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« Que ça te plaise ou non, ma belle, il va falloir t’y résoudre »
La prise du Donbass n’est-elle qu’une première étape ? L’homme qui n’a plus de limites dit « pourquoi pas ? ». C’est sans doute l’état d’esprit dans lequel Vladimir Poutine s’est placé fin 2021. En se disant que c’était peut-être pour lui – et pour la Russie – la dernière chance de « récupérer » l’Ukraine. C’est l’aboutissement d’une longue chaîne d’événements, dont les racines se trouvent bien davantage à Moscou et à Kiev qu’à Washington ou à Bruxelles.
Août 1991, la catastrophe
Le 19 août 1991 au matin, une dépêche urgente s’affiche sur les téléscripteurs du monde entier : « Urgent – Coup d’État en Union soviétique ». Il faut se souvenir à quel point cette information était effrayante : l’avenir de ce qui était à l’époque une superpuissance dotée d’armes nucléaires était en jeu. Le coup d’État fut de brève durée mais l’événement accéléra considérablement le processus de décomposition de l’URSS. Cinq jours plus tard, l’Ukraine déclara son indépendance, à la surprise et à la déception des autorités russes. Boris Eltsine envisagea un temps d’imposer un redécoupage des frontières pour absorber a minima la Crimée et le nord du Kazakhstan, mais le président kazakh Noursoultan Nazerbaiev l’en dissuada. Eltsine, qui ne voulait pas que l’URSS subisse le sort de la Yougoslavie, se rangea à ses arguments 1. C’est la sagesse incarnée dans le principe de droit international uti possidetis (« ce que vous avez, vous le posséderez ») qui s’appliqua. À l’époque, un nouveau traité d’union était encore envisagé. Mais Moscou n’était prête à y souscrire que si l’Ukraine en faisait partie. Or le référendum d’indépendance (1er décembre) fut sans appel : avec plus de 90 % de « oui » (et une participation de 82 %), l’Ukraine décida de suivre son propre chemin. Quelques jours plus tard, le président nouvellement élu Léonid Kravtchouk et ses homologues russe et biélorusse déclarèrent l’extinction du traité fondateur de 1922.
L’Ukraine mettait un terme à 350 ans d’histoire sous le même toit. Ce choix fut formellement accepté par Moscou et le pays reconnu comme État indépendant dans ses frontières de l’époque. Non seulement de manière tacite en acceptant le statu quo frontalier en 1991, mais surtout en signant ultérieurement plusieurs traités et accords avec elle : le mémorandum de Budapest (1994), qui garantissait son intégrité territoriale ; le traité d’amitié russo-ukrainien (1997), qui confirmait les frontières et proclamait leur inviolabilité ; et les accords relatifs à la base de Sébastopol (1997, 2010). Cela n’empêcha pas Vladimir Poutine, dans une citation fondatrice (2005), de considérer que l’éclatement de l’Union était « la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle » 2, de son vivant.
La vision du Kremlin
La géographie n’explique pas tout, mais, « sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire », comme le disait Zbigniew Brezinski.
L’Ukraine, ce sont des ressources bien sûr. Mais ce qui était appelé le « grenier à blé » de l’Union soviétique – les tchernozioms – est moins important pour Moscou aujourd’hui que ce ne l’était à l’époque, la Russie étant devenue grâce à sa production nationale le premier exportateur du monde. L’Ukraine, c’est aussi du gaz, avec quelques gisements offshore en mer Noire, sans compter sa localisation qui en fait encore aujourd’hui le principal carrefour des gazoducs (transit vers l’Europe). Et c’est aussi, bien sûr, le port de Sébastopol en Crimée dont le statut avait théoriquement été réglé par l’accord de Kharkiv (2010), avec un accès russe jusqu’en 2042. Mais quelles que soient les raisons, la conquête des « terres noires » n’est pas un objectif du Kremlin et les racines historiques sont de loin les plus importantes pour expliquer la crise actuelle.
Poutine rappelle 3 que la Crimée fut « le lieu de l’antique Chersonèse, où le prince Vladimir fut baptisé [en 988]. Son choix spirituel, celui de l’adoption de l’orthodoxie, créa les fondements de la culture, de la civilisation et des valeurs humaines qui unissent les peuples de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie. C’est là, aussi, que se trouve Sébastopol – une cité légendaire à l’histoire exceptionnelle, une forteresse qui a vu naître la Flotte russe de la Mer noire ». La Crimée serait « sacrée » pour la Russie 4, « comme le Mont du Temple pour les musulmans et les juifs ». Et Poutine de faire ériger en 2016 une immense statue du prince Vladimir devant le Kremlin. Il fallait bien faire pièce à celle qui existe depuis longtemps à Kiev, les deux États se réclamant du prince qui se convertit à l’orthodoxie. La péninsule, annexée à la suite d’un référendum tenu dans des conditions rappelant le plébiscite en faveur de l’annexion du Sudetenland, est désormais russifiée (sur 49 paroisses relevant du patriarcat de Kiev existant en 2014, il n’en reste que cinq 5). Les Tatars sont, de nouveau, en butte à la répression. Comme les pays baltes après 1940, la péninsule est sans doute perdue pour longtemps pour Kiev.
