Le pape Benoît XVI est mort, aujourd’hui, le 31 décembre 2022 à 9h34 au Vatican, à l’âge de 95 ans. Il fut le 265e souverain pontife de l’Église catholique, du 19 avril 2005 à sa renonciation volontaire pour raison d’âge le 11 février 2013, dans un geste quasiment inédit, même à l’échelle de deux millénaires d’histoire de l’Église. Avec les cérémonies funéraires à venir, on ne manquera pas de faire remarquer que, pour la première fois, un pape pourra être enterré par son successeur, et que sa mort ne sera pas immédiatement suivie d’un conclave. Élu à 78 ans comme pape de transition – l’âge même où accéda à la chaire de saint Pierre un autre supposé «  pape de transition  », Jean XXIII (1958-1963), qui devait décider d’ouvrir le concile Vatican II, avec des conséquences inversement proportionnelles à la durée de son pontificat –, Benoît XVI eut la redoutable tâche de succéder au pontificat si important de Jean-Paul II (1978-2005), dont il avait été le bras droit. La figure qui domine son règne semble être une succession de malentendus avec le monde médiatique, qui n’était plus capable de comprendre son mode de gouvernement tourné ad intra et tout en réserve, monde médiatique dont lui-même se méfiait grandement en retour. 

Le pontificat de Benoît XVI occupe seulement 8 années de sa vie, alors qu’il a été durant 28 ans évêque et cardinal, 25 ans professeur de théologie, et 9 ans avec le statut inédit et à bien des égards problématique de papa emeritus, pape émérite. Fait emblématique de sa personnalité réservée, presque en retrait, Benoît XVI aura donc été plus longtemps pape émérite que pontife en exercice. Pour mieux cerner les grandes orientations de son pontificat, il faut d’abord comprendre celui qu’il a été pendant 78 années de sa vie, Joseph Ratzinger. 

Joseph Ratzinger  : la formation d’un prêtre

Joseph Ratzinger est né dans la nuit du 16 avril 1927 (un samedi saint, veille de Pâques dans le calendrier liturgique) à Marktl-am-Inn, petit village de 600 habitants en Haute-Bavière, qui était le poste d’affectation de son père, sous-officier de gendarmerie, comme troisième et dernier enfant de parents déjà avancés en âge. Ses origines sont assez modestes  : ses grands-parents étaient paysans (côté paternel) et boulangers (côté maternel), dans des familles extrêmement nombreuses  ; sa mère, Maria (1884-1963), originaire du Tyrol du Sud, a servi comme cuisinière avant de se marier. Ses parents se sont rencontrés sur le tard en 1920 grâce à des petites annonces dans un journal catholique, et se signalent tous deux par leur grande piété  ; son père (1877-1959), prénommé Joseph comme lui, avait cherché un temps à rentrer chez les capucins de Passau, alors que sa famille proche comptait déjà cinq prêtres et deux religieuses. De même, leur fille aînée Maria (1921-1991), restée célibataire, devient tertiaire franciscaine en 1941, et passe sa vie entière au service de ses deux frères entrés à leur tour dans les ordres. Bref, l’univers de naissance de Joseph Ratzinger est un monde de chrétienté traditionnelle, où la foi imprègne tous les actes de la vie quotidienne1.

L’univers de naissance de Joseph Ratzinger est un monde de chrétienté traditionnelle, où la foi imprègne tous les actes de la vie quotidienne. 

Jean-Benoît Poulle

C’est un enfant délicat, presque souffreteux, trimballé dans une famille qui déménage souvent au gré des mutations de son père, à Tittmoning (1929), tout près de la frontière autrichienne, puis à Aschau am Inn (1932), où il se rend à l’école primaire, enfin à Traunstein en 1935. Il apprend à jouer de l’harmonium et du violon, et gardera toute sa vie une sensibilité mélomane, vénérant en particulier Mozart et Beethoven. Il vit difficilement l’internat du Gymnasium de Traunstein, sa discipline stricte et ses heures de sport obligatoire, même si cet établissement est moderne et innovant par rapport aux standards de l’époque. Il y reçoit un enseignement classique très poussé, reposant sur les langues anciennes, et découvre la littérature allemande  ; il écrit lui-même un peu de poésie. En 1935, son frère aîné Georg (1924-2020) entre au petit séminaire diocésain de Traunstein  ; il le rejoint dès 1939, sur les conseils du curé de sa paroisse qui a discerné en lui une vocation précoce. 

Pendant ce temps, sa famille assiste avec une inquiétude croissante à la prise du pouvoir par les nazis, pour lesquels elle éprouve une antipathie idéologique viscérale, à la fois par identitarisme bavarois qui assimile tout pangermanisme à un impérialisme prussien étranger à elle, et par dégoût de la démagogie plébéienne et violente du NSDAP2. S’il adhère dans un premier temps au parti nazi pour les commodités qu’il offre, Joseph Ratzinger père prend sa retraite anticipée dès 1937. Les inclinations politiques de sa famille la portaient bien plus clairement en faveur de la démocratie chrétienne naissante, notamment à travers leur admiration pour le chancelier autrichien social-chrétien Ignaz Seipel (1876-1932). De même, à la génération précédente, un de ses oncles paternels, Georg Ratzinger, (1844-1889), avait été député au Reichstag pour le parti patriote de Bavière, directeur du journal Münchner Wochenblatts, autre formation sociale catholique, et également élève du professeur Ignaz von Döllinger (1799-1890), à l’origine du schisme vieux-catholique par refus du dogme de l’infaillibilité pontificale en 1870, voie dans lequel le grand-oncle du futur pape ne le suivit pas. 

© AP Photo/Gregorio Borgia

Pendant la Seconde Guerre mondiale, après avoir été incorporé par obligation dans les Jeunesses Hitlériennes le jour de son 14e anniversaire, le jeune Joseph Ratzinger est enrôlé dans un camp d’entraînement militaire des SS, chez lesquels il refuse d’entrer en faisant valoir son désir de devenir prêtre, puis mobilisé comme opérateur radio et auxiliaire de la Luftwaffe à partir d’août 1943, chargé de la détection des cibles aériennes de la DCA lors des bombardements alliés. Par la suite, en septembre 1944, il est affecté dans le service du travail obligatoire du Reich pour creuser des tranchées antichars à la frontière austro-hongroise, puis dans la Wehrmacht en décembre, où il est déclaré inapte au service pour une infection du pouce, et finit par déserter en avril 1945, quelques jours avant la capitulation allemande. Après cette dernière, il est emmené captif pendant 40 jours par des troupes américaines dans un camp près d’Ulm, où, selon certains, il aurait joué aux dés avec Günter Grass avant de pouvoir rentrer chez ses parents. Son frère Georg est lui aussi enrôlé dans la Wehrmacht, blessé et interné quelques temps en Italie. La guerre fera sur le jeune Ratzinger une impression d’autant plus profonde qu’il en parlera très peu pendant longtemps. S’il lui sera plus tard reproché d’avoir peu évoqué le nazisme et la culpabilité collective allemande, ses témoignages d’époque ne laissent aucune ambigüité sur ses sentiments face au pouvoir totalitaire, qui rejoindra ses interrogations sur le mystère du Mal radical dans l’histoire.

