Religion

Complotisme et catholicisme : l’Église de Mgr Viganò

Dans une lettre adressée à Donald Trump, et relayée par le Président des États-Unis, Mgr Viganò s'appuie sur des références bibliques et notamment sur l'imaginaire de l'Apocalypse pour dénoncer le deep state et relayer les principaux thèmes conspirationnistes. Analyse d'une rhétorique nouvelle des théories du complot.

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Cette lettre adressée le 7 juin dernier à Donald Trump par Mgr Carlo Vigano, ex-nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège) aux États-Unis, semble l’aboutissement d’une dérive personnelle accélérée, qui a vu le prélat de 79 ans, ancien diplomate chevronné, perdre la plus grande part du crédit qu’il avait acquis dans des milieux pourtant disposés à l’entendre. Le 25 août 2018, il s’était attiré brusquement la célébrité en publiant une lettre ouverte qui accusait l’épiscopat américain et la hiérarchie curiale de dissimulation des scandales d’abus sexuels, en particulier des crimes commis par le cardinal Mc Carrick, archevêque émérite de Washington. Il y appelait déjà à la démission du pape François. Si la presse s’était interrogée sur la part de vérité qu’elle pouvait receler, le Vatican avait en fin de compte très fermement démenti ses allégations par la bouche du cardinal Ouellet, préfet de la congrégation pour les évêques. 

Depuis lors, Mgr Vigano affirmait vivre dans la clandestinité par crainte de représailles, et avait promis des révélations à venir bien plus fracassantes, annonces non suivies d’effet. Son opposition à François a pris un ton encore plus exalté au fil des nombreuses lettres et déclarations qu’il a fait parvenir, se démarquant par là des critiques d’autres hiérarques catholiques de la tendance conservatrice. Avec le coronavirus et les mesures pour l’endiguer, sa dénonciation fiévreuse s’est étendue de l’Église aux pouvoirs politiques occidentaux et à leur supposée volonté d’asservissement des peuples. On commence à reconnaître là des traits du complotisme le plus classique : il a notamment publié le 8 mai une lettre appelant à refuser les projets de vaccination comme maléfiques, car ceux-ci sont issus de recherches sur des embryons avortés.

La lettre à Donald Trump du 7 juin dernier franchit un nouveau palier. On peut certes décider de n’y voir qu’un symptôme presque clinique de la paranoïa grandissante de l’homme. Mais il nous semble qu’elle est aussi intéressante à commenter en ce qu’elle représente une déclinaison originale des propos conspirationnistes : aux thèmes très significatifs de cette dernière tendance, se mêlent nombre d’échos bibliques et des références tirées de la doctrine catholique. C’est que le complotisme de Mgr Vigano est au fond un discours apocalyptique. Le prélat et ceux qui l’écoutent paraissent convaincus de vivre les prodromes de la fin des temps. Il nous faut donc examiner cette lettre en étant sensible à ces différents registres : le détournement de références évangéliques et chrétiennes rejoint ici des expressions caractéristiques des grandes théories du complot, comme des références propres au traditionalisme catholique, au service d’une lecture apocalyptique de l’actualité. L’apocalypse ainsi décryptée retrouve au fond son sens étymologique de révélation des choses cachées derrière les grands affrontements en cours. Elle acquiert en cela la fonction de tous les grands récits complotistes : redonner un sens univoque et une lisibilité immédiate à la complexité du monde.

Monsieur le Président,

Au cours de ces derniers mois, nous avons assisté à la formation de deux camps opposés que je qualifierais de bibliques : les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres. Les enfants de la lumière constituent la partie la plus importante de l’humanité, tandis que les enfants des ténèbres représentent une minorité absolue. Et pourtant, les premiers font l’objet d’une sorte de discrimination qui les place dans une situation d’infériorité morale par rapport à leurs adversaires, tandis que ces derniers occupent souvent des positions stratégiques au sein des gouvernements, au niveau politique, économique et dans les médias. De manière en apparence inexplicable, les bons sont pris en otage par les méchants comme par ceux qui les aident par intérêt ou par crainte.