Ces jours-ci, c’est désormais le reste de l’Ukraine qui est en jeu. Poutine a annoncé la couleur dans un texte – exceptionnellement long pour une publication présidentielle – signé de sa main et publié à l’été 2021, à l’occasion du trentième anniversaire de la « catastrophe », et intitulé « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens 6 ».
De la Crimée à l’Ukraine tout entière ?
Argumenté, le propos n’en est pas moins révisionniste.
Vladimir Poutine prétend que la Russie est l’héritière naturelle de la Rus’ kiévienne. Cette matrice originelle des trois nations slaves orientales (biélorusse, russe, ukrainienne), fondée par les Varègues (Vikings) au IXème siècle, était une prospère fédération de principautés administrée par Kiev, centre spirituel de la région. Dans un récit non dénué de popularité en Occident 7, après sa chute (invasion mongole du XIIIème siècle), la Moscovie en devint la légitime héritière et son destin de « réunifier les terres russes ». Fondé sur le principe médiéval de la translatio imperii et datant des XVème et XVIème siècles, ce récit avait pour but de légitimer les conquêtes territoriales de la Moscovie. La construction du mythe national russe 8, destiné à rompre avec le passé tatar, exigeait en effet de s’inscrire dans un passé kiévien, ce qui voulait dire in fine byzantin et romain (d’où la « Troisième Rome » 9), Ivan III fut acclamé à la fin du XVème siècle comme tsar (césar), appellation qui deviendra officielle sous le règne de son petit-fils Ivan Le Terrible, « souverain de tous les Rus’ », et qui deviendra au XVIIIème siècle « tsar de toutes les Russies » : la grande, la petite (Ukraine) et la blanche (Biélorussie). Dans ce récit, la Russie se veut la protectrice des nations slaves orientales. Mais ce fut pour les peuples de l’actuelle Ukraine une union forcée. Au XVème siècle, les cosaques, qui avaient fondé un ensemble de communautés dans la partie sud-est du territoire actuel de l’État, se rebellèrent contre la République des Deux Nations (Pologne et Lituanie). Ils proclamèrent en 1649 le Hetmanat, un gouvernement indépendant. Cinq ans plus tard, ils s’estimèrent contraints de rechercher le soutien russe face aux appétits polono-lituaniens. Mais le traité de Pereïasliv (1654), décrit par Moscou comme une « union » prit la forme d’un mariage forcé alors que les cosaques ne souhaitaient qu’une alliance pour se défendre contre la République des Deux Nations. Le tsarat de Russie finit par absorber l’essentiel du territoire ukrainien actuel et la République consentit à un traité de « paix éternelle » en 1686. L’imposition de la tutelle religieuse de Moscou (XVIIème siècle), l’abolition du Hetmanat (XVIIIème siècle) et l’interdiction de l’usage de la langue ukrainienne (XIXème siècle) affaiblirent considérablement la nation ukrainienne. Lviv, alors en Autriche-Hongrie, devint le réceptacle de la culture nationale.
Le deuxième argument de Poutine découle du premier : la formation de l’État ukrainien est une conspiration occidentale (austro-hongroise et polonaise) visant à créer une « Rus’ anti-Moscou ». Son drapeau serait d’ailleurs « autrichien » (il est en fait ruthénien et fut hissé pour la première fois en 1848 par le Conseil ruthène à Lemberg – qui deviendra Lviv). À moins qu’il ne s’agisse d’une erreur des Bolcheviks, comme le prétendra le président russe dans son discours du 21 février 2022…
Vladimir Poutine, qui a souvent pris ses distances avec le léninisme – pour mieux, il est vrai, valoriser le stalinisme – reproche aux révolutionnaires russes d’avoir favorisé les « nations » et intégré l’Ukraine dans l’URSS en tant que république pleine et entière. Et encore plus d’avoir agrandi son territoire : celui-ci reflète en effet aujourd’hui les conquêtes impériales sur l’empire ottoman (« Nouvelle Russie », sud de l’Ukraine contemporaine) ainsi que l’unification des terres de culture ukrainienne au détriment de la Pologne (à l’ouest) et de la Russie (à l’est), des terres prétendument « russes ».
Selon le récit du Kremlin, l’existence de l’Ukraine n’est au fond qu’une sorte d’accident de l’Histoire, et la Crimée un injuste cadeau fait à Kiev à l’occasion du 300ème anniversaire du traité de Pereïasliv, lequel rattachait l’Ukraine à la Russie. En 2014, Poutine rappelait la décision heureuse, selon lui, de Catherine la Grande, qui avait annexé le sud de l’Ukraine actuelle. Et stigmatisait celle des bolcheviks (« que Dieu les juge ») qui avaient accepté que des terres russes fassent partie d’un État indépendant. À ses yeux, les frontières de ce pays sont « arbitraires ». Pas surprenant, dès lors, que les deux oblasts du Donbass aient été appelés « Nouvelle-Russie », région de l’empire des tsars entre 1721 et 1917, et désormais confédération sécessionniste proclamée en mai 2014.