Après la guerre, il intègre le grand séminaire épiscopal, à Freising. Il y étudie la philosophie, l’histoire, la psychologie, l’Écriture Sainte, l’hébreu et le droit canon (seule matière où il rencontre quelques difficultés). Si son frère, musicien accompli, est surnommé «  Orgel-Ratz’  », comme organiste du séminaire, lui devient «  Bücher-Ratz’  », le «  Ratzinger des livres  ». Il lit en effet à cette époque à peu près tout ce qui lui tombe sous la main, de la littérature allemande (Kafka, Thomas Mann, Rilke, Hermann Hesse qui l’intéresse comme analyste de la décadence, et ses contemporains Gertrud von Le Fort, Annette Kolb, Élisabeth Langgässer, Franz Werfel ou encore Erich Wiechert…) mais aussi Dostoïevski, Aldous Huxley, et, pour les auteurs français qu’il affectionne spécialement, Claudel, Mauriac et Bernanos. Avant tout, il est bouleversé par la découverte des Confessions de saint Augustin en 1946. Sur le plan philosophique, outre le néothomisme qui constitue alors la base de l’enseignement dispensé, sa formation est marquée par diverses influences, notamment par le néo-aristotélisme de Josef Pieper (1904-1997), la phénoménologie de Max Scheler (1874-1948) et Édith Stein (1891-1942, morte déportée à Auschwitz), le personnalisme et l’existentialisme chrétien de Theodor Steinbüchel (1888-1949) ou de Peter Wüst (1884-1940), qu’il préfère à Heidegger, et même la mystique hassidique avec Martin Buber. Au séminaire, se manifeste déjà sa prédilection pour la théologie et les questions intellectuelles plutôt que pour la pastorale, pour laquelle il s’estime peu doué en raison de sa timidité.

S’il lui sera plus tard reproché d’avoir peu évoqué le nazisme et de la culpabilité collective allemande, ses témoignages d’époque ne laissent aucune ambigüité sur ses sentiments face au pouvoir totalitaire, qui rejoindra ses interrogations sur le mystère du Mal radical dans l’histoire.

Jean-Benoît Poulle

En mai 1948, il reçoit la tonsure des mains du cardinal Faulhaber, archevêque de Munich-Freising, dans la chapelle de l’archevêché, et est admis à la cléricature  ; puis, à l’automne 1949, il rejoint le Georgianum, l’institut de formation des prêtres dépendant de la faculté de théologie catholique de l’université Louis-et-Maximilien à Munich. Dans cette dernière, où il étudie la théologie fondamentale et dogmatique, il est marqué par un enseignement d’orientation nettement progressiste  : il est particulièrement assidu aux cours de Friedrich Wilhelm Maier, professeur de Nouveau Testament et exégète aux idées avancées, qui a maille à partir avec Rome et fut même interdit d’enseignement avant-guerre  ; de même, il est influencé par August Adam, professeur de théologie morale, alors critiqué comme laxiste en morale sexuelle pour son livre sur le Primat de l’amour. Le directeur du Georgianum, Joseph Pascher, vainc également son scepticisme initial à l’endroit du Mouvement liturgique, qui promeut une plus grande centralité de la liturgie, à réformer et à simplifier, dans la piété catholique : Joseph Ratzinger lit, admire et rencontrera un de ses principaux inspirateurs, Romano Guardini (1885-1968), auteur de L’Esprit de la Liturgie. Mais l’influence décisive reste celle de son directeur de maîtrise Gottlieb Söhngen (1892-1971), prêtre issu d’un couple interconfessionnel, très engagé dans les premiers pas de l’œcuménisme, résolument en faveur de l’exégèse historico-critique, et pour tout dire assez mal vu de la Curie de Pie XII. C’est Söhngen qui lui propose en 1949 de poursuivre son cursus en doctorat sous sa direction, avec une thèse sur Le Peuple et la Maison de Dieu dans la doctrine ecclésiale de saint Augustin, qui prend place dans les débats du temps sur l’Église comme «  corps mystique  »3. Ce travail, soutenu publiquement et brillamment le 11 juillet 1953 – il remporte le prix de thèse de sa faculté –, le familiarise avec les courants du renouveau patristique et de la Nouvelle Théologie, pratiqués par Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar, dont il fera la connaissance par la suite. 

Pr.-Dr. Joseph Ratzinger  : les audaces d’un théologien de renom

À la suite de son ordination diaconale (à l’automne 1950, lors de laquelle il s’engage au célibat), et à l’issue d’un stage pratique de 6 mois, Joseph Ratzinger est ordonné prêtre le 29 juin 1951 dans la cathédrale de Freising par le cardinal Faulhaber, avec 43 autres prêtres, dont son frère Georg. Il devient vicaire à la paroisse du Précieux Sang de Bogenhausen, en banlieue de Munich  : ses tâches sont avant tout pastorales mais aussi professorales, avec des cours de religion au Gymnasium, et encore une charge d’enseignement au séminaire de Freising. Son frère, également vicaire de paroisse, se consacre quant à lui de plus en plus exclusivement à la musique liturgique, et deviendra en 1964 chef du chœur des jeunes garçons de la cathédrale de Ratisbonne, un des plus prestigieux au monde. Bien vite, Joseph Ratzinger est rattrapé par l’enseignement à temps plein  : professeur de dogmatique et de théologie fondamentale au séminaire épiscopal, il est également, à 27 ans, privat-docent4 à l’université de Munich et aumônier d’étudiants. Söhngen l’encourage à achever son cursus par une thèse d’habilitation qui lui permettrait de prétendre au professorat, avec cette fois un sujet de théologie médiévale  : ce sera, selon le titre révisé de 1959, La théologie de l’histoire de saint Bonaventure. Dans les écrits du «  docteur séraphique  », franciscain hautement spéculatif du XIIIe siècle, Joseph Ratzinger cherche à découvrir des influences souterraines des idées joachimites5, qui, derrière une lecture prophétique du Nouveau Testament, annoncent la survenue d’un «  âge de l’Esprit  », ou troisième âge, à l’intérieur même de l’histoire. Or peu de temps avant sa soutenance, son co-examinateur, Michael Schmaus (1897-1993), un des théologiens les plus réputés de l’université, lui annonce qu’elle ne peut avoir lieu, car sa thèse ne répondrait pas aux normes scientifiques requises, ni dans la forme ni dans le contenu. En réalité, Schmaus le suspecte de modernisme, de faire une «  théologie du sentiment  » subjectiviste, et d’éviter les définitions précises grâce à une expression raffinée et poétique. Finalement, le jeune théologien est malgré tout autorisé à présenter une version raccourcie et retravaillée de sa thèse, et affronte une soutenance orageuse en février 1957, à l’issue de laquelle il est tout de même reçu. Cet épisode démontre que Ratzinger se situait alors résolument dans la jeune garde au sein d’une université elle-même connue pour être un bastion de théologie avancée, face à la néo-scolastique romaine. Au début de 1958, il devient professeur associé de théologie dogmatique et fondamentale à l’université de Freising. Il est alors, à 30 ans, un des plus jeunes théologiens universitaires au monde. 

Son article «  Les Nouveaux Païens et l’Église  », publié l’année suivante dans la revue Hochland, dans lequel il appelle à la fin d’un «  christianisme sociologique  » fait d’habitudes, et à la «  dé-mondanisation  » de l’Église, qui passerait nécessairement par une décroissance numérique, contribue encore à le classer parmi les novateurs, voire les «  chrétiens de gauche  », à tel point que sa hiérarchie s’en inquiète. Il trouve finalement une porte de sortie dans la chaire de théologie fondamentale à l’université de Bonn, qu’il accepte en avril 1959. C’est dans la capitale de l’Allemagne fédérale qu’il trouve la liberté intellectuelle qui lui manquait à Munich, et qu’il devient un professeur extrêmement apprécié de ses étudiants par son érudition extrême, sa finesse d’analyse, sa modestie et son dévouement. 