D’emblée s’entremêlent les deux registres de la Bible et du complot : l’opposition des fils de la lumière et des fils des ténèbres est une expression qui trouve son origine dans plusieurs livres du Nouveau Testament, surtout dans l’épître de l’apôtre Paul aux Éphésiens (chap. 5, versets 8-9) ; elle a bien sûr une signification avant tout spirituelle. Ici Carlo Maria Vigano reprend cette référence scripturaire mais en donne une interprétation tout à fait nouvelle, en assimilant les « fils des ténèbres » à la minorité dirigeante et les « enfants de Lumière » à la majorité des peuples gouvernés. Cela représente déjà une distorsion de la tradition spirituelle catholique, qui a au contraire longtemps insisté sur le « petit nombre des justes » face à la masse des pécheurs.

Ces deux camps, qui ont un caractère biblique, suivent la séparation nette entre la postérité de la Femme et celle du Serpent. D’un côté, il y a ceux qui, malgré leurs mille défauts et faiblesses, sont motivés par le désir de faire le bien, d’être honnêtes, d’élever une famille, de travailler, de participer à la prospérité à leur patrie, d’aider les nécessiteux et, dans l’obéissance à la Loi de Dieu, de mériter le Royaume des Cieux. D’autre part, il y a ceux qui se servent leur propre intérêt, qui n’ont aucun principe moral, qui veulent démolir la famille et la nation, exploiter les travailleurs pour s’enrichir à outrance, fomenter des divisions internes et des guerres, et accumuler du pouvoir et de l’argent : pour eux, l’illusion fallacieuse du bien-être temporel cédera un jour – s’ils ne se repentent pas – au terrible destin qui les attend, loin de Dieu : la damnation éternelle.

D’autres références scripturaires viennent développer cette opposition : l’inimitié établie entre la postérité de la Femme et celle du Serpent est tirée du livre la Genèse (3, 15), et résonne aussi, dans l’Apocalypse de saint Jean, avec l’image cosmique de la Femme enveloppée du Soleil et couronnée d’étoiles (figure de la Vierge Marie) qui terrasse le dragon en donnant naissance à un Fils (12, 1). On est là dans une des images les plus connues des représentations apocalyptiques. Or Vigano semble considérer qu’elles ont déjà cours dans le monde actuel : dans le portrait qu’il dresse de la « postérité de la Femme », on reconnaît celui de la classe moyenne américaine blanche, qui constitue le cœur de l’électorat trumpien, avec ses valeurs de travail, de moralité et de patriotisme, mais aussi une forte imprégnation de la religion dans la vie quotidienne. Face à elle, l’élite dirigeante est non seulement accusée de n’avoir « aucun principe moral » et « d’exploiter les travailleurs » (et on retrouve là des reproches que le pape François pourrait formuler lui-même…), mais encore de « fomenter des divisions internes et des guerres » et de « détruire la famille et la nation » pour s’enrichir, ce qui fait à nouveau basculer cette critique dans le complotisme.

Dans la société, Monsieur le Président, ces deux réalités opposées coexistent en tant qu’ennemis éternels, tout comme Dieu et Satan sont des ennemis éternels. Or les enfants des ténèbres – que l’on peut facilement identifier au deep state auquel vous vous opposez avec sagesse et qui en ce moment vous mène une guerre sans relâche – ont décidé d’abattre leurs cartes, pour ainsi dire, en dévoilant maintenant leurs plans. Ils semblent tellement sûrs de déjà tout contrôler, qu’ils ont oublié cette prudence qui, jusqu’à présent, avait au moins partiellement dissimulé leurs véritables intentions. Les enquêtes déjà en cours révéleront la véritable responsabilité de ceux qui ont géré l’urgence de la crise du Covid-19, non seulement dans le domaine de la santé mais aussi dans la politique, l’économie et les médias. Nous découvrirons probablement qu’au sein de cette colossale opération d’ingénierie sociale se trouvent des personnes qui ont décidé du sort de l’humanité, s’arrogeant le droit d’agir contre la volonté des citoyens et celle de leurs représentants dans les gouvernements des nations.

La coexistence des justes et des pécheurs dans les sociétés humaines est tirée de la doctrine de saint Augustin dans au début de La Cité de Dieu  : «  deux amours ont bâti deux cités. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste »  ; durant le temps de l’histoire, les deux cités sont inextricablement mêlées, et ne seront visiblement départagées aux yeux du monde qu’à la fin des temps, selon l’interprétation augustinienne de la parabole du bon grain et de l’ivraie dans l’Évangile selon Matthieu (13  ; 24-30).