Non seulement l’Ukraine est un État « artificiel », mais elle est de plus gouvernée par des « fascistes ». « Pour la propagande du Kremlin, les dirigeants ukrainiens sont devenus des banderovtsy et des ‘nazis’ tandis que la Russie a retrouvé son rôle de 1941-1945, luttant une fois de plus contre les fascistes » 10. Le ruban de Saint-Georges, inspiré de l’Ordre militaire impérial du même nom, remis au goût du jour à Moscou en 2005 après la Révolution Orange, est devenu l’attribut obligé de la « résistance ».
Europe contre Asie, un délicat équilibre
En creusant un peu plus, on trouve un thème sous-jacent dans la vision russe : la crainte que le pays ne soit un jour absorbé par l’Asie. Appelons cela une « insécurité démographique ». Alors que la population russe diminue, celle de l’Asie centrale augmente, tandis que l’ombre grandissante de la Chine plane sur la partie orientale de l’ancienne Union soviétique. Pour la Russie, perdre l’Ukraine pourrait signifier troquer un futur européen contre un avenir asiatique.
Au cœur du problème se trouve ainsi l’Asie centrale, une région vis-à-vis de laquelle la Russie a toujours été ambivalente. Composante importante de l’Empire (dans sa forme tardive) puis de l’Union soviétique, elle permettait à Moscou de revendiquer sa domination sur un espace multinational et multiethnique. « La légitimité impériale de la Russie repose directement sur le maintien de sa domination sur l’Asie centrale », écrit Marlène Laruelle, historienne française. Le contrôle de l’Asie centrale aide également la Russie à revendiquer le statut de grande puissance, et à garder un œil sur la Chine. De l’autre côté, la Russie s’est toujours méfiée des républiques musulmanes. À l’époque impériale, la région était davantage un poids que la Russie avait accepté de porter qu’un territoire fièrement conquis. Aujourd’hui, les courants nationalistes russes s’y intéressent peu et l’opinion l’assimile souvent à l’islamisme, au terrorisme et à la mafia. Les références positives soulignant les liens historiques et culturels avec la région sont rares. Dans son livre de 1990 intitulé Reconstruire la Russie, Alexandre Soljenitsyne proposait de se débarrasser des républiques d’Asie centrale.
C’est là qu’intervient la question ukrainienne. Lors d’une conversation téléphonique avec le président Bush à la veille du référendum sur l’indépendance 11 de l’Ukraine en 1991, Boris Eltsine avait signifié qu’une nouvelle union sans l’Ukraine « modifierait radicalement l’équilibre (..) entre les nations slaves et islamiques. Nous ne pouvons pas avoir une situation où la Russie et la Biélorussie ont deux voix en tant qu’États slaves contre cinq pour les nations islamiques ». Comme le dit l’analyste américain Mackensie Knorr 12, « une fois qu’il était clair que l’Ukraine était perdue, la Russie n’était pas intéressée par une union avec une influence slave fortement diminuée par rapport aux populations d’Asie centrale et du Caucase ».
La tragédie démographique
Cette ambivalence à l’égard de l’Asie centrale se reflète depuis longtemps dans la question démographique. La Russie a besoin des travailleurs de cette région, mais se méfie en même temps d’une immigration excessive.
Poutine a adopté une vision « eurasiatique » de l’avenir de son pays. Pourtant, il existe un malaise évident dans une partie des cercles nationalistes face à une évolution interne qui reflète celle de l’ancienne Union. En 1959, le pays était russe à 83 % : un chiffre qui tombe à 78 % en 2010. La Russie compte actuellement 15 à 20 millions de musulmans 13, soit 10 à 15 % de la population, avec une fécondité élevée qui fait dire au Grand Mufti 14 qu’ils représenteront 30 % de la population au milieu des années 2030.
En cause : un taux de mortalité très élevé chez les hommes, un faible taux de natalité et un taux d’émigration élevé. La population a atteint un pic de 148 millions d’habitants en 1992 et n’a cessé de décliner depuis, malgré un modeste rebond au milieu des années 2010. S’élevant à 146 millions aujourd’hui, le pays oscillera autour de 140 millions en 2035 et de 130 en 2050. À l’inverse, l’Asie centrale, 75,5 millions d’habitants aujourd’hui, reste en croissance : 88 millions d’habitants en 2035 et 100 en 2050.