© AP Photo/Gregorio Borgia

Surtout, c’est là qu’il fait la rencontre du cardinal Joseph Frings (1887-1978), archevêque de Cologne et président de la Conférence épiscopale allemande, une des hautes figures de l’Église d’après-guerre. Le vieux prélat, devenu presque aveugle, remarque sa compétence théologique et l’emploie bientôt comme ghostwriter. Or Frings est membre de la commission préparatoire au concile dont le nouveau pape Jean XXIII a annoncé la convocation le 25 janvier 1959. Par ce moyen, Ratzinger influence la rédaction de certains textes préparatoires à l’assemblée d’évêques, réclamant de nouveaux délais pour les critiquer ou les amender, notamment lors d’une conférence de Frings à Gênes le 20 novembre 1961 («  Le concile Vatican II face à la pensée moderne  ») qui connaît un retentissement certain. 

Lorsque s’ouvre le deuxième concile du Vatican, le 11 octobre 1962, il est donc présent à Rome aux côtés du cardinal Frings, d’abord en tant que conseiller informel lors de la première session, avec le grand historien de l’Église Hubert Jedin, puis, lors des trois suivantes, en tant que peritus, expert théologique officiel de l’archevêque. Sa contribution la plus notable à l’œuvre du concile prend cependant place alors qu’il n’était qu’un homme de l’ombre, à propos du premier schéma préparatoire examiné par les Pères conciliaires, De fontibus Revelationis, «  Sur les sources de la Révélation  »  : pour Joseph Ratzinger, en désaccord avec les formulations traditionnelles, il n’y a qu’une seule source de la Révélation chrétienne, la Parole de Dieu elle-même, ce qui en fait une réalité vivante, laquelle précède toutes ses attestations matérielles dans la Bible ou la Tradition. C’est ce point de vue qui va triompher et donner naissance à l’une des quatre constitutions dogmatiques du Concile, Dei Verbum («  La Parole de Dieu  »). 

Tout au long des 3 années du déroulement de Vatican II, dont Frings est l’une des grandes voix stratégiques (il est un des neufs présidents de l’assemblée des 2000 Pères conciliaires, puis un de ses quatre modérateurs choisis par le Pape), Ratzinger se situe parmi les théologiens très écoutés de l’aile progressiste, qui parvient, au prix inévitable de reculs tactiques et de textes de compromis, à imposer ses conceptions dans les grandes orientations votées par l’assemblée des évêques. Parmi les autres experts, il apprécie le jésuite Karl Rahner (1904-1984), avec qui il avait déjà l’habitude de la collaboration intellectuelle6, même si leurs divergences de vues s’accroîtront par la suite. Il se lie aussi avec les grands représentants français de la «  Nouvelle Théologie  » naguère suspects ou condamnés à Rome, comme le dominicain Yves Congar7 ou les jésuites Jean Daniélou et Henri de Lubac, ce dernier lui présentant l’archevêque de Cracovie, Karol Wojtyla, à la formation marquée par la philosophie personnaliste. Du fait de sa jeunesse, on ne peut s’empêcher de le rapprocher d’un autre théologien et peritus à la carrière météoritique, le Suisse germanophone Hans Küng (1928-2021), avec qui il s’était lié d’amitié, d’un an son cadet et déjà professeur à Tübingen ; cependant, Küng apparaît dès ce temps-là comme bien plus progressiste, plus clivant et clinquant également dans sa manière de s’adresser aux médias, à qui il essaie de faire passer sa vision de Vatican II comme évènement révolutionnaire. Pour lui, le Concile est avant tout une assemblée délibérative (Concilium), une sorte de Parlement de l’Église qui aurait reçu mandat des fidèles pour changer sa «  constitution  », alors que Ratzinger le voit comme une Communio, une assemblée ecclésiale unie par des liens d’abord spirituels et mystiques. Après Vatican II, leurs chemins s’éloigneront encore davantage, jusqu’à représenter deux visions opposées de l’Église catholique et de son avenir  : si en 1965, Ratzinger fait encore partie du comité de rédaction de Concilium, la revue catholique libérale créée autour de Hans Küng et du Belge Edward Schillebeeckx pour défendre le projet de réformes d’ampleur dans l’Église, il prend ensuite nettement ses distances avec elle  ; et en 1972, avec Balthasar, Lubac et Daniélou, il fonde sa rivale conservatrice Communio qui représente une ligne modérée, attachée à interpréter Vatican II dans la continuité du magistère précédent. C’est aussi grâce à Communio que Ratzinger entrera en relations plus suivies avec le cardinal Wojtyla.

C’est dans la capitale de l’Allemagne fédérale qu’il trouve la liberté intellectuelle qui lui manquait à Munich, et qu’il devient un professeur extrêmement apprécié de ses étudiants par son érudition extrême, sa finesse d’analyse, sa modestie et son dévouement.

Jean-Benoît Poulle

Hors de la parenthèse cruciale des sessions conciliaires, l’atmosphère universitaire à Bonn, marquée par de vives controverses et des rivalités individuelles, s’assombrit, particulièrement lorsque Ratzinger demande à ce que deux de ses étudiants de confession orthodoxe puissent obtenir un doctorat de la faculté catholique, ce qui était alors interdit. Il décide donc de quitter Bonn pour l’université de Münster, plus au Nord, et une chaire de théologie dogmatique, où il reste de 1963 à 1965. Puis, de 1966 à 1969, il est professeur de dogmatique et histoire des dogmes à l’université de Tübingen, sans doute la faculté de théologie la plus réputée d’Allemagne, venu grâce la demande de son directeur, Hans Küng lui-même  : Ratzinger lui avait en effet rendu service en faisant recruter à Münster son assistant Walter Kasper8 à la chaire de théologie œcuménique.

C’est à Tübingen que le Pr. Ratzinger est le plus douloureusement confronté à l’écart entre la réforme de l’Église telle qu’il l’aurait souhaitée et qu’il la lit dans les textes conciliaires, et la réalité d’un bouleversement beaucoup plus brutal (Paul VI y diagnostiquera même un processus «  d’auto-démolition de l’Église  »9), en faveur duquel est invoqué «  l’Esprit du Concile  » comme pour mieux en rendre la lettre obsolète. En particulier, au nom de l’ouverture de la théologie aux sciences sociales, la théorie marxiste prend de plus en plus de place comme instrument d’analyse du monde ecclésial, ce qu’il perçoit comme un grand danger pour la foi. Progressivement, à Tübingen aussi, l’atmosphère lui semble de plus en plus irrespirable. Il vit en particulier très mal l’agitation estudiantine au cours des évènements de mai 1968, ce qui accélère sa prise de distance avec les franges de l’Eglise les plus ouvertement contestataires. Choqué par ce qu’il voit comme les compromissions démagogiques de ses collègues, il démissionne de sa chaire à Tübingen pour en retrouver une autre dans la nouvelle université de Ratisbonne, moins prestigieuse mais bien plus conservatrice. 

