A World Restored : Metternich, Castlereagh and the Problems of Peace, 1812–22, Houghton Mifflin, 1957 (thèse de doctorat)

« C’est cette élégance, cette épaisseur de sens et cette capacité narrative qui placent A World Restored dans une catégorie littéraire à part — supérieure à celle des simples écrits politiques du reste du monde de la politique étrangère. En se concentrant sur des personnalités — Metternich, Castlereagh, Talleyrand — Kissinger démontre que la politique étrangère n’est pas élaborée dans un vide émotionnel par des personnes “objectives”. Les antécédents religieux et sociaux des agents sont inséparables de leurs opinions. L’élaboration des politiques, comme l’amour, est une activité intensément humaine.

Le jeune Kissinger avait déjà pris conscience d’autre chose : un décideur politique déterminé doit se mettre dans un État de tension constante avec la bureaucratie. “Une politique profonde se nourrit d’une création perpétuelle. La bonne administration, quant à elle, se nourrit de la routine”, écrivait-il. »1

Nuclear Weapons and Foreign Policy, Harper Brothers, 1957

« Je ne voudrais pas faire de peine à nos voisins d’outre-Rhin, mais, pour bon Américain qu’il soit, M. Henry Kissinger ne fait pas mystère de ses origines allemandes. Et, de fait, il fallait être compatriote de Clausewitz pour écrire un livre comme Nuclear Weapons and Foreign Policy (Armes nucléaires et Politique internationale).

C’est un bon livre, intelligent, infiniment trop intelligent. Il a beaucoup de succès en Amérique, nettement trop de succès. En effet M. Kissinger y révèle le vrai secret atomique, le seul qui soit réellement dangereux pour l’avenir de l’espèce humaine : c’est que l’on peut envisager une guerre nucléaire limitée. »2

Henry Kissinger, 14 février 1972, 22h32 (020-092, White House Telephone) in « Nixon Tapes »

Dans cet extrait audio issu des « cassettes Nixon », le président américain et son conseiller à la sécurité nationale Henry Kissinger discutent d’un dîner auquel ils ont participé le soir même avec André Malraux, que Nixon admire. À propos du voyage du Président des États-Unis prévu prochainement en Chine, l’ancien ministre de la Culture français avait déclaré au cours du dîner : « Votre voyage peut changer tout l’avenir du monde ». Nixon et Kissinger s’interrogent sur les raisons pour lesquelles Mao et les Chinois veulent ouvrir des relations avec les Américains. Juste avant de raccrocher le téléphone, Richard Nixon conclut la conversation en adressant à Kissinger un : « Dormez bien, vous le méritez ».

The White House Years, Little, Brown and Company, 1979

« Il y a, dans cet énorme et passionnant volume, trois œuvres entremêlées. La première est l’œuvre d’un chroniqueur narquois et pénétrant, d’un observateur à la Saint-Simon, d’un portraitiste à la patte habile et originale, qui promène autour de lui, c’est-à-dire sur le monde entier, un regard gourmand, souvent féroce, quelquefois généreux. (…) Le deuxième ouvrage est celui d’un penseur, qui avait longuement réfléchi au problème de la diplomatie conservatrice dans un monde révolutionnaire, au drame de l’homme d’État innovateur confronté à la masse gluante et l’immobilisme paralysant de la bureaucratie, et aux difficultés qu’éprouvait une nation aussi éprise d’utopie — légaliste ou idéaliste — aussi dénuée du sens de la tragédie et aussi peu douée pour la patience, la continuité, le secret le froid réalisme que les États-Unis aux prises avec une puissance aussi implacable que l’Union soviétique. (…) Le troisième ouvrage — le plus long, de loin — est un inlassable exercice d’auto-justification. »3

Years of Upheaval, Little, Brown and Company, 1982

« L’ambition de Kissinger se confirme : il s’agit de bâtir un monument de la littérature politique, massif “incontournable pour comprendre le tournant des années 70 : la détente, atteignant son apothéose, révèle ses équivoques ; et plus fondamentalement un nouveau système international, marqué par l’émergence incertaine de puissances périphériques, prend forme.

Kissinger veut être le témoin irremplaçable, à la fois acteur et observateur. Dans le cercle restreint des hommes de pouvoir, à la sensibilité asphyxiée par les calculs et le harcèlement des décisions, Kissinger paraît ne jamais oublier qu’il sera, lui, “le mémorialiste”, celui dont les pages, mêmes contestées, même décortiquées, demeurent une référence nécessaire, inévitable. »4

Years of Renewal, Simon & Schuster, 1999

« Ni le genre des Mémoires ni le tempérament de l’auteur poussent à l’autocritique. S’il reconnaît parfois — rarement — s’être trompé ou avoir échoué, Henry Kissinger impute ces erreurs plus aux difficultés conjoncturelles de mettre en œuvre des analyses pertinentes qu’à une appréciation fautive des rapports de force. Or, les rapports de force qui sont à la base de la politique, et en particulier des relations entre États, voilà ce qui intéresse Henry Kissinger ; voilà la matière première à comprendre et à travailler afin de faire prévaloir au mieux les intérêts des États-Unis.