Moscou n’avait guère d’autre choix que de recourir aux travailleurs d’Asie centrale. Poutine a adopté une approche en deux volets : inviter le plus grand nombre possible de Russes à revenir de l’étranger, et ouvrir les frontières à un grand nombre d’immigrants, notamment d’Asie centrale. Mais l’immigration ne compense plus le déclin naturel et a entraîné une montée des tensions dans les villes. Le Kremlin a donc expérimenté de nouvelles approches : la « passeportisation » ou distribution de passeports russes dans les zones occupées ou contestées, et une naturalisation facilitée des russophones les habitants 15 de l’ancienne Union. En 2020, la Russie a accueilli un nombre record de nouveaux citoyens (660 000 16). Enfin, l’annexion de la Crimée a permis à 2,5 millions de personnes supplémentaires de devenir citoyens russes.
Ce contexte démographique confirme s’il en était besoin que la conquête de l’Ukraine ne serait pas liée à la prédation de ses ressources. Elle fait de l’impérialisme russe l’inverse de l’expansionnisme nazi : la Russie de Poutine risque de devenir « une place sans peuple » (Raum ohne Volk) 17. Il confirme la véritable catastrophe qu’a été la « perte » de l’Ukraine, et explique pourquoi l’indépendance de cette dernière a été ressentie comme une amputation par la Russie.
Le scénario idéal pour Moscou est donc qu’elle revienne dans le giron russe. Ce qui permettrait un afflux beaucoup plus important de travailleurs slaves, allant vers l’Est plutôt que vers l’Ouest. Comme le dit un expert 18, les Ukrainiens « sont des migrants presque idéaux. En tant que Slaves de l’Est, ils sont considérés comme faciles à intégrer ; ils apportent les compétences nécessaires au marché du travail russe ».
Logique de l’expansionnisme
Est-ce la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique qui inquiète vraiment le Kremlin ? À en croire nombre de théoriciens (et quelques praticiens) des relations internationales, l’élargissement de l’OTAN serait la source du mal. Le « dilemme de sécurité » voudrait que la Russie ait été inévitablement conduite à résister à l’Alliance atlantique, puis à tenter de la repousser.
Cette grille de lecture rend mal compte de la logique dans laquelle cet élargissement s’est opéré. Sur le plan des normes, d’abord, dans la mesure où la Russie a souscrit au « libre choix des alliances » qui s’inscrit dans la Charte de Paris de 1990. Sur le plan politique, ensuite, dans la mesure où l’élargissement a davantage été un processus ad intra qu’ad extra. Sur le plan militaire enfin, avec les engagements unilatéraux pris par l’OTAN de limiter sa présence sur le territoire des nouveaux membres. Cela n’a pas été un jeu à somme nulle, et l’OTAN n’a pas « remplacé le Pacte de Varsovie ».
Poutine a sûrement été révulsé par l’inscription de l’objectif de l’adhésion à l’OTAN dans la constitution ukrainienne en 2019. Et les dirigeants russes craignent peut-être sincèrement que l’Ukraine devienne un jour un « porte-avions occidental stationné juste en face de l’oblast de Rostov » 19. Rappelons qu’à la fin des années 1990, nombre de responsables russes avaient conçu un certain malaise à la publication de l’ouvrage de Zbigniew Brzesinski – qui pourtant ne représentait que lui-même –, y voyant les prémices d’un plan américain pour affaiblir la Russie…
Mais il faut se souvenir que l’ouverture par l’Alliance, en 2008, de la perspective de l’adhésion du pays n’avait pas suscité de réaction excessive de la part de Moscou à l’égard de Kiev. C’est la Géorgie, également concernée par la décision de 2008, qu’il envahit alors… Avec le recul, d’ailleurs, on pourrait parler « d’ambigüité destructrice » : ni adhésion ni rejet, elle ne satisfaisait personne ; et, parce que la Russie comprend le sens de l’Article 5 du traité de Washington, elle ouvrait la voie à une intervention « avant qu’il ne soit trop tard ».
Prétendre en particulier que l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN aurait signifié la perte de Sébastopol, en inférant que l’intervention de 2014 n’aurait donc été que « préventive » – ce que n’hésitent pas à faire d’éminents anciens responsables français – est absurde. Les États-Unis ne disposent-ils pas depuis longtemps d’une base à… Cuba, dont l’Amérique fut l’ennemie jurée ? Et peut-on sérieusement imaginer que l’Ukraine viole tous ses engagements et « reprenne » la base de Sébastopol, au risque d’une guerre avec la Russie – et ce sans être protégée par l’Article 5 de l’OTAN, qui ne jouerait sans doute pas dans une telle hypothèse ?
Adapter les règles de la sécurité européenne au XXIème siècle, pourquoi pas. Un réexamen tous les trente ans n’est pas de trop : maîtrise des armements et mesures de confiance doivent s’adapter au changement de contexte technologique, notamment. Mais peut-on véritablement envisager aujourd’hui quelque nouvel arrangement formel que ce soit avec un État qui a foulé aux pieds toutes les règles existantes ?
Car Poutine se moque des règles. L’opposant Garry Kasparov 20, qui le connaît bien, rappelle qu’il est d’autant plus absurde de le comparer à un joueur d’échecs qu’« aux échecs, nous avons des règles ». Le maître du Kremlin réagit davantage comme un conjoint qui ne supporterait pas que sa femme l’ait quitté : c’est « l’ex toxique » qui veut la ramener à la maison par la violence.