L’apport inédit de Mgr Vigano est d’assimiler les « enfants des ténèbres » de la cité terrestre à une concrétion historique précise, le fameux deep state des théories du complot. Cette dernière expression mérite aussi commentaire : c’est au départ un concept analytique forgé par des universitaires et des acteurs politiques pour désigner les structures bureaucratiques, et leur inertie, lesquelles peuvent parfois s’opposer à l’action des décideurs politiques en vue. Mais elle a vite été entendue dans un sens hyperbolique, et en est venue à désigner, aux États-Unis, une supposée hiérarchie parallèle qui détiendrait tous les véritables leviers de commande au détriment des élus. C’est bien en ce sens que l’entend Vigano quand il fait du deep state un adversaire du président Trump, qui tout à la fois entraverait son action dans l’État fédéral, et susciterait les oppositions qu’il rencontre. Il en va de même pour l’expression « d’ingénierie sociale », notion académique elle aussi détournée à des fins conspirationnistes : les mesures gouvernementales pour faire face à la pandémie de coronavirus sont présentées comme autant d’expérimentations inquiétantes visant à remodeler la société ou à tester les réactions de la population.

Nous découvrirons également que les émeutes de ces jours-ci ont été provoquées par ceux qui, constatant que le virus décline inexorablement et que la panique sociale générée par la pandémie s’estompe, se sont retrouvés obligés de provoquer des troubles civils, sachant que ceux-ci entraîneraient une répression qui, bien que légitime, pourrait être condamnée comme une agression injustifiée contre la population. La même chose se produit également en Europe, en parfaite synchronie. Il est tout à fait clair que l’utilisation des manifestations est un instrument au service des objectifs de ceux qui voudraient voir les prochaines élections présidentielles remportées par une personne qui incarne les objectifs du deep state et qui les exprime fidèlement et avec conviction. Il n’y aura pas à s’étonner si, dans quelques mois, nous apprenons une fois de plus que derrière ces actes de vandalisme et de violence se cachent ceux qui espèrent profiter de la dissolution de l’ordre social pour construire un monde sans liberté : Solve et Coagula, comme l’enseigne l’adage maçonnique.

Ici, Mgr Vigano explicite les griefs exprimés contre l’élite dirigeante : si elle n’est pas ouvertement accusée d’avoir créé le coronavirus, il lui est en tout cas reproché d’avoir pris prétexte de la crise sanitaire pour faire avancer ses sombres menées de mise en conditionnement des populations. Mais il profite également de l’actualité des manifestations à la suite de la mort de George Floyd : sans surprise, il y voit encore la main ténébreuse du « deep state  ». Comme souvent, cette théorie du complot ne s’embarrasse pas de cohérence interne : quand il s’agissait du coronavirus, l’intervention de l’État fédéral était un projet diabolique ; à propos des émeutes et tensions raciales, elle devient une « répression légitime »… Pour Vigano, le but du deep state, à travers le mouvement Black Lives Matter, est de favoriser l’élection de Joe Biden. Plus profondément, dans la mentalité conspirationniste, tout trouble à l’ordre social se trouve fatalement prévu dans l’agenda d’une instance secrète qui en tirera profit : c’est cette fois la franc-maçonnerie, qui est depuis le XIXe siècle l’objet privilégié de nombreuses théories du complot dans le catholicisme traditionaliste.

Comme les premières condamnations pontificales de la maçonnerie, au XVIIIe siècle, n’en spécifiaient pas les raisons, cela a donné libre cours à des spéculations encore très vivaces : celles-ci peuvent par exemple prétendre que les hautes sphères de la maçonnerie sont composées d’initiés lucifériens mettant en œuvre des rituels magiques. C’est ce à quoi semble ici faire référence l’expression Solve et coagula (« dissous puis regroupe »), qui décrit en réalité une opération alchimique, le Grand Œuvre, mais est ici entendue au sens métaphorique de création d’une nouvelle société (d’aucuns diraient un nouvel ordre mondial).

Bien que cela puisse sembler déconcertant, les positions opposées que j’ai décrites se retrouvent également dans les milieux religieux. Il y a des pasteurs fidèles qui prennent soin du troupeau du Christ, mais il y a aussi des mercenaires infidèles qui cherchent à disperser le troupeau et à livrer les brebis aux loups voraces pour qu’elles soient dévorées. Il n’est pas surprenant que ces mercenaires soient les alliés des enfants des ténèbres et haïssent les enfants de la lumière : tout comme il existe un deep state, il existe aussi une deep church qui trahit ses devoirs et renonce à ses engagements propres vis-à-vis de Dieu. Ainsi, l’Ennemi invisible, contre lequel les bons dirigeants se battent dans les affaires publiques, est également combattu par les bons pasteurs dans la sphère ecclésiastique. C’est une bataille spirituelle, dont j’ai parlé dans mon récent Appel publié le 8 mai dernier.

