L’Ukrainska Pravda, citant une source anonyme au sein des services secrets ukrainiens (le SBU), a signalé que « quatre engins explosifs [avaient] explosé au passage d’un train » sur la ligne Baïkal-Amour (BAM) au niveau du tunnel de Severomouïsk, situé dans le nord-ouest de la république de Bouriatie, dans la nuit du 29 au 30 novembre1.

Le Service de sécurité d’Ukraine n’a pas officiellement confirmé cette opération. En Russie, les médias évoquent un incendie et de la fumée dans le tunnel, sans parler d’explosion ou de sabotage2.

  • Les Chemins de fer russes, l’entreprise chargée du réseau ferroviaire, a publié jeudi un communiqué déclarant que « le trafic ferroviaire n'[avait] pas été interrompu, il a été organisé sur un tronçon de contournement avec une légère augmentation du temps de parcours »3.
  • Les données OpenRailwayMap font effectivement apparaître un trajet de contournement dont l’état d’usage est néanmoins inconnu.
  • L’incendie dans le tunnel a vraisemblablement été provoqué par le déclenchement d’explosifs au passage d’un train transportant du carburant. Le tunnel de Severomouïsk est, avec une longueur de 15 kilomètres, le plus long de Russie.

L’objectif d’une telle opération est clair : entraver les capacités de la Russie de s’approvisionner en matériel militaire et munitions (notamment des obus) en provenance de Chine et de Corée du Nord. Selon les services de renseignement sud-coréens, Pyongyang a envoyé à la Russie plus d’un million d’obus depuis août afin de soutenir l’effort de guerre de Moscou en Ukraine4. Des images satellites publiées en octobre révélaient l’arrivée à Tikhoretsk, à une centaine de kilomètres de la frontière ukrainienne, de trains transportant des conteneurs de taille et de couleur identiques à ceux ayant été vus quittant la Corée du Nord.

  • Si les services secrets ukrainiens ont déjà conduit des opérations en Russie — et probablement au Soudan, contre les forces de la milice Wagner —, il s’agit de la première fois qu’une opération est signalée aussi profondément dans le territoire russe.
  • Tandis que la situation sur le front est quasi-gelée, l’Ukraine porte la guerre sur d’autres théâtres, notamment en mer Noire, où cela fait maintenant plus d’un an que les navires de guerre russes ne circulent plus dans le nord-ouest de cette zone en raison de la menace représentée par les missiles anti-navires ukrainiens.
  • La semaine dernière, le Washington Post révélait que des discussions avaient eu lieu entre des entreprises russes et chinoises pour construire un tunnel sous-marin reliant la Crimée à la Russie dans le détroit de Kertch5.

Il apparaît que ce projet a été initié afin de protéger cette ligne d’approvisionnement vitale pour l’armée russe en Ukraine, tandis que le pont de Crimée a été attaqué à plusieurs reprises. Selon le chef du service de sécurité ukrainien Vassyl Maliouk, « l’attaque avec un drone maritime du pont de Crimée en juillet a contraint la Russie à recourir à des ferrys pour acheminer des armes et du matériel militaire »6.

Sources
  1. Valentyna Romanenko, « Ukraine’s Security Service blows up railway linking Russia and China », Ukrainska Pravda, 30 novembre 2023.
  2. Message Telegram de ASTRA, 30 novembre 2023.
  3. Message Telegram de Телеграмма РЖД, 30 novembre 2023.
  4. Kim Tong-Hyung, « Seoul believes North Korea sent Russia over a million artillery shells », Defense News, 1er novembre 2023.
  5. Greg Miller et Mary Ilyushina, « Russian and Chinese executives discuss Russia-Crimea tunnel project », The Washington Post, 24 novembre 2023.
  6. Olena Bohdanyok, « Чергова успішна операція СБУ : вночі стався вибух на Байкало-Амурській магістралі », Suspilne, 30 novembre 2023.