Une violence qui infuse toute la caste dirigeante russe, dominée par les siloviki issus de l’appareil de sécurité. Françoise Thom a théorisé l’importance de l’héritage des gangs et des camps sur la culture sociale russe contemporaine. Le diagnostic est largement partagé par la chercheuse Céline Marangé 21 : « La Russie nous est proche par la richesse extraordinaire de sa culture. Mais sa culture politique, historiquement éloignée de la nôtre, reste marquée par l’expérience répétée d’une violence inouïe ».
Tout indique que le Kremlin entend recréer une zone d’influence privilégiée autour de son territoire, et que s’il n’y parvient pas par l’intimidation, ce sera par la force. Se voulant protecteur de tous les Russes et défenseur du « monde russe » (russkiy mir), il ne plaisante sans doute qu’à moitié lorsqu’il prétend que les frontières de son pays ne sont « nulle part 22 ». Comme le dit Céline Marangé 23, nous n’en sommes plus au temps de la quête de reconnaissance. L’objectif est revanchiste. Il n’est plus de cesser de reculer, il est désormais d’avancer. Poutine n’aurait-il pas « un grand dessein : celui d’étendre les frontières du pays en rassemblant, par différents moyens directs et indirects, des ‘terres russes’ considérées comme ancestrales » ? Les étapes du chemin apparaissent maintenant clairement : l’annexion de la Crimée ; la punition du leadership arménien et l’installation dans le Caucase ; la soumission de la Biélorussie dans le but, probablement, de constituer une véritable « union » des deux pays à la première occasion ; l’intervention au Kazakhstan, qui rappelle les belles heures du Pacte de Varsovie ; et, maintenant, l’Ukraine. Qu’il s’agit a minima d’affaiblir et d’assujettir, a maxima de faire disparaître en tant qu’État nation indépendant.
C’est aussi un projet personnel. Écoutons Dimitri Orechkine 24, politologue et géographe russe indépendant, interviewé par Desk Russie : « Vladimir Poutine est un adepte convaincu de cette tradition socioculturelle (si vous voulez, ‘eurasienne’). Son populisme, son monisme idéologique, son militarisme, son unitarisme, son mépris du droit formel mènent à une soif d’expansion inextinguible. Cette volonté est irrationnelle et contre-productive d’un point de vue européen. Elle est économiquement et socialement inefficace. Qu’importe ! » 25. L’ancienne conseillère de Donald Trump Fiona Hill 26 – l’une des expertes américaines qui connaît le mieux le président russe, renchérit : « c’est une affaire personnelle – son héritage, son image de lui-même, sa vision de l’histoire russe. Poutine se perçoit clairement comme un protagoniste de l’histoire russe, et se place dans les pas des leaders russes du passé qui ont tenté de réunir ce qu’il voit comme des terres russes. L’Ukraine est la pièce manquante, celle qui s’est échappée et qu’il tente de ramener au bercail ».
Or la situation est aujourd’hui idéale du point de vue de Poutine. Il n’existe plus de contre-pouvoirs. L’association Mémorial, gardienne du passé criminel de l’URSS, a été dissoute. Et tout à été fait pour développer au sein de la société russe un patriotisme militaire bien décrit par Isabelle Facon dans ces colonnes. Le contrôle du passé commande celui du futur, et le texte précité de juillet 2021 légitime par avance toute nouvelle action de force contre Kiev. Les réserves de change du pays ont été reconstituées. Joe Biden est préoccupé par l’Asie. Et Pékin a donné les mains libres au Kremlin.
L’identité ukrainienne
Face au projet russe, les Ukrainiens opposent celui de la reconstitution d’une nation et l’établissement, après des siècles de servitude, d’un État pleinement souverain.
Tout récit national peut avoir une part de roman, mais ce n’est que par un tour de passe-passe politico-intellectuel que Moscou peut prétendre être l’héritière présomptive de la Rus’ de Kiev, présentée comme le berceau du pays. Cette dernière constitue la matrice commune des nations slaves orientales : elle n’est pas moins l’ancêtre de l’Ukraine qu’elle n’est celle de la Russie et de la Biélorussie.
L’existence à l’ouest d’une entité distincte de la Moscovie puis de la Russie est pourtant une quasi-constante depuis le XVème siècle, et la naissance du nationalisme ukrainien au XIXème siècle est une construction endogène. Elle aboutit à la déclaration d’indépendance de 1917 – une entité mort-née qui ne résistera pas aux forces révolutionnaires.