On trouve de nouvelles références bibliques, ici à la parabole du Bon Pasteur dans l’Évangile selon Jean (10, 11-16 ), qui sert à mettre en garde contre les « bergers mercenaires », accusation qui renvoie ici de manière à peine voilée au pape François. Une des grandes originalités du complotisme de Mgr Vigano paraît être cette expression de deep church, déclinaison du deep state pour l’Église catholique. On peut la rapprocher des conceptions de certains traditionalistes extrémistes, pour qui la hiérarchie officielle de l’Église catholique forme une fausse Église conciliaire (car issue du concile Vatican II) qui éclipse la véritable Église catholique devenue invisible. Or ces conceptions, paradoxalement, s’écartent de l’ecclésiologie traditionnelle, qui fait de l’Église catholique une « société parfaite » et visible, et à la hiérarchie de laquelle il faut obéir, même si elle est composée de pécheurs.

Pour la première fois, les États-Unis ont en vous un président qui défend courageusement le droit à la vie, qui n’a pas honte de dénoncer la persécution des chrétiens à travers le monde, qui parle de Jésus-Christ et du droit des citoyens à la liberté de culte. Votre participation à la Marche pour la vie, et plus récemment votre proclamation du mois d’avril comme Mois national de la prévention des abus envers les enfants, sont des actions qui confirment de quel côté vous souhaitez vous battre. Et j’ose croire que nous sommes tous deux du même côté dans cette bataille, même si nous combattons avec des armes différentes.

Vigano se fait ici l’écho d’un des grands axes de communication du président Trump auprès des milieux pro-life catholiques et évangéliques : Trump est en effet le premier président des États-Unis en exercice à avoir pris la parole à une marche pour la vie, le 24 janvier 2020 à Washington ; sur le plan international, il se fait résolument le défenseur de la liberté religieuse à travers le monde, en allouant des fonds supplémentaires à l’action diplomatique pour cette cause. Le rappel de son action, plus limitée, contre les abus sur les mineurs, entre cette fois en résonnance avec les propres alertes de Mgr Vigano en ce sens, et surtout trouve un écho dans de larges secteurs de l’opinion catholique américaine, très remontés contre sa hiérarchie épiscopale après les scandales d’abus sexuels de 2018 (au point qu’on a pu parler de « moment Me Too » du catholicisme américain).

Pour cette raison, je crois que l’attaque dont vous avez été victime à la suite de votre visite au sanctuaire national de saint Jean-Paul II fait partie de ce narratif, orchestré par les médias, qui ne cherche pas à lutter contre le racisme et à rétablir l’ordre social, mais à exaspérer les esprits ; non pas à apporter la justice, mais à légitimer la violence et le crime ; non pas à servir la vérité, mais à favoriser une faction politique bien précise. Et il est déconcertant de voir des évêques – comme ceux que j’ai récemment dénoncés – prouver, par leurs paroles, qu’ils se rangent du côté opposé. Ils sont soumis au deep state, au mondialisme, à la pensée unique, au Nouvel Ordre Mondial qu’ils invoquent de plus en plus souvent au nom d’une fraternité universelle qui n’a rien de chrétien, mais qui évoque les idéaux maçonniques de ceux qui veulent dominer le monde en chassant Dieu des tribunaux, des écoles, des familles et peut-être même des églises.

Mgr Vigano revient ici sur un incident récent, la visite de Donald Trump au sanctuaire St-Jean-Paul II de Washington le 2 juin, où il s’est fait photographier en famille, une bible à la main, alors même que les grandes manifestations battaient leur plein. Si Trump a été défendu par le recteur du sanctuaire, il s’est attiré les critiques de plusieurs prélats américains, comme Mgr Wilton Gregory, archevêque de Washington et tenant d’une ligne progressiste au sein de l’épiscopat, qui a dénoncé une forme d’instrumentalisation de la religion.  

