• Le 6 avril, des négociations ont repris à Vienne entre les États partis du JCPOA (sans les États-Unis donc), tandis qu’une délégation américaine, menée par Robert Malley, émissaire spécial pour l’Iran, se réunissait dans un autre hôtel viennois. Les discussions ont été considérées comme constructives à la fois par les négociateurs iraniens, et par Enrique Mora, du SEAE, chargé de la coordination de la rencontre. Deux groupes de travail ont été mis en place : l’un sur la levée des sanctions américaine, l’autre, sur le retour de l’Iran à ses engagements au titre du JCPOA. 
  • Cependant, le 11 avril, le site d’enrichissement d’uranium de Natanz a été l’objet d’une cyberattaque ou d’un acte de sabotage qui aurait  provoqué une importante panne électrique. Les autorités iraniennes ont accusé le Mossad d’être responsable de cette attaque. Cette attaque rappelle la cyberattaque de grande ampleur menée par les États-Unis et Israël en 2010, avec le virus Stuxnet, qui avait conduit à la destruction d’un millier de centrifugeuses iraniennes, mais aussi l’assassinat de Mohsen Fakrizadeh, figure centrale du programme nucléaire iranien, le 27 novembre dernier. Les États-Unis ont cependant nié toute implication dans l’attaque sur le site de Natanz. 
  • Dans la foulée, l’ambassadeur iranien auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Kazem Gharibabadi, a annoncé le 13 avril que l’Iran pourrait commencer à enrichir de l’uranium à 60 % à partir de la semaine prochaine. Si le passage d’un enrichissement de 3,67 % (la limite du JCPOA) à 20 % est beaucoup plus difficile et coûteux que le passage d’un enrichissement de 20 % à 60 %, ce taux d’enrichissement ne peut être interprété que comme une menace implicite de fabrication d’uranium de qualité militaire. En effet, la justification avancée par Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l’agence nucléaire iranienne, que ce taux d’enrichissement à pour but de fabriquer une “variété de produits radiopharmaceutiques”, est difficile à prendre au sérieux.
  • Le même 13 avril, Wendy Sherman, figure centrale des négociations qui ont conduit au JCPOA en tant que Undersecretaty of State (directrice politique) de 2010 à 2016, a été confirmée au poste de Deputy Secretaty of State. Son attachement à la diplomatie, sa connaissance du dossier, et la reconnaissance de son grand professionnalisme contribueront probablement à convaincre les voix qui, aux États-Unis, s’opposent à l’accord. 
  • En parallèle, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, s’est rendu à Téhéran où il a rencontré Hassan Rouhani et Javad Zarif. Il y a réitéré la position russe, consistant à demander aux États-Unis de retourner dans l’accord, et à rappeler que les Iraniens s’étaient dit prêts, dans ce cas de figure, à retourner immédiatement à leurs engagements1
  • Le 14 avril, l’Union européenne a ajouté huit Iraniens à la liste des individus sanctionnés au nom des violations des droits de l’homme dans le cadre de la répression de novembre 2019, dont le commandant en chef des Gardiens de la Révolution, Hossein Salami. Aucun individu iranien n’avait été ajouté sur la liste des sanctions européennes depuis 2013. 
  • Les négociations entre les États partis au JCPOA reprendront ce jeudi, à Vienne.

Quelques réflexions et perspectives s’imposent à ce stade : 

  • Tout d’abord, Israël semble prête à faire jouer un rapport de force favorable vis-à-vis de l’Iran pour obtenir des concessions plus importantes. En effet, Israël, vainqueur international de la course au vaccin, en voie de rapprochement diplomatique avec les Émirats arabes unis, alliée de la Turquie pour le soutien à l’Azerbaïdjan dans la guerre dans le Haut-Karabagh, fait face à un Iran encore en pleine pandémie, sans vaccins, épuisé par les sanctions, et relativement isolé diplomatiquement. Par ailleurs, la volonté affichée des États-Unis de se retirer du Moyen-Orient laisse logiquement plus de place et de marge de manœuvre à leurs alliés stratégiques de la région.
  • Ensuite, l’avenir des négociations dépendra également des élections présidentielles iraniennes, en juin de cette année, qui exprimeront l’état des rapports de force entre les différentes factions politiques iraniennes. La poursuite de la pandémie a considérablement retardé le début de la campagne, qui n’a pas encore véritablement commencé.
  • Enfin, il semble de plus en plus difficile, comme l’avaient fait les négociateurs pour parvenir au JCPOA, de séparer les différentes dimensions de la relation entre les pays occidentaux et l’Iran, que sont le nucléaire, le ballistique, les questions régionales, et celles des droits de l’homme. En effet, Israël impose sa participation de fait par les actions spectaculaires des derniers mois et jours à l’encontre du programme nucléaire iranien, et la question du respect des droits de l’homme suscite de nouvelles tensions après l’annonce des nouvelles sanctions européennes. 
Sources
  1. Retranscription de la conférence de presse de Sergueï Lavrov : https://www.mid.ru/en/foreign_policy/news/-/asset_publisher/cKNonkJE02Bw/content/id/4682255