Quant à la Crimée, elle n’a pas « toujours été russe ». La péninsule a même été beaucoup plus longtemps turco-mongole que russe, tant du point de vue politique que du point de vue ethnique. Annexée en 1783, elle ne fut russifiée qu’à la fin du XIXème siècle (expulsion de Tatars vers l’empire ottoman) et n’a connu de majorité russe qu’au XXème (confortée par la déportation massive de la minorité tatare par Staline en 1944). Cela n’en fit pourtant pas une excroissance naturelle de la Russie. Légalement ukrainienne depuis 1954 (quoiqu’en dise le Kremlin), son appartenance à l’État nouvellement indépendant ne fut pas contestée par Moscou en 1991. Surtout, 54 % de sa population se déclara pour l’indépendance ukrainienne lors du référendum de 1991. Quant aux Tatars, encouragés au retour en Crimée après l’indépendance, ils font aujourd’hui l’objet de discriminations de la part du pouvoir russe. Quid de l’argument des racines religieuses ? À ce compte-là – et en forçant quelque peu le trait – l’Allemagne pourrait revendiquer la Champagne au motif que s’y tint, en 498, le baptême de Clovis… L’événement mythique de 988 est d’ailleurs « un baptême qui a eu lieu, ou pas lieu, il y a mille ans, sur le territoire d’un comptoir qui était, à l’époque, une sorte de melting-pot de Vikings païens et de Khazars juifs », selon l’amusante description qu’en fait le grand historien Timothy Snyder 27.
Tiraillée depuis des siècles entre la Pologne et la Russie, l’identité nationale moderne de l’Ukraine ne s’est consolidée que progressivement. Après le traumatisme de la Première Guerre mondiale – les Ukrainiens se battant dans des camps opposés – le traité de Versailles divisa le pays et la « première indépendance » fut de courte durée. Le souvenir de la République socialiste d’Ukraine est ambivalent. On est reconnaissant à Moscou d’avoir reconnu l’existence de la République et sa langue, et d’avoir permis l’agrandissement du territoire à l’ouest (la Galicie et la Volhynie en 1939, la Bucovine en 1940, la Ruthénie en 1945) et au sud (l’île aux Serpents en 1948, la Crimée en 1954), avec seulement des pertes mineures de territoires (une partie du Donbass en 1925 et de la Galicie en 1945). La République était centrale dans le projet soviétique. Elle disposait, comme sa sœur biélorusse, d’un statut privilégié : un siège chacun aux Nations-Unies. Khrouchtchev et Brejnev étaient nés en Ukraine, Andropov avait fait sa carrière en Ukraine, Tchernenko était de parents ukrainiens. Cette place privilégiée dans l’Union n’efface pas les souvenirs de la bolchévisation, de l’épouvantable famine de 1932-1933 (le Holodomor), du Goulag et de Tchernobyl.
Une séparation inévitable ?
Le vrai problème pour la Russie n’est pas l’attirance de l’Ukraine pour l’OTAN, qui restait limitée jusque dans les années récentes. C’est surtout l’Europe. Ce ne sont pas des drapeaux américains ou otaniens qui étaient agités sur la place Maidan en 2013, mais des drapeaux européens. Et l’entrée dans l’Union est un objectif lui aussi inscrit dans la Constitution du pays. Bref, c’est l’éloignement vers l’Ouest de l’Ukraine qui angoisse le Kremlin, d’autant plus qu’une Ukraine qui « réussirait » pourrait être un exemple pour la Russie.
Kiev faisait près de 40 % de ses échanges avec la Communauté des États indépendants il y a dix ans, mais seulement 10 % en 2020. L’émigration de travail se dirige désormais plutôt vers les pays de l’Union européenne comme la Pologne. Le temps a fait son effet : 30 % de la population n’a pas connu l’Union soviétique. Et la politique russe des dix dernières années a renforcé l’identité nationale. Elle a été contreproductive pour le Kremlin. Les partis « prorusses » ne représentent plus qu’un cinquième de l’électorat et l’opinion est désormais majoritairement favorable à l’adhésion aux institutions occidentales. Seules 41 % des personnes interrogées 28 estiment que « les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple qui appartient au même espace historique et spirituel ». Le président Poutine a beau exalter ces « liens spirituels », l’Église orthodoxe ukrainienne a pris son indépendance en 2018, le tomos d’autocéphalie ayant été accordé en 2019 par le patriarche œcuménique de Constantinople.
Zbigniew Brzezinski prédisait en 2014 que « si Poutine prend la Crimée, il perdra l’Ukraine » 29. Il semble qu’il avait raison. La séparation 30 entre Moscou et Kiev semble désormais inévitable.
Et maintenant ?
C’est donc sans doute, du point de vue de Vladimir Poutine, une sorte de « dernière chance » pour la Russie de remettre la main sur l’Ukraine. Mais elle n’y parviendra probablement pas.
Quant aux scénarios alternatifs décrits ici ou là par les commentateurs, ils sont peu convaincants.
