Cinq mois après la visite critiquée d’Olaf Scholz en Chine, et une semaine après la visite de Pedro Sánchez, le président français Emmanuel Macron s’est prêté à son tour à l’exercice aux côtés de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Si la visite s’est soldée par la conclusion de plusieurs accords économiques, la Chine n’a pas changé de position par rapport à la guerre en Ukraine et son positionnement vis-à-vis de Moscou.
Plusieurs accords économiques entre la France et la Chine ont été signés.
- Airbus a annoncé que l’entreprise allait construire une deuxième ligne d’assemblage pour son A320 dans son usine de Tianjin1. En juin 2022, plusieurs compagnies aériennes chinoises (Air China, China Eastern, China Southern et Shenzhen Airlines) avaient acheté un nombre record de 292 A320 pour un montant total de 37 milliards de dollars.
- EDF et son équivalent chinois China General Nuclear Power Corporation (CGN) ont renouvelé leur accord de partenariat — en vigueur depuis 2007 — couvrant la conception, la construction ainsi que l’exploitation de centrales nucléaires.
- L’entreprise française Suez a remporté un contrat pour un projet de dessalement de l’eau de mer, tandis que L’Oréal a conclu un accord avec le site chinois Alibaba pour une durée de trois ans.
En raison du caractère bilatéral de la rencontre — marquée par le protocole accordé au président français dans le cadre d’une visite d’État —, la venue d’Ursula von der Leyen est passée au second plan.
- La visite simultanée — mais non conjointe — visait à présenter un front européen uni dans les échanges qui ont eu lieu avec les officiels chinois. Or, la présence de la présidente de la Commission a été largement effacée au profit de celle du président français dans les médias d’État chinois.
- Dans l’éditorial du Global Times publié le 6 avril, le tabloïd détenu par le Comité central du Parti communiste chinois a concentré toute son attention sur les relations franco-chinoises, « deux pays majeurs du continent eurasien », Ursula von der Leyen ayant été reléguée à un personnage secondaire d’une séquence se voulant avant tout bilatérale2.
- Tandis qu’Emmanuel Macron a été accueilli par le ministre des Affaires étrangères chinois à son arrivée à l’aéroport de Pékin où une escorte l’attendait, la présidente de la Commission a quant à elle été reçue par le ministre de l’Écologie et de l’Environnement Huang Runqiu, avant d’emprunter la sortie prévue pour les passagers des vols commerciaux3.
Lors d’une conférence de presse conjointe, Xi Jinping a exprimé son soutien à l’Union « dans sa quête d’autonomie stratégique » et « pense que l’Europe adoptera une approche indépendante dans le développement de ses relations avec la Chine »4. En plaçant les deux pays sur un même niveau d’acteurs oeuvrant pour un « monde multipolaire » et « l’amélioration de la gouvernance mondiale », le président chinois a adressé également un message aux États-Unis dont Pékin considère que l’hégémonie a « favorisé la subversion et l’infiltration » et permis de « mener délibérément des guerres, causant ainsi du tort à la communauté internationale »5.
Xi n’a offert aucune concession sur l’Ukraine et ses relations avec la Russie.
- Les propos tenus par Xi durant la visite reprenaient sans ajout ce qui constitue la ligne officielle chinoise vis-à-vis de la guerre : appel à des négociations de paix, condamnation de l’utilisation — ou de la menace d’utilisation — des armes nucléaires et chimiques mais aucune condamnation de la guerre russe.
- Si Macron a exprimé son souhait de « ramener la Russie à la raison et à la table des négociations », le président chinois s’est contenté de réitérer ses appels à un « accord politique » entre la Russie et l’Ukraine. Il a également appelé la communauté internationale à « rester rationnelle et mesurée et à éviter les actions qui aggraveraient encore la crise » : à comprendre l’assistance militaire apportée à l’Ukraine, particulièrement par les États-Unis6.
- Tandis qu’Ursula von der Leyen avait annoncé que « l’Ukraine sera un sujet important de ses rencontres avec le président Xi et le Premier ministre Li », Xi Jinping a accepté un accord de principe quant à un appel avec son homologue ukrainien, le moment voulu7.
Dans la déclaration conjointe franco-chinoise clôturant la visite d’État, aucune nouveauté n’est à constater par rapport aux précédentes : la France « réaffirme son attachement à la politique d’une seule Chine » (comprenant de facto Taïwan) et « les deux parties soutiennent tout effort en faveur du retour de la paix en Ukraine sur la base du droit international et des buts et principes de la Charte des Nations unies »8.
Sources
- Liz Alderman, « Airbus to Double Production in China as It Moves Ahead With New Orders », The New York Times, 6 avril 2023.
- « Macron’s China visit embodies the value of strategic autonomy : Global Times editorial », Global Times, 6 avril 2023.
- Clea Caulcutt, Jamil Anderlini, Suzanne Lynch et Stuart Lau, « The warm embrace and the cold shoulder : China mines Europe’s fractures during joint visit », Politico, 6 avril 2023.
- President Xi Jinping and French President Emmanuel Macron Jointly Meet the Press, Ministère chinois des Affaires étrangères, 6 avril 2023.
- US Hegemony and Its Perils, Ministère chinois des Affaires étrangères, 20 février 2023.
- « Macron and Xi Call for Return to Ukraine Peace Talks », The New York Times, 6 avril 2023.
- Tweet d’Ursula von der Leyen, 4 avril 2023.
- Déclaration conjointe entre la République française et la République populaire de Chine, Élysée, 7 avril 2023.