Pour autant, Peter Seewald a montré qu’il était faux et simpliste de faire de Ratzinger un novateur audacieux qui aurait brusquement tourné casaque en devenant réactionnaire après avoir été traumatisé par la révolte de ses étudiants. En réalité, dès le concile, il exprime de grandes réserves face aux positions les plus avant-gardistes  ; et inversement, en 1970 encore, il signe avec d’autres théologiens allemands un mémorandum au Saint-Siège demandant que soit levée l’obligation du célibat sacerdotal. Tout aussi fausse est la légende, propagée notamment par Hans Küng, selon laquelle Paul VI aurait, dans les années 1960, reçu successivement les deux théologiens prometteurs en audience privée, et, après s’être confronté à un Küng incorruptible, aurait fait miroiter à Ratzinger des postes très haut placés dans l’Église en échange de sa soumission à une ligne plus conservatrice…

Son nomadisme académique, inhabituellement élevé même en regard des usages universitaires de l’époque, s’il lui a permis de multiplier les échanges fructueux, l’a aussi empêché de s’enraciner dans une faculté et d’y faire école, ce qui ne peut qu’interroger ses biographes  : cet homme unanimement décrit comme d’une courtoisie et d’une affabilité personnelles remarquables, modeste et réservé jusqu’à la timidité, ne paraît jamais s’être très bien ou très longtemps entendu avec ses collègues immédiats, et a maintes fois fait montre d’une intransigeance intellectuelle qui l’a conduit à préférer partir plutôt que s’accommoder avec ses contradicteurs.

L’année 1968 est pourtant loin de représenter pour lui un souvenir uniquement négatif  : c’est en effet celle où est publié son Introduction au christianisme (Einführung in das Christentum)10, un condensé de ses cours de Tübingen qui déploie de vastes efforts de pédagogie pour présenter la foi chrétienne dans un langage clair et accessible  : immense succès éditorial en Allemagne (45 000 exemplaires sont vendus en un an) puis à l’étranger, l’ouvrage le fait connaître bien au-delà des spécialistes de théologie, comme un intellectuel participant au débat public.

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Joseph, cardinal Ratzinger  : mythes et réalité d’un « grand inquisiteur »

Malgré tout, il est indéniable qu’il y a eu un tournant conservateur progressif dans la pensée de Joseph Ratzinger qui, au cours des années 1970, conçoit davantage son professorat comme une défense et illustration de l’orthodoxie romaine, dans une période où les fondements de sa foi semblent remis en cause. Ses angoisses devant la crise aggravée de l’Église rejoignent au fond celles de Paul VI, qui le fait nommer membre de la commission théologique internationale en 1970. Il a dès lors l’oreille des milieux romains. 

Au crépuscule de son pontificat, Paul VI le choisit pour succéder au cardinal Döpfner, récemment décédé (une autre grande voix progressiste lors du Concile) comme archevêque de Munich  : il reçoit la consécration épiscopale le 28 mai 1977 dans la cathédrale de la ville  ; le 27 juin suivant, le pape le crée cardinal. S’il gagne alors en visibilité internationale et en autorité comme membre du Sacré Collège (il est rapporteur au synode des évêques de 1980, et délégué du pape dans divers congrès missionnaires), son court épiscopat à Munich (quatre ans et demi) est au fond marqué par une grande continuité avec son prédécesseur, et à la vérité, peu de décisions notables. Au fond, se manifeste déjà, dans la capitale bavaroise, le fait que beaucoup constateront lorsqu’il sera pape  : ce n’est pas un homme de gouvernement, mais plutôt un professeur et un homme de doctrine. Il répugne à trancher et à prendre des décisions difficiles en faisant preuve d’autorité.

Il y a eu un tournant conservateur progressif dans la pensée de Joseph Ratzinger qui, au cours des années 1970, conçoit davantage son professorat comme une défense et illustration de l’orthodoxie romaine, dans une période où les fondements de sa foi semblent remis en cause.

Jean-Benoît Poulle

Il participe comme électeur aux deux conclaves de 1978 qui élisent d’abord l’éphémère Jean-Paul Ier, puis, en octobre, le cardinal Wojtyla, devenu le pape Jean-Paul II. Avec le pontife polonais, l’archevêque de Munich retrouve un homme qu’il connaît et qui partage foncièrement son analyse du Concile et de l’après-concile. C’est pourquoi Jean-Paul II le nomme le 25 novembre 1981 préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF). En février 1982, Mgr Ratzinger renonce au siège de Munich et part pour Rome. La Congrégation pour la doctrine de la foi est sans aucun doute le dicastère11 le plus important de la Curie romaine  : créée en 1965, elle remplace l’ancien Saint-Office, bras disciplinaire du pouvoir pontifical, chargé de veiller à la pureté de la doctrine et des mœurs, lui-même héritier de la «  Sacrée congrégation de l’Inquisition romaine et universelle  » créée en 1542 par le pape Paul III. Elle est d’autant plus centrale que, jusqu’en 1968, elle est la seule des congrégations romaines à avoir eu le pape lui-même pour préfet, son dirigeant exécutif n’étant que le «  secrétaire  » puis «  pro-préfet  » de celle qu’on appelle aussi la Suprema. Elle a pour but de contrôler l’orthodoxie de la doctrine professée par les membres de l’Église et de veiller à l’intégrité de la foi  : elle prend position sur les problèmes théologiques et doctrinaux du moment, et décide fréquemment de sanctions canoniques lourdes, qui vont de la suspension d’enseignement à l’excommunication. En matière de mœurs, elle a aussi compétence pour imposer des peines disciplinaires aux membres du clergé auteurs de delicta graviora, les délits les plus importants, dont les abus sexuels font partie. C’est donc à un poste extrêmement sensible, et qui concentre toutes les critiques du centralisme romain dans son volet répressif, que le voilà propulsé. 

C’est ainsi que, plus qu’aucun autre, le cardinal Ratzinger va incarner la reprise en main disciplinaire de l’Église catholique, sa remise en ordre voulue par Jean-Paul II après les ouvertures et les turbulences de l’après-concile. Pendant 23 ans, il voit le pape en tête à tête chaque mardi midi et vendredi soir, pour traiter les affaires de l’heure, en plus des nombreuses rencontres informelles, au point de devenir l’un de ses plus proches collaborateurs, sans doute même le plus proche12. Il joue également un rôle majeur de conseiller, de rédacteur puis de relecteur pour tous les textes magistériels de Jean-Paul II (encycliques, déclarations, discours aux audiences…), à tel point que les textes les plus importants du pontificat comme les encycliques Veritatis Splendor (1994, en théologie morale), ou Fides et Ratio (1998, sur la foi et la raison) lui doivent énormément. En tant que chef d’une congrégation qui compte une vingtaine de cardinaux et évêques pour membres, et plusieurs théologiens réputés comme consulteurs, il décide en dernier recours de l’application de mesures décidées souvent collégialement, et supervise aussi l’activité de ses bureaux. Il est encore, ex officio, président de la Commission théologique internationale, et de la Commission biblique pontificale. 

Dès ses premières années à ce poste, il donne l’impression de vouloir refermer la parenthèse libérale de l’après-concile, marquée par la compréhension plutôt que les condamnations. Les sanctions canoniques pleuvent sur les théologiens les plus novateurs, qui se voient retirer leur habilitation à enseigner dans des universités catholiques  : l’Américain Charles Curran à Washington, en 1986, pour avoir défendu la licéité de la contraception  ; l’Allemand Eugen Drewermann à Paderborn, en 1991, pour son interprétation psychanalytique de la Bible  ; le franciscain suisse Eugen Imbach, en 2002, à Lucerne, pour avoir nié la possibilité des miracles… Des théologiens majeurs de Vatican II, comme Edward Schillebeeckx, sont sommés de venir expliquer et justifier leurs positions à Rome. Et si Hans Küng est épargné par son ex-collègue Ratzinger, c’est uniquement parce qu’il avait déjà perdu toute mission canonique dès 1979… 

Mais c’est surtout contre la théologie de la libération que le préfet de la Suprema bataille  : selon ce courant latino-américain, qui s’inspire de grilles d’analyse marxistes, le message évangélique est avant tout une invitation à la lutte contre les structures d’oppression capitalistes et coloniales. Ratzinger y voit une politisation intolérable du message du Christ  : la figure de proue de ce courant, le franciscain brésilien Leonardo Boff, est interdit de cours et de publication en 1985, puis suspendu de l’état sacerdotal en 1992  : il quitte alors la prêtrise et se marie. Les années Ratzinger de la CDF sont encore marquées par une reprise en main de l’ordre des jésuites, dont beaucoup avaient professé des opinions avancées sous le généralat de leur supérieur Pedro Arrupe (1965-1981).