Un « partage » du pays, même par la force, n’aurait aucune logique. Son histoire tourmentée rend artificielle une prétendue division entre un Ouest « ukrainien » et un Est « russe », que ce soit du point de vue national ou linguistique. Le recensement de 2001 avait établi qu’environ 30 % des citoyens du pays (Russes mais aussi Ukrainiens) avaient le russe comme langue maternelle. Il existe d’ailleurs une langue vernaculaire, le sourjyk, qui emprunte aux deux. Les Russes sont présents en Crimée et dans l’extrême est. Dans le sud-est et le sud-ouest, on parle russe. Au milieu, tout se mélange. L’Ukraine n’est pas la Belgique. À Odessa, on parle presque autant ukrainien que russe, les habitants sont bilingues et les populations se mêlent sans considération de leurs origines – l’Ukraine n’est pas non plus la Bosnie. Et la carte politique ne recouvre que très imparfaitement ces divisions approximatives.
Qu’en est-il de la « finlandisation » ? Pour régler le problème ukrainien, il faudrait selon certains « neutraliser » celle-ci : elle n’appartiendrait ainsi ni à l’OTAN, ni à une « sphère d’influence » russe. Une vision populaire en Russie 31, où l’on rêve de « revenir à une ‘division douce’ de l’Europe. (..) une ligne claire entre votre sphère de sécurité et notre sphère de sécurité, avec une zone tampon possible que devrait constituer l’Ukraine, voilà ce que la Russie voudrait obtenir idéalement ». Une telle neutralisation pose trois problèmes. D’abord, une promesse a été faite à Kiev en 2008 par l’OTAN : elle pourra, le jour venu et si elle le souhaite, rejoindre l’Alliance atlantique. Renoncer à cet engagement serait une immense victoire politique pour le Kremlin. Ensuite, s’imaginer que cela « règlerait le problème » revient à se bercer d’illusions. Pense-t-on qu’après une telle victoire, Poutine se tiendrait tranquille ? C’est mal connaître la manière dont raisonnent les autocrates face aux faiblesses occidentales. Enfin, menu détail : les Ukrainiens n’ont peut-être pas envie d’être neutralisés. En 2020, cette neutralité faisait encore recette dans l’opinion, et l’entrée dans l’OTAN ne recueillait que quelques 40 % des suffrages. Mais, depuis 2021, une nette majorité – entre 54 et 64 % selon les enquêtes – se dessine en faveur d’une appartenance à l’Alliance atlantique. Ceux qui invoquent l’exemple du « non-alignement » de la Finlande au temps de la Guerre froide oublient souvent qu’il s’agissait d’un choix souverain. La neutralité de l’Autriche, elle, avait effectivement été imposée en 1955 par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : rien de commun avec la situation de l’Ukraine aujourd’hui. Et faut-il rappeler que Moscou s’est engagée, par deux fois – en 1975 et en 1990 – à ce que chaque pays européen soit libre d’appartenir à une alliance militaire ? Rien n’oblige l’Alliance atlantique à intégrer l’Ukraine aujourd’hui. Une telle décision n’est d’ailleurs absolument pas à l’ordre du jour. Outre qu’il serait difficile pour elle d’accepter en son sein un pays dont 7 % du territoire est occupé, il n’y aucun consensus au sein du Conseil de l’Atlantique nord pour une telle décision – ce que le Kremlin sait très bien. Mais ce n’est pas une raison pour revenir sur la promesse faite à Kiev en 2008.
Quant à l’entrée dans l’Union européenne, c’est évidemment une perspective très lointaine, mais c’est à tout prendre un scénario plus réaliste pour le long terme. Personne n’idéalise l’Ukraine d’aujourd’hui. Minée par la corruption, elle est loin d’être une démocratie idéale : dans les barèmes internationaux, elle se situe quelque part entre la Hongrie et de la Serbie. En revanche, l’occupation du territoire ne devrait pas y faire obstacle : le précédent chypriote a en effet levé un tabou.
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Cent ans exactement après la naissance de l’Union soviétique, le viol de l’Ukraine est aussi une forme de catharsis pour un pouvoir russe qui s’estime en position de se venger contre les succès de l’Occident. Le syndicat mafieux qui gouverne la Russie aujourd’hui, et qui confond volontiers ses intérêts personnels, y compris économiques, avec ceux du pays 32, pense être suffisamment protégé pour ne pas y perdre. Maître tacticien mais piètre stratège, Vladimir Poutine affaiblira sans doute l’Ukraine et fera mal à l’Europe, via le prix du gaz ou les flots de réfugiés.
Il ratera son pari : il est fort peu probable à échéance prévisible que l’Ukraine retourne dans le giron russe, que ce soit par la force ou par le droit. Si l’on devait faire une analogie avec la Chine, son destin est sans doute d’être davantage Taiwan que le Tibet. L’Ukraine se détachera encore un peu plus de la Russie.
Comment expliquer le caractère presque systématiquement contre-productif des initiatives de Moscou, qui ne cesse de se tirer des balles dans le pied ? Au-delà du mode de fonctionnement de Poutine, peut-être que la Russie ne sait plus procéder autrement. Vladislav Sourkov 33, un familier du Kremlin, expliquait il y a quelques mois que « l’État russe, avec son intérieur rude et rigide, n’a survécu que par une expansion infatigable au-delà de ses frontières. Il ne sait plus, depuis longtemps, comment survivre autrement ».
