2019, celui-ci critiquait son prédécesseur Nancy Pelosi pour avoir ouvert une procédure similaire à l’encontre de Donald Trump sans un vote de la Chambre, une décision qu’il qualifiait alors de « politique » et ne reposant « pas sur des faits »3.

  • Cette procédure n’a virtuellement aucune chance d’aboutir à la destitution effective de Biden car elle nécessite un vote à la majorité des deux tiers au Sénat et un vote à la majorité simple à la Chambre.
  • Même à la Chambre des représentants, où le Parti républicain dispose d’une faible majorité, il est peu probable que McCarthy parvienne à rassembler 218 votes pour inculper Joe Biden — du moins pour le moment4.
  • D’une manière contradictoire, l’opposition la plus vive à la procédure de destitution semble venir de l’aile droite radicale de la Chambre — notamment de certains membres du Freedom Caucus —, qui considère que celle-ci est utilisée par McCarthy comme un « geste » politique visant à obtenir leurs votes sur un sujet bien plus pressant : le financement du gouvernement fédéral pour l’année fiscale 20245.

McCarthy est ainsi tiraillé entre les élus républicains modérés de la Chambre et les plus conservateurs. S’il semble inenvisageable qu’il n’obtienne pas une majorité au cours d’un éventuel vote tant un nombre important d’élus républicains réclame la destitution de Biden depuis plusieurs mois — sans disposer de preuves —, cette possibilité est à considérer compte tenu de la frustration des élus les plus radicaux vis-à-vis du speaker6. Dans le chaos qui traverse le camp républicain à la Chambre, même une éventuelle alliance entre députés de l’aile droite du GOP et élus démocrates pour démettre McCarthy de son poste est plausible7.

Sources
  1. Matthew Boyle, « Mccarthy Details Impeachment Inquiry Process : ‘if We Move Forward,’ It ‘would Occur Through A Vote’ On House Floor », Breitbart News, 1er septembre 2023.
  2. Pour un tour d’horizon des sept accusations au total portées par McCarthy contre Biden : Luke Broadwater, « What We Know About the Impeachment Case Against Biden », The New York Times, 12 septembre 2023.
  3. Publication de Kevin McCarthy sur X (Twitter), 25 septembre 2019.
  4. Eric Cortellessa, « McCarthy Lacks the Votes For an Impeachment Inquiry. Trump’s Allies Have a Plan to Get Them », Time, 8 septembre 2023.
  5. Jake Sherman, Max Cohen, Mica Soellner et Andrew Desiderio, « McCarthy’s impeachment play lays bare the weakness in his majority », Punchbowl News, 13 septembre 2023.
  6. Emily Brooks, « Freedom Caucus digs in on spending demands of McCarthy », The Hill, 12 septembre 2023.
  7. Andrew Solender, « McCarthy brushes off hardliner threats to oust him », Axios, 11 septembre 2023.