Cette forme d’intransigeance, alors que la figure médiatique de Jean-Paul II jouit d’une grande popularité jusque dans les années 1990, lui vaut de nombreuses critiques  : la presse française le surnomme ainsi le Panzerkardinal, et il est très contesté au sein même de l’Église allemande (par exemple par la «  Déclaration de Cologne pour un catholicisme ouvert  » de 1989). Néanmoins, pour la mouvance conservatrice, il fait figure de maître à penser, et incarne une sorte de via media dans la réception du concile entre progressistes et traditionalistes, qu’il exprime notamment dans son Entretien sur la foi en 198513. Pour lui, l’urgence est à réaffirmer les bases intellectuelles du catholicisme. Il déplore l’indigence de nombre de catéchismes postconciliaires, et sera pour y remédier le maître d’œuvre du Catéchisme de l’Église catholique publié en 1992. C’est surtout sa critique de la mise en œuvre chaotique de la réforme liturgique, souhaitée par Vatican II mais imposée en 1969 seulement, qui rencontre le plus d’échos dans ces milieux  : il se plaint de la perte du sens du sacré dans les cérémonies eucharistiques et de la pauvreté de bien des liturgies. Dans les années 1990, s’impose chez lui le grand thème de la critique de la «  dictature du relativisme  » des sociétés contemporaines, qui tait l’aspiration de l’homme à la vérité. C’est pour combattre un tel relativisme que la CDF publie en 2000 la déclaration Dominus Jesus, «  sur l’universalité et l’unicité du Salut en Jésus Christ et son Église  »  : à rebours des tentatives œcuméniques et du dialogue interreligieux dans lesquels Jean-Paul II s’était résolument engagé (plusieurs déclarations commune avec les Églises protestantes et orthodoxes avaient été signées dans les années précédentes), est réaffirmée la prétention de l’Église catholique à constituer l’unique voie de Salut  : sa réception sera extrêmement controversée dans les secteurs libéraux de l’Église.

Cette forme d’intransigeance, alors que la figure médiatique de Jean-Paul II jouit d’une grande popularité jusque dans les années 1990, lui vaut de nombreuses critiques  : la presse française le surnomme ainsi le Panzerkardinal.

Jean-Benoît Poulle

Le rôle du cardinal Ratzinger s’accroît encore dans ces années 1990-2000, au fur-et-à mesure de l’aggravation de la maladie de Jean-Paul II  : ayant atteint le rang protocolaire de cardinal-évêque (1993), il devient encore vice-doyen (1998) puis doyen (2002) du collège des cardinaux, cependant que de nombreuses distinctions viennent récompenser sa carrière (doctorats honoris causa, élection comme membre étranger de l’Académie des sciences morales et politiques en France…). L’image du bras droit du pape est d’autant plus adaptée que Jean-Paul II aura aussi eu un bras gauche la personne de ses secrétaires d’État successifs, Agostino Casaroli (1979-1990) et Angelo Sodano (1990-2005), sans oublier des cardinaux influents comme le Français Roger Etchegaray (1922-2016) ou, sur la fin, Giovanni-Battista Re (né en 1934), préfet de la congrégation des évêques  : toutes ces figures incarnent une ligne d’ouverture, ou au moins plus diplomate, censée faire contrepoint à son intransigeance. Mais Ratzinger est désormais une personnalité incontournable  : il fait forte impression lors du chemin de croix de 2005, qu’il préside à la place d’un Jean-Paul II mourant, par son discours alarmiste sur l’état de l’Église, «  la barque de saint Pierre  » qui «  prend l’eau de toute part  »14

Après la mort de Jean-Paul II (2 avril 2005), c’est lui qui est chargé de présider ses funérailles, au cours desquelles il prononce une homélie remarquée, puis, en tant que cardinal doyen, d’organiser le nouveau conclave. En raison de son âge, il n’est pas considéré comme papabile, mais plutôt comme un «  grand électeur  » écouté par ses pairs. Mais nombre de cardinaux en-dehors des factions constituées, spécialement non-européens, sont bientôt touchés par son accueil attentionné, et il agrège rapidement toutes les voix des partisans de la continuité avec le pape polonais. Son principal compétiteur, pour un camp progressiste lui-même très divisé, est un certain Jorge Mario Bergoglio, alors âgé de 69 ans. Mais ce dernier, selon un journal du conclave anonyme15, aurait fait comprendre à ses partisans qu’il ne souhaitait pas devenir pape, et leur aurait demandé de reporter eux aussi leurs voix sur Ratzinger  : au 4e tour de scrutin, ce dernier obtient 84 voix sur 115, soit plus que la majorité canonique des deux tiers, au bout de seulement 24 heures de conclave. Le choix de ses pairs est clair et sans appel.

Le pape Benoît XVI  : les malentendus d’un pontificat restaurateur

Le nom de «  Benoît XVI  » choisi par le nouveau pape se comprend par double référence à son prédécesseur Benoît XV (pape de 1914 à 1922), connu pour ses tentatives de paix pendant la Première Guerre mondiale, et à saint Benoît de Nursie (480-547), fondateur du monachisme occidental et co-patron de l’Europe. Le pape Ratzinger entend ainsi renouer avec une forme de continuité et de modération  : s’appeler «  Jean-Paul III  » aurait paru trop prétentieux, «  Jean XXIV  » ou «  Paul VII  » trop progressiste, «  Pie XIII  » trop réactionnaire. 

D’emblée, il inscrit ses pas dans ceux de Jean-Paul II, et reprend les mêmes codes lors de ses apparitions publiques, mais le contraste est grand entre la personnalité éminemment charismatique du pape polonais, et la sienne, introvertie et timide, qui se présente au balcon de saint Pierre comme un «  humble ouvrier dans la vigne du Seigneur  ». Ses premières apparitions déconcertent d’autant plus les commentateurs médiatiques qu’il y a peu de substance politique dans ses discours, avant tout spirituels et appelant au recentrement autour du Christ. On ne peut s’empêcher de faire tout d’abord une comparaison avec Jean-Paul II en sa défaveur. Il ne peut d’ailleurs maintenir son rythme quasi-frénétique de voyages internationaux (Benoît XVI en effectue tout de même 25 en huit ans, sans compter 30 déplacements en Italie), et renoncera ainsi à se déplacer pour présider des béatifications, même si la plupart de ses déplacements à l’étranger seront des succès. Les foules catholiques apprendront à l’aimer, comme les Journées mondiales de la Jeunesse à Cologne de 2005, Sydney en 2008 et Madrid en 2011 le démontreront, de même que le voyage en France effectué en 2008. Mais progressivement, s’installe un malaise diffus et une incompréhension réciproque entre un pape mauvais communicant, maladroit, et un monde médiatique très ignorant de l’Église catholique, et a priori assez hostile à elle. Aussi son pontificat est-il souvent analysé comme une succession de crises médiatiques mal gérées, aggravant toutes l’image de l’Église catholique dans l’opinion mondiale. Si la figure de Benoît XVI ne se réduit pas à elles, il serait tout aussi vain de faire l’impasse sur elles.