Au risque, comme le prévoyait déjà Vladislav Sourkov 34 en 2018, de se préparer « cent ans, ou plus, de solitude ».
Poutine a surpris bien des observateurs occidentaux en consacrant la majeure partie de son allocution du 21 février 2022 à l’histoire de l’Ukraine et à celle de ses relations avec la Russie. Mais c’est leur surprise qui est surprenante. Comprendre la vision du passé – un passé souvent réécrit et mythifié – entretenue par les dirigeants autoritaires est en effet indispensable pour interpréter la stratégie des nouveaux impérialismes. Le projet européen est fondé sur le dépassement des nationalismes, mais l’Europe ne pourra affirmer sa puissance que si elle comprend à quel point ce que nous avions appelé la « revanche de l’histoire » 35 est une clé de lecture des rapports de forces contemporains.
Sources
- Conor O’Clery, Moscow, December 25, 1991. The Last Day of the Soviet Union, Public Affairs, 2011, 352p.
- NBC News, Putin : Soviet collapse a ‘genuine tragedy’, 25 avril 2005
- Kremlin, Discours du Président de la Fédération de Russie, 18 mars 2014
- Kremlin, Discours présidentiel à l’Assemblée fédérale, 4 décembre 2014
- Benoît Vitkine, Bons baisers de Crimée : voyage dans la région vitrine de Vladimir Poutine, Le Monde, 6 août 2021
- Kremlin, Article de Vladimir Poutine » Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », 12 juillet 2021
- Tim Marshall, Prisoners of Geography. Ten Maps That Explain Everything About the World, Scribner, 2016, 320p.
- Serhii Plokhy, The Origins of the Slavic Nations. Premodern Identities in Russia, Ukraine, and Belarus, Cambridge University Press, 2006, 400p.
- Serhii Plokhy, op. cit.
- Boris Nemtsov, Le Rapport Nemtsov, Solin/Acte Sud, 2016, p. 32.
- White House, Memorandum of telephone conversation, 30 novembre 1991
- Mackensie Knorr, Why Did Russia Let the Republics Go ? Revisiting the Fall of the USSR, Wilson Center, 29 avril 2013
- The Moscow Times, Russia Will Be One-Third Muslim in 15 Years, Chief Mufti Predicts, 5 mars 2019
- Ali Cura, ‘Muslims to make up 30 % of Russia’s population by 2034’, AA, 5 mars 2019
- The Moscow Times, Kremlin Seeks Russian-Speaking Migrants to Offset Population Decline, 14 mars 2019
- Voices on Central Asia, Central Asian Migration to Russia : Legalization in 2020, 18 février 2021
- Walter Laqueur, Putinism. Russia and its Future with the West, Dunne Books, New York, 2015, p. 213
- Fabian Burkhardt, Russia’s “Passportisation” of the Donbas, SWP, 3 août 2020
- Eugene Rumer et Andrew S. Weiss, Ukraine : Putin’s Unfinished Business, Carnegie Endowment for International Peace, 12 novembre 2021
- Tal Kopan, Chess master : Putin makes own rules, Politico, 3 mars 2014
- Céline Marangé, Un désir de grande Russie ? Réflexions sur la grande stratégie russe, Le Rubicon, 10 février 2022
- Damien Sharkov, Putin Claims Russia’s Borders ‘End Nowhere’ At Geography Event, Newsweek, 24 novembre 2016
- Céline Marangé, Ibid
- Alla Chevelkina, Dmitri Orechkine : « Poutine n’a pas l’intention de se battre pour un redécoupage du monde. Mais il veut extorquer autant que possible », Desk Russie, 11 février 2022
- Alla Chevelkina, Ibid.
- Blake Hounshell et Leah Askarinam, Explaining Putin’s Decades-Long Obsession With Ukraine, The New York Times, 18 février 2022
- Timothy Snyder, When Stalin was Hitler’s ally, Eurozine, 8 mai 2015
- Rating Group, Общественно-политические настроения населения (23-25 июля 2021), 27 juillet 2021
- Laure Mandeville, Brzezinski : « Si Poutine prend la Crimée, il perdra l’Ukraine », Le Figaro, 10 mars 2014
- Taras Kuzio, Five reasons why Ukraine rejected Vladimir Putin’s “Russian World”, Atlantic Council, 26 mars 2021
- Laure Mandeville, « Pourquoi la Russie rêve de prendre d’assaut l’ordre européen », Le Figaro, 17 février 2022
- The Economist, Alexander Gabuev writes from Moscow on why Vladimir Putin and his entourage want war, 19 février 2022
- The Economist, Why Russia has never accepted Ukrainian independence, 18 décembre 2021
- RFE/RL, Russia Faces ‘100 Years Of Solitude’ (Or More), Putin Aide Says, 10 avril 2018
- Bruno Tertrais, La Revanche de l’histoire. Comment le passé change le monde, Odile Jacob, 2017.