À travers l’analyse de situations complexes, d’anecdotes amusantes ou pathétiques, des portraits d’hommes d’État qui, à l’instar de l’auteur lui-même, ont pour la plupart quitté la politique active, l’ancien secrétaire d’État propose une magistrale leçon de diplomatie. »5

Diplomacy, Simon & Schuster, 1994

« Ce livre aurait pu s’intituler Power Politics, mais c’est un terme que Kissinger ne laisse que rarement transparaître sous sa plume. Au lieu de cela, il se réfère fréquemment, et de manière parfois déroutante, à la “géopolitique”. Il n’utilise pas ce terme comme l’ont fait ses inventeurs européens, Rudolph Kjellen, Halford Mackinder et Albrecht Haushofer, pour désigner l’influence de l’environnement spatial sur les impératifs politiques. Pour Kissinger, la “géopolitique” n’est qu’un euphémisme pour désigner les rapports de force. […]

L’auteur aurait mieux fait de dire la vérité et d’admettre que son sujet n’était ni la diplomatie ni la géopolitique — au sens où on l’entend généralement — mais ce qu’il a passé sa vie à étudier et, pour une bonne part, à pratiquer : la politique de puissance. »6

The Kissinger transcripts : the top secret talks with Beijing and Moscow (ed. William Burr), The New Press, 1999

« Selon William Burr, Henry Kissinger a cherché, à la fin des années 1970, à limiter l’accès à un grand nombre des documents les plus sensibles de la période où il était conseiller du président Nixon pour les affaires de sécurité nationale, puis secrétaire d’État sous Nixon et Ford. Il a transmis les documents clefs à la Bibliothèque du Congrès, en stipulant qu’ils ne seraient ouverts que cinq ans après sa mort ou en 2001, la date la plus tardive étant retenue. Là, les documents seraient mieux protégés que s’ils avaient été déposés au sein de l’exécutif des demandes de ceux qui invoquent la loi sur la liberté de l’information. Mais Burr a ingénieusement retrouvé un grand nombre des transcriptions clés des négociations avec la Chine et l’Union soviétique dans les années 1970 — et donc des informations remarquables sur Mao Zedong et Brejnev — dans les documents de Winston Lord, assistant et collaborateur de longue date d’Henry Kissinger. Comme Lord avait rassemblé ces documents en tant que membre de l’équipe de planification politique du département d’État, ils étaient disponibles aux Archives nationales en vertu de la loi sur la liberté d’information (Freedom of Information Act). Ce sont les documents de Lord qui constituent l’essentiel de cette fascinante collection. »7

On China, Penguin Press, 2011

« Kissinger n’est pas un sentimental. Comme pratiquement tout ce qu’il a écrit, ce livre a un objectif pratique. On China est une tentative pour appliquer les principes du “réalisme” en matière de politique étrangère au défi stratégique le plus pressant de notre époque. C’est aussi, presque par inadvertance, une illustration des raisons pour lesquelles une telle approche, prise isolément, est inadéquate, à la fois pour anticiper le comportement d’une Chine de plus en plus puissante et pour prescrire une stratégie américaine appropriée pour faire face à la montée en puissance de la Chine.

À une époque où d’autres se préoccupent de “soft power”, de “smart power”, d’acteurs non étatiques et d’organisations non gouvernementales, Kissinger est resté complètement concentré sur ce qu’il estime être toujours l’activité essentielle de la politique mondiale : la gestion des relations entre les grandes puissances. Pour lui, l’objectif d’aujourd’hui est le même que celui de la guerre froide ou de la période qui a suivi les guerres napoléoniennes, analysée dans son premier livre. La paix perpétuelle est un rêve inaccessible. Le mieux que l’on puisse espérer est une certaine stabilité, rendue possible par l’autolimitation, l’accommodement mutuel et, surtout, l’acceptation de certains principes minimaux de l’ordre international. »8

World Order, Penguin Press, 2014

« Le dernier opus d’Henry Kissinger arrive à point nommé. Le Moyen-Orient s’embrase de Gaza à l’Irak et à la Syrie. La Russie de Vladimir Poutine est devenue revancharde, annexant la Crimée et organisant une invasion furtive de l’est de l’Ukraine. La Chine joue de son pouvoir et de son influence dans le Pacifique et au-delà, mettant à l’épreuve la détermination d’une Amérique fatiguée par la guerre. Nous observons un monde en désordre. La question est de savoir dans quelle mesure ces convulsions sont dues à un vide de pouvoir dans le système international. Kissinger, 91 ans, universitaire de Harvard devenu secrétaire d’État de deux présidents américains, n’aborde pas cette question de front dans World Order, mais elle est sous-jacente à chaque page. Les réponses qu’il propose sont au cœur du débat sur le leadership américain. »9

Sources
  1. Robert D. Kaplan, « Kissinger, Metternich and Realism », The Atlantic, juin 1999.
  2. Robert Escarpit, « Le vrai secret », Le Monde, 24 septembre 1957.
  3. Stanley Hoffmann, « À la Maison-Blanche, 1968-1973 », Politique étrangère, 45-1, pp. 207-214.
  4. Philippe Moreau-Desfarges, « Stèle à soi-même », Politique étrangère, 47-2, page 469.
  5. Daniel Vernet, « Kissinger, stratège pragmatique », Le Monde, 27 octobre 2000.
  6. Michael Howard, « The World According to Henry. From Metternich to Me », Foreign Affairs, mai-juin 1994.
  7. Jonathan Spence, « Kissinger & The Emperor », New York Review Of Books, 4 mars 1999. Lire également la réponse de Kissinger : « Talking with Mao : An Exchange »,  New York Review Of Books, 18 mars 1999.
  8. Aaron Friedberg, « The Unrealistic Realist », The New Republic, 13 juillet 2011.
  9. Lionel Barber, « Lionel Barber reviews Henry Kissinger’s ‘World Order’ », Financial Times, 5 septembre 2014.