Ses premières apparitions déconcertent d’autant plus les commentateurs médiatiques qu’il y a peu de substance politique dans ses discours, avant tout spirituels et appelant au recentrement autour du Christ.

Jean-Benoît Poulle

Il y a d’abord, en septembre 2006, le discours de Ratisbonne, au cours duquel il reprend une citation de l’empereur byzantin Manuel Paléologue sur la violence intrinsèque de la conquête islamique, qui va susciter un tollé dans le monde musulman, et freiner le dialogue avec l’islam, malgré ses efforts pour dissiper par la suite toute incompréhension. 

Puis le vaste dossier des relations avec le monde traditionaliste, en direction duquel Benoît XVI fait un pas décisif à l’été 2007 par le motu proprio (décret) Summorum Pontificum16, qui libéralise l’usage de la messe traditionnelle en vigueur avant la réforme liturgique de 1969, dénommée désormais «  forme extraordinaire du rite romain  ». Il s’agit là d’une traduction pratique d’une de ses idées phares, «  l’herméneutique de la continuité  », qui interprète Vatican II comme un concile dans la lignée du magistère préexistant, qui devait permettre le retour à une tradition authentique et vivante, mais sans bouleversements d’ampleur. Progressistes comme traditionalistes de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X y voient plutôt un concile de rupture  ; à l’égard de ces derniers, Benoît XVI ne veut pas rester sur l’échec cuisant du protocole d’accord qu’il avait signé en 1988 comme préfet de la CDF avec leur chef de file Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991), avant que le prélat ne retire sa signature et ne soit excommunié pour avoir sacré 4 évêques sans mandat de Rome  : il lève donc en janvier 2009 l’excommunication qui pesait sur les 4 évêques de la FSSPX, prélude à des pourparlers doctrinaux  ; or parmi ces évêques, le Britannique Richard Williamson s’est signalé par ses propos négationnistes et conspirationnistes, qui déclenchent un scandale mondial et éclaboussent par ricochet l’image du pape, pourtant très engagé dans un dialogue intellectuel exigeant avec le judaïsme. Les discussions doctrinales en vue de l’octroi d’un statut canonique à la FSSPX n’aboutiront d’ailleurs pas.

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Quelques mois plus tard, c’est «  l’affaire du préservatif  » lors de son voyage aller en Afrique, quand il déclare que leur distribution «  augmente le problème  » du Sida, et suscite l’indignation des organisations qui luttent contre cette pandémie. Dans un livre-entretien avec son ami le journaliste bavarois Peter Seewald, en 2010, il semble pourtant revenir sur cette idée, et accepter que dans certains cas le port du préservatif constitue un premier pas vers une «  humanisation de la sexualité  ».

Enfin, le dernier et le plus retentissant scandale qui éclate sous son pontificat est celui des abus sexuels sur mineurs, en 2010 et les années suivantes. Benoît XVI a une longue familiarité avec ce dossier  : en tant qu’ancien préfet de la CDF, chargé des delicta graviora, il était déjà en charge de ces questions et des sanctions contre les coupables. S’il a d’abord tardé à prendre la mesure de l’ampleur du phénomène, il plaide par la suite une ligne plus intransigeante dans le traitement des faits de pédocriminalité auprès de Jean-Paul II (lettre De delictis gravioribus de 2001, imposant aux évêques de faire remonter tous les dossiers à Rome), mais il n’a que très rarement gain de cause face au cardinal Sodano, adepte de la vieille méthode du déplacement discret du coupable. Aussi faut-il attendre la mort du pontife polonais pour qu’il puisse prendre des sanctions canoniques et faire avancer l’enquête pénale contre le fondateur des Légionnaires du Christ Marcial Maciel (1920-2008), auteur d’une quantité effroyable de crimes. Devenu pape, il ne dévie pas de cette ligne de «  tolérance zéro  » affichée, et convoque notamment au Vatican les évêques d’Irlande (un des pays où les affaires sont les plus retentissantes) en 2010, tout en écrivant une lettre pastorale aux victimes. Mais il ne peut enrayer la diffusion dans l’opinion publique occidentale de l’idée que le Saint-Siège est dépassé par ces scandales, voire, dans le pire des cas, complice. 

Pour ce qui a trait à son œuvre magistérielle, Benoît XVI a publié trois encycliques, et écrit une 4e, Lumen fidei qui a été publiée par le pape François peu après sa renonciation ; elles ont pour thème les trois vertus théologales  : la charité (Deus caritas est, 2006), l’espérance (Spe salvi, 2006), et la foi (Lumen fidei, 2013)  ; Caritas in veritate (2009) a été considérée comme «  l’encyclique sociale  » du pape, et où sont déjà notablement abordées les questions environnementales, mais force est de constater qu’elle reste l’œuvre d’un théologien qui s’avance moins que son successeur sur ces questions, comme s’il avait du mal à parler de la société en tant que telle plutôt que de Dieu. D’où l’impression d’un discours avant tout théologique ad intra  ; dans ce domaine, certains écrits du pape seront tout de même des succès publics, comme sa trilogie sur Jésus de Nazareth (2007, 2011, 2012), et qui porte la double signature «  Joseph Ratzinger-Benoît XVI  », signe d’un écrit plus personnel.

Surtout, c’est dans le gouvernement de l’Église que Benoît XVI connaît ses plus graves problèmes. Cet intellectuel semble avoir du mal à choisir des hommes de confiance  : pour succéder à l’omnipotent cardinal Sodano, retiré en 2006, il prend pour secrétaire d’État l’archevêque de Gênes Tarcisio Bertone (né en 1934) et qui fut déjà son numéro deux comme secrétaire de la CDF. Or Bertone est un prélat sans aucune expérience diplomatique, qui n’a pas tardé à coaliser les mécontentements autour de lui par ses initiatives intempestives. De même, la réforme de la curie longtemps projetée ne débouche que sur peu de changements notables, si l’on excepte, en 2011, la création du Conseil pontifical pour la Nouvelle évangélisation – un autre thème cher au pape, qui a pris en compte les spécificités de l’annonce de la foi chrétienne dans les sociétés occidentales largement sécularisées. L’immobilisme qui en résulte est à l’origine de nombre de dysfonctionnements de communication, dont les plus graves dégénèreront à leur tour en scandales.

C’est dans le gouvernement de l’Église que Benoît XVI connaît ses plus graves problèmes. Cet intellectuel semble avoir du mal à choisir des hommes de confiance.

Jean-Benoît Poulle

C’est ainsi qu’en 2012 éclate l’affaire Vatileaks après une fuite de documents du Saint-Siège à la télévision italienne, émanant de correspondances du pape avec le nonce à Washington Mgr Carlo Vigano (qui lors du pontificat de François basculera franchement dans un conspirationnisme délirant, mais fait alors figure de diplomate respecté), ce dernier voulant jouer le rôle de «  lanceur d’alerte  » à propos des dysfonctionnements de la curie. L’auteur des fuites n’est autre que le propre majordome du pape, Paolo Gabriele, persuadé lui aussi d’agir in fine pour le bien de l’Église, mais ses probables commanditaires au sein de la curie romaine ne sont pas démasqués, malgré une commission cardinalice mise sur place pour traquer ses complicités. On ignore également quels sont les liens exacts entre le scandale Vatileaks et les turbulences connues sous Benoît XVI par les services financiers du Vatican comme l’IOR (Institut des Œuvres de religion), qui mènent à la démission de son directeur Ettore Gotti Tedeschi la même année. 

