En janvier, Kevin McCarthy avait dû faire des concessions aux élus les plus radicaux du Parti républicain à la Chambre. En échange de leurs voix pour son élection au poste de speaker, celui-ci avait notamment accepté d’abaisser le seuil requis pour déclencher un vote de confiance (motion to vacate, ou MTV) à son encontre.

  • Avec l’arrivée à la présidence de la Chambre de Nancy Pelosi en 2019, le règlement avait été modifié pour permettre seulement à « un caucus ou une conférence de parti » d’introduire une MTV1.
  • Sous la pression exercée par des élus républicains lors de l’ouverture du 118ème Congrès, McCarthy avait proposé d’abaisser ce seuil à seulement cinq membres. À l’issue des négociations, il a été contraint d’accepter qu’un seul élu puisse soumettre sa destitution à un vote, soit un retour à la période précédant Pelosi2.
  • En acceptant ce compromis, McCarthy s’exposait à diriger la Chambre « avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête »3. Neuf mois plus tard, celle-ci semble être finalement tombée.

La motion to vacate constitue une procédure extrêmement rare dans l’histoire parlementaire des États-Unis. Formellement adoptée par la Chambre en 1837, il ne s’agit que de la troisième fois qu’elle est utilisée. Si un vote sur la résolution introduite par Gaetz — qui pourrait encore être mis en échec par McCarthy — se produit, il ne s’agira que de la deuxième occurrence, la première ayant eu lieu en 1910. La motion ayant été introduite lundi 1er octobre, un vote devra être organisé dans les deux jours si McCarthy n’obtient pas une majorité suffisante pour la rejeter4.

  • Selon les derniers décomptes, au moins cinq Représentants républicains soutiennent la démarche de Gaetz5. Compte tenu de la faible majorité du GOP à la Chambre, cela signifie que McCarthy aura besoin du soutien démocrate pour conserver son poste.
  • Le caucus démocrate et la conférence républicaine ont tous deux programmé une réunion pour aujourd’hui. À ce jour, aucune information fiable ne permet d’indiquer de quel côté penchera le vote des élus démocrates.
  • Bien que les élus démocrates ne tiennent pas McCarthy en haute estime, l’éjecter de son poste de speaker pourrait entraver le travail législatif de la Chambre — alors même que l’accord temporaire sur le financement du gouvernement fédéral conclu samedi expire le 17 novembre.

Ces manœuvres procédurales témoignent de la scission qui s’est approfondie depuis le début de l’année au sein du Parti républicain. Sur l’aide à l’Ukraine, la « sécurité aux frontières », les niveaux de dépenses du gouvernement fédéral ou bien la coopération bipartisane avec les élus démocrates, la position de Gaetz et d’une poignée d’élus radicaux coïncide avec celle défendue par Trump. Sur son propre site, Matt Gaetz se vante d’avoir été qualifié d’élu « le plus trumpiste » et de « continuer à défendre l’ancien président », peu importe les accusations dont il fait l’objet6.

Sources
  1. House Rules Changes Affecting Floor Proceedings in the 118th Congress (2023-2024), Congressional Research Service, 30 mars 2023.
  2. Sur le bras de fer entre McCarthy et le House Freedom Caucus : Jonathan Blitzer, « How Kevin McCarthy Defied The Freedom Caucus And Averted A Shutdown », The New Yorker, 1er octobre 2023.
  3. Theodoric Meyer et Leigh Ann Caldwell, « McCarthy tries to strike deal for speakership but at what cost ? », The Washington Post, 6 janvier 2023.
  4. Règle IX, Clause 2(a)(1) des Règles de la Chambre des représentants (118ème Congrès), 10 janvier 2023.
  5. Publication de Haley Talbot sur X (Twitter), 3 octobre 2023.
  6. About Matt Gaetz (FL-01).