La fin du paragraphe forme une synthèse un peu surprenante mais originale du complotisme viganien, en établissant une sorte d’équivalence entre toutes les instances dénoncées : le « mondialisme » et la « pensée unique » sont des cibles du populisme de droite ; la « fraternité universelle » représenterait un équivalent religieux de ce qu’est le « Nouvel Ordre Mondial » sur le plan géopolitique ; elle serait défendue par les « bergers mercenaire » comme le pape François (qui y a fait référence dans certains documents pontificaux). Ce serait une contrefaçon d’unité, puisque proche des idéaux maçonniques. Si ces rapprochements entre considérations géopolitique et religieuses peuvent étonner, elles sont au fond assez communes et anciennes dans les groupes les plus exaltés du traditionalisme français, chez lesquels on retrouve depuis assez longtemps tous ces éléments de langage. On peut d’ailleurs penser que c’est aussi à ce public-là que Mgr Vigano s’adresse dans sa lettre.

 Le peuple américain est mûr, et il a désormais compris à quel point les médias mainstream ne veulent pas diffuser la vérité, mais cherchent à la réduire au silence et à la déformer, en répandant le mensonge qui sert les intérêts de leurs maîtres. Cependant, il est important que les bons – qui sont la majorité – se réveillent de leur torpeur et n’acceptent pas d’être trompés par une minorité de personnes malhonnêtes aux buts inavouables. Il est nécessaire que les bons, les enfants de la lumière, se réunissent et fassent entendre leur voix. Et quel moyen plus efficace pour ce faire, Monsieur le Président, que la prière, en demandant au Seigneur de vous protéger, de protéger les États-Unis, et toute l’humanité, de cette énorme attaque de l’Ennemi ? Devant la puissance de la prière, les tromperies des enfants des ténèbres s’effondreront, leurs complots seront éclateront au grand jour, leur trahison sera révélée, leur pouvoir effrayant ne débouchera sur rien, ayant été porté à la lumière et démasqué pour ce qu’il est : une tromperie infernale.

Mgr Vigano, dans ce passage-clé, révèle les mécanismes au fondement de son raisonnement : il est persuadé que le déchaînement du mal qu’il observe va déboucher sur une gigantesque clarification, et donc aussi sur une radicalisation : toutes les oppositions au sein du monde sont ramenées à la lutte entre les deux cités, celle de Dieu et celle du diable, pour reprendre le vocabulaire augustinien. Les instances maléfiques seront démasquées, la vérité éclatera enfin au grand jour. C’est une des permanences de la mentalité apocalyptique, et du millénarisme au sens large, que de voir dans le déchaînement du mal le signe annonciateur de la fin des temps, et, au-delà, du triomphe définitif du bien. C’est parce qu’il est sans doute convaincu de vivre le temps exceptionnel de l’Apocalypse que Mgr Vigano prend tant de libertés avec l’enseignement traditionnel de l’Église catholique, qui invite à bien davantage de prudence dans la distinction du temporel et du spirituel : il se vit au fond déjà dans un état d’exception, qui motive toutes les transgressions.

Monsieur le Président, ma prière est constamment tournée vers cette nation américaine bien-aimée, où j’ai eu le privilège et l’honneur d’être envoyé par le Pape Benoît XVI en tant que Nonce apostolique. En cette heure dramatique et décisive pour l’humanité entière, je prie pour vous et pour tous ceux qui sont à vos côtés au sein du gouvernement des États-Unis. Avec confiance, je souhaite que le peuple américain s’unisse à vous et à moi dans la prière au Dieu tout-puissant.

Mentionnons brièvement pour finir la réponse que le président Trump vient d’adresser à Mgr Vigano via Twitter, le 11 juin : des remerciements chaleureux et une invitation large à la diffuser. Trump, sans comprendre les tenants et aboutissants de ce discours apocalyptique, sent certainement que ce genre de registre est susceptible de plaire à la frange de son électorat la plus motivée par des valeurs religieuses.

Unis contre l’Ennemi invisible de toute l’humanité, je vous bénis ainsi que la Première Dame, cette nation américaine bien-aimée, et tous les hommes et les femmes de bonne volonté.

+ Carlo Maria Viganò
Archevêque titulaire d’Ulpiana
Ancien Nonce Apostolique aux Etats-Unis d’Amérique.

Crédits
Texte original de la lettre : https://www.lifesitenews.com/opinion/archbishop-viganos-powerful-letter-to-president-trump-eternal-struggle-between-good-and-evil-playing-out-right-now
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