Quoi qu’il en soit, il est certain que c’est le sentiment de blocage de la Curie, de même que les infirmités d’un homme de 85 ans peinant à se déplacer, et qui avait observé de très près les difficultés de gouvernement liées à la maladie de Jean-Paul II, qui mènent à la décision la plus frappante de Benoît XVI  : celle de sa propre renonciation volontaire au trône de St Pierre, le 11 février 2013, comme il l’annonce en latin ce jour-là aux cardinaux réunis en consistoire. Sa résolution semblait déjà prise depuis l’été précédent, et, exprimée dans un signe avant-coureur qui n’avait, sur le moment, pas été compris  : en visite dans la ville de L’Aquila (Abruzzes) dévastée par un séisme, Benoît XVI avait déposé son pallium d’archevêque de Rome sur la tombe d’un de ses prédécesseurs du XIIIe siècle, Célestin V (1210-1296). Or ce pape, un saint ermite propulsé presque par hasard sur le trône de Pierre en 1294, canonisé peu après sa mort, avait été le dernier à démissionner volontairement de la chaire de saint Pierre après quelques mois, dépassé par les intrigues des factions romaines. Il avait alors le même âge que son lointain successeur quand il a dû prendre la même décision.

En agissant ainsi, Benoît XVI paraît indiquer clairement la manière dont il a vécu son propre pontificat : une charge jamais désirée17, acceptée par devoir mais dont il se sentait indigne, et finalement trop lourde pour ses forces, malgré le respect, l’attachement et souvent la tendresse qu’il a su gagner auprès des fidèles catholique, comme il avait finalement emporté la considération du monde intellectuel multiconfessionnel. Il appartiendra bien plus tard aux historiens du pontificat de dire si cette impression d’inachèvement et d’échec était somme toute justifiée. 

Benoît XVI, pape émérite  : les ambigüités d’un statut inédit

Après sa renonciation, qui prend effet le 28 février 2013, Benoît XVI se retire quelque temps dans la résidence de Castel Gandolfo, lieu de villégiature des papes, pour ne pas paraître interférer par sa seule présence dans l’élection de son successeur. C’est là qu’il reçoit la visite du pape François le 23 mars suivant. Puis il s’installe au monastère Mater Ecclesiae, dans les jardins du Vatican, à quelques encablures de la maison Sainte-Marthe, une hôtellerie où François a décidé de résider, délaissant le Palais Apostolique officiel. 

Si les cas de renonciation du pape au trône pontifical sont prévus par le droit canonique, et ne posent donc pas de problèmes formels de légalité, la question de son opportunité se pose immédiatement, et provoque de vifs débats dans le monde catholique. Le sentiment dominant semble être le respect et la compréhension pour une décision qui n’appartenait qu’à lui, mais quelques voix discordantes se font entendre, et expriment ouvertement que cette renonciation est catastrophique pour l’Église, en ce qu’elle apparaît comme un aveu d’échec. Benoît XVI reçoit alors le statut inédit (les autres papes qui avaient dû céder la tiare étaient redevenus cardinaux) de pape émérite, à la manière dont tous les évêques diocésains deviennent évêques émérites après avoir atteint 75 ans. Il conserve la soutane blanche propre au pontife romain, mais abandonne d’autres ornements (comme l’anneau du Pêcheur) qui n’appartiennent qu’au pape en exercice. Certains canonistes et théologiens ont tout de même souligné le caractère dérangeant, voire irrégulier de ce statut, source de confusions. Selon certaines voix en effet, Benoît XVI aurait dû reprendre avec une soutane noire son nom de Joseph Ratzinger et endosser plutôt le titre d’archevêque ou d’évêque émérite de Rome18 pour dissiper toute ambigüité  : en bonne théologie catholique, si par sa consécration épiscopale de 1977, il a en effet reçu le plus haut degré du sacerdoce, qui lui confère un caractère sacré inamissible (lié au «  pouvoir d’ordre  »), la primauté pontificale dépend, quant à elle, du pouvoir de juridiction universelle, qui est certes attaché à la fonction d’évêque de Rome, mais qui peut faire l’objet d’une renonciation. En d’autres termes, Benoît XVI reste évêque à vie, mais ne devrait plus porter le titre de pape – même «  émérite  » –, qui dépend d’une juridiction qu’il n’a plus19

La retraite du pape émérite n’est cependant pas totale  : il assiste encore, jusqu’en 2016, à quelques évènements publics solennels aux côtés de son successeur, comme des consistoires de cardinaux, l’ouverture de l’Année de la Miséricorde (2015), ou la cérémonie de canonisation de ses prédécesseurs Jean XXIII et Jean-Paul II (surnommée la «  messe des quatre papes  »). Son dernier voyage hors du Vatican a lieu en juin 2020, pour se rendre à Ratisbonne au chevet de son frère Georg, mourant. 

Le pape François lui rend fréquemment visite, et la bonne entente entre les deux hommes en blanc est hautement affichée par la communication vaticane, comme pour offrir une sorte de brevet de continuité à François par la caution de son prédécesseur.

Jean-Benoît Poulle

Le pape François lui rend fréquemment visite, et la bonne entente entre les deux hommes en blanc est hautement affichée par la communication vaticane, comme pour offrir une sorte de brevet de continuité à François par la caution de son prédécesseur. Surtout, veillé par son secrétaire privé Mgr Gänswein – resté préfet de la Maison pontificale sous François – Benoît XVI reçoit encore de nombreuses autres visites, spécialement de ses compatriotes bavarois, et des honneurs (doctorats honoris causa), et maintient envers et contre tout une activité intellectuelle  : il a une correspondance assez fournie (y compris sur le sujet des abus sexuels), et publie même un dernier livre-entretien avec Peter Seewald en 201620. Il accepte ainsi de participer à deux livres du cardinal guinéen Robert Sarah (né en 1945), comme préfacier puis co-auteur21. Or cet ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin est très en vue dans les milieux de fidèles conservateurs opposés au pape François, pour avoir critiqué ses orientations en faveur d’un assouplissement de la discipline de l’Église  : certains se prennent même à le rêver en pape de substitution, qui jetterait à bas les mesures progressistes du pontife argentin. Ainsi, l’un des ouvrages co-écrits avec le pape émérite prend vigoureusement la défense du célibat des prêtres. Ce faisant, Benoît XVI prend le risque d’être lui-même instrumentalisé, contre sa volonté expresse22, en figure de proue de l’opposition à François, et certains partisans du pape actuel n’hésitent plus à l’appeler à respecter une véritable cure de silence médiatique23. C’est finalement l’amenuisement progressif de ses forces dû à l’âge, qui le contraint à ne plus s’exprimer et à ne plus accepter de visites.

