Quel est votre bilan des résultats des votations du 20 octobre ?

La Suisse est connue pour sa stabilité. Les dernières élections au Parlement ont toutefois été marquées par des changements dont l’ampleur est plutôt inhabituelle dans notre pays. Le nouveau Parlement sera plus féminin, plus jeune et plus écologiste que le précédent. De nouveaux blocs pourraient se former et de nouvelles possibilités s’ouvrir. Les quatre prochaines années promettent d’être passionnantes.

Y a-t-il une recomposition politique en Suisse semblable à celle des autres pays européens avec une rupture des équilibres des partis historiques, l’avènement de nouvelles forces, etc. ?

Je ne parlerais pas de rupture ni de l’avènement de nouvelles forces. Les électrices et électeurs ont manifesté leurs préoccupations actuelles – le climat et l’environnement, l’inégalité entre femmes et hommes –, préoccupations qui se reflètent dans le nouvel équilibre des forces politiques. La politique suisse ne vit pas de révolution mais elle est en évolution permanente.

Y a-t-il un style populiste suisse ?

Certaines caractéristiques du populisme – hostilité envers les élites, anti-pluralisme, démagogie – se retrouvent aussi dans certains discours. En Suisse, l’avènement du populisme comme expression d’un mécontentement populaire y est pourtant moins marqué car les citoyennes et citoyens ont l’occasion d’exprimer régulièrement leur opinion. Quatre fois par année, ils sont conviés aux urnes pour se prononcer sur des sujets très divers et parfois sensibles : de la prévoyance vieillesse aux réformes fiscales en passant par le nombre de semaines de vacances. Ces votations régulières stimulent le débat et font office de soupape. Nous avons en outre une culture du compromis très développée qui nous oblige à être constructifs et à trouver des solutions.

La politique suisse ne vit pas de révolution mais elle est en évolution permanente.

Alain Berset

Comment expliquez-vous la présence de deux partis verts opposés en Suisse ?

Le mouvement écologique s’est scindé en raison de divergences sur certaines questions socio-politiques et économiques. Les deux partis s’engagent pour la défense de l’environnement, mais ils ont des positions différentes sur la manière de le faire. Leurs avis divergent également sur d’autres thèmes comme le rôle de l’État ou une politique économique plus ou moins libérale.

Quelle est votre lecture du positionnement suisse par rapport à l’Union aujourd’hui ? Voyez-vous la possibilité d’un nouveau référendum dans un futur plus ou moins proche ?

La Suisse est au cœur de l’Europe et l’Union Européenne est son partenaire le plus important en termes économiques mais aussi culturels. Nous exportons 52 % et importons 70 % de nos marchandises et services des pays de l’UE. Il est essentiel pour nous d’avoir de bonnes relations avec l’UE et de développer les liens actuels. Dès qu’un nouvel accord institutionnel aura été trouvé, le peuple suisse aura l’occasion de se prononcer en votation.

En étant à la tête du pays aux quatre langues officielles, où chaque canton détermine sa langue d’usage et dispose d’une large autonomie politique, que pensez-vous de la crise catalane qui a repris un certain élan ces derniers jours ?

En Suisse, nous avons un système – le fédéralisme – qui laisse une large autonomie aux cantons – vos départements – dans plusieurs domaines comme l’éducation, la santé ou la police. Nous avons régulièrement des discussions sur le niveau d’autonomie qu’il faut laisser aux cantons. Mais grâce à cette culture du compromis, qui est en quelque sorte notre « marque de fabrique », nous avons jusqu’à maintenant toujours trouvé des solutions consensuelles.

Quelle est votre lecture du Brexit et du rôle d’un référendum sur une question aussi importante dans un système parlementaire ?

Lors d’une votation, il est essentiel de formuler correctement la question. Il faut également être clair sur la manière dont la décision sera mise en œuvre. Les citoyennes et citoyens doivent pouvoir voter en toute connaissance de cause et être informés des conséquences de leurs choix. Dans le cas du Brexit, je reste confiant : les différents acteurs finiront par trouver une solution.