Le président brésilien est l’un des derniers chefs d’État d’une longue série à se rendre en visite officielle en Chine au cours des derniers mois (Olaf Scholz, Ebrahim Raïssi, Pedro Sánchez, Emmanuel Macron…) Arrivé hier, mardi 11 avril, il doit rencontrer le président chinois Xi Jinping vendredi.

L’objectif annoncé est la « formation d’un groupe de nations » visant à mettre fin à la guerre en Ukraine1

  • Depuis le début du conflit, le Brésil occupe une position floue consistant à voter aux côtés des pays occidentaux et autres États en faveur d’un arrêt des combats aux Nations unies, tout en refusant de s’opposer publiquement à Poutine et à l’invasion russe.
  • En ce sens, l’actuel président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva suit la même ligne que son prédécesseur Jair Bolsonaro.
  • Lors d’une rencontre avec son homologue allemand en janvier, Lula n’a pas laissé entendre qu’il considérait que la guerre avait été provoquée par la Russie, évoquant plutôt « l’OTAN » ou bien des « revendications territoriales » comme casus belli2.

En se rendant à Pékin — lors d’une visite initialement prévue en mars dernier —, le président brésilien espère pouvoir convaincre son homologue chinois de jouer un rôle de médiateur auprès de Poutine afin de créer des conditions favorables à un cessez-le-feu. Tandis que le président français n’a pas obtenu d’avancées sur ce point lors de sa récente visite, il est incertain qu’une tentative brésilienne obtienne plus de succès — d’autant que la proposition de Lula visant à restituer les territoires ukrainiens envahis à Kyiv à l’exception de la Crimée s’est confrontée à un refus catégorique de l’Ukraine3.

Au-delà de la guerre en Ukraine, les deux dirigeants discuteront également de sujets commerciaux, industriels et liés au changement climatique.

  • La Chine est le principal partenaire commercial du Brésil. Toutefois, la balance commerciale est en faveur de Brasília, ce qui constitue une exception parmi les principaux pays commerçant avec Pékin.
  • Selon un conseiller de Lula, le Brésil chercherait également à attirer des investissements chinois afin de développer une industrie de semi-conducteurs.
  • Sondé sur la question de la provenance de ces investissements, le président brésilien a déclaré « n’avoir pas peur du grand méchant loup », en référence aux efforts américains visant à décourager les investissements chinois sur le continent américain4.

Revenu au pouvoir en janvier — après avoir exercé pendant 8 ans la présidence du pays entre 2003 et 2011 —, Lula a déclaré à maintes reprises vouloir faire à nouveau du Brésil une puissance dotée d’une voix sur le plan international, après quatre années de présidence Bolsonaro ayant terni la réputation et la crédibilité du pays. Cependant, le « non-alignement » brésilien est plus perçu par les puissances occidentales comme une neutralité qui traduirait une préférence pour les intérêts russes5. Membre des BRICS — un groupe créé au cours du deuxième mandat de Lula —, le Brésil est toujours un pays proche de la Russie tandis que le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov est attendu à Brasília la semaine prochaine.

Contrairement à la France, qui n’est qu’un partenaire commercial et économique modeste de la Chine en comparaison d’autres puissances (États-Unis, Japon, Corée du Sud notamment), les importations brésiliennes — et particulièrement de produits agricoles — sont vitales pour Pékin (le Brésil est notamment le premier fournisseur de poulet, de soja et de sucre de la Chine). Cependant, le poids de la relation commerciale entre les deux pays est peu susceptible de donner du poids à la proposition brésilienne sur le plan diplomatique, tandis que Xi refuse d’aller au-delà d’une posture de médiation de façade pour mettre fin à la guerre.

Sources
  1. Anthony Boadle, « Brazil’s Lula puts Ukraine peace on his agenda in China », Reuters, 11 avril 2023.
  2. Hans von der Burchard, « Brazil’s Lula snubs Olaf Scholz with Ukraine war remarks », Politico, 31 janvier 2023.
  3. « Ukraine Tells Lula it Won’t Give Crimea Up », Kyiv Post, 7 avril 2023.
  4. Lisandra Paraguassu, « Lula to seek Chinese semiconductor technology, investment in Beijing », Reuters, 24 mars 2023.
  5. « Brazil’s foreign policy is hyperactive, ambitious and naive », The Economist, 10 avril 2023.