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Avec la mort du pape émérite, sans doute le plus âgé de l’histoire de l’Église24, s’éteint également le dernier cardinal à avoir été créé par Paul VI, et probablement le dernier expert à avoir pris part au concile Vatican II. Plus fondamentalement, c’est aussi une certaine expérience du catholicisme et de l’Europe qui meurt avec lui. Joseph Ratzinger a encore grandi dans une société de Chrétienté, où la religion était profondément imbriquée dans les activités sociales, encadrant chaque instant de la vie  ; il a éprouvé dans le même temps l’embrigadement dans un régime totalitaire, qui représentait à la fois la négation et une caricature de cette vieille Chrétienté. Ensuite, il a perçu les rapides changements et la sécularisation très profonde véhiculés par l’entrée dans la société de consommation. S’il d’abord tenté de les accompagner avec l’aggiornamento du Concile, qui modifie le langage dans lequel l’Église parle au monde, il a par la suite tenté de sauvegarder l’héritage intellectuel de cette dernière, surtout dans ses liens avec la quête de la raison telle qu’elle se donne à voir à dans l’histoire de la philosophie occidentale. De la sorte, son pontificat restaurateur, pourtant à visée mondiale, fut indissociable d’une certaine conception de «  l’Occident  » (alors qu’il avait paradoxalement renoncé au titre papal traditionnel de «  patriarche d’Occident  » en 2006), et d’un projet européen inspiré avant tout par ses «  racines chrétiennes  », au sens où des racines sont encore dispensatrices de sève. Très significatif est à cet égard son discours prononcé au collège des Bernardins lors de sa visite en France en septembre 200825  : Benoît XVI y exalte la création des universités de l’Europe médiévale comme une admirable quête de la Sagesse, qui aurait conféré une forme de singularité à l’histoire occidentale, et d’identité au continent européen, qu’il conviendrait de reprendre pour modèle. Or son pontificat s’est précisément heurté, sur ce même continent plus qu’ailleurs, à la réalité de la désaffiliation religieuse contemporaine, la montée en puissance inédite des sans-religion dans les sociétés, vectrices chez lui d’une inquiétude lancinante sur l’avenir de la foi chrétienne26

Fides quaerens intellectum («  la foi cherchant l’intelligence  »)  : cette formule d’Anselme de Cantorbéry, l’inventeur de l’argument ontologique au XIe siècle, paraît très adéquatement résumer sa trajectoire intellectuelle, à la poursuite des raisons de la croyance comme des causes de l’incroyance. Avec le pape bavarois, c’est une certaine idée de l’Europe tout autant qu’une certaine image de l’Église qui disparaissent à présent.

Sources
  1. Comme il le dira lui-même  : «  la vie paysanne était encore en symbiose solide avec la foi de l’Église, la naissance et la mort, le mariage et la maladie, les semailles et la récolte, tout était unifié dans la foi  »  ; et aussi «  j’ai grandi dans un monde très différent de celui d’aujourd’hui  », Peter Seewald, Benoît XVI, une vie, éd. Chora, 2021 t. I p. 60 et 78.
  2. «  Grâce à la foi de mes parents, j’ai eu la confirmation que le catholicisme était un rempart de vérité et de justice contre l’empire de l’athéisme et du mensonge que représentait le national-socialisme  », cité par P. Seewald, op. cit., p. 164.
  3. À la suite de l’encyclique de Pie XII Mystici Corporis Christi, qui ravive cette très ancienne expression, alors que l’habitude s’était prise de désigner juridiquement l’Église comme societas perfecta, «  société parfaite  ».
  4. Soit l’équivalent d’un maître de conférences, dans le système français.
  5. Du nom de l’abbé calabrais Joachim de Flore (v. 1135-1202), dont les conceptions de l’histoire et de la fin des temps vont influencer durablement les courants millénaristes, selon H. de Lubac, La Postérité spirituelle de Joachim de Flore, Paris, Lethielleux, 1979.
  6. Il avait publié avec lui dès 1961 le livre Épiscopat et Primauté, qui traite de l’exercice de la collégialité dans l’Église et de son lien avec la primauté pontificale, autre sujet ardemment débattu à Vatican II  ; Rahner et Ratzinger ont également rédigé ensemble leur version remaniée du schéma De fontibus revelationis.
  7. Congar note élogieusement dans son Journal du Concile que Ratzinger paraît «  raisonnable, modeste, impartial et très serviable  ».
  8. Né en 1933. Futur cardinal (2001), secrétaire puis président du conseil pontifical pour l’unité des chrétiens (1999-2010), et grande figure d’un progressisme qui resterait à l’intérieur des structures de l’Église  ; le pape François l’a reconnu comme un de ses maîtres et inspirateurs.
  9. Discours du 8 décembre 1968.
  10. Munich, Kösel-Verlag, 1968  ; traduit en français en 1969 sous le titre La foi chrétienne, hier et aujourd’hui.
  11. Pour le Saint-Siège, département ou service équivalent à un ministère  ; ce peut être une congrégation romaine, ou un Conseil pontifical, d’institution plus récente, ou encore un tribunal du Saint-Siège.
  12. Abstraction faite de Mgr Stanislaw Dziwicz (né en 1939), le secrétaire particulier de Jean-Paul II, dont le rôle ne saurait être minoré.
  13. Livre d’entretien avec Vittorio Messori, Paris, Fayard, 1985, connu dans le monde anglophone sous le nom de Ratzinger Report.
  14. Méditation du 25 mars 2005 lors du chemin de croix au Colisée  : https://www.vatican.va/news_services/liturgy/2005/documents/ns_lit_doc_20050325_via-crucis-present_fr.html.
  15. Selon la reconstitution proposée par un «  journal du conclave  » anonyme d’un cardinal électeur (peut-être Attilio Nicora), confiée par ce dernier au cardinal Achille Silvestrini, non-électeur, puis par ce dernier à la revue italienne de géopolitique Limes.
  16. Le pape François est revenu sur ces avancées en juillet 2021 avec le décret Traditionis Custodes, retour au statu quo ante qui fait des évêques les «  gardiens (ou les «  geôliers  », autre traduction possible  ?…) de la Tradition.
  17. Il avait prévu son retour en Bavière après le conclave de 2005, et commencé à faire déménager sa gigantesque bibliothèque.
  18. Il est d’ailleurs assez significatif que le soir de son élection, le pape François se soit désigné lui-même seulement comme évêque de Rome, et ait appelé à prier pour Benoît XVI comme «  notre évêque émérite  ».
  19. Il est intéressant de voir que sur ce point, théologiens progressistes et conservateurs se rejoignent  : aux critiques d’Andrea Grillo, professeur de liturgie à l’Athénée pontifical Saint Anselme, se joignent pour une fois celles du conservateur Roberto de Mattei notamment ici, http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/135086875af.html?fr=y.
  20. Dernières conversations, Paris, Fayard, 2016.
  21. Préface à Robert Sarah, La Force du silence, Paris, Fayard, 2016, puis co-rédaction de Des profondeurs de nos cœurs, Paris, Fayard, 2020.
  22. Lors du synode sur la famille, certains prélats conservateurs, alarmés par la volonté de changements disciplinaires portée par le pape François, viennent lui demander ses conseils  : «  arrêtez, je ne suis pas le Pape  !  », leur intime Ratzinger.
  23. Comme le même Andrea Grillo  : http://www.cittadellaeditrice.com/munera/una-postfazione-senza-discrezione-ratzinger-si-ostina-a-raccomandare-sarah/ ; https://www.adista.it/articolo/57240?utm_campaign=shareaholic&utm_medium=facebook&utm_source=socialnetwork
  24. Il a dépassé Léon XIII, mort à 93 ans en 1903  ; au cours du VIIe siècle, Agathon, pape de 678 à 681, serait mort à 104 ans, ce qui est invérifiable.
  25. https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2008/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20080912_parigi-cultura.html.
  26. Guillaume Cuchet, «  La montée des sans-religion en Occident. Une révolution silencieuse des nones  », Études, 2019/9 (septembre), p. 72-92.