Bangui. Le 12 septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a revu son régime de sanctions contre la République centrafricaine. Avec la résolution 2488 de 2019, portée par la France, le Conseil de sécurité a voulu envoyer un message clair de soutien international au processus de reconstruction de l’État à Bangui, après la signature de l’accord de paix du 6 février 20191. Le point central est l’assouplissement de l’embargo sur les armes (des ALPC aux gilets pare-balles)2. Au-delà du soutien de la communauté internationale, il semble y avoir un message clair de ces pays, la France en tête, qui regardent Bangui avec méfiance, en raison des liens forts que Vladimir Poutine et Faustin-Archange Touadera, le président centrafricain, ont établi ces dernières années sur le dossier des armes et de la formation des Forces armées centrafricaines (FACA)3.

À la veille de l’Assemblée générale des Nations unies, l’assouplissement de l’embargo sur les armes est certainement la mesure la plus méritoire. Le régime d’embargo a été défini en 2013, immédiatement après le déclenchement de la guerre civile entre les forces de la Seleka, principalement musulmanes et partisans de Michel Djotodia, ancien chef de l’État, et les anti-Balaka, partisans de François Bozize. Le conflit centrafricain a connu depuis de nombreuses étapes, mais on peut identifier deux moments principaux : l’élection de Faustin Archange Touadera à la présidence du pays, qui a fait exploser de facto le bipolarisme sur le terrain, encourageant des phénomènes de privatisation de la violence, et l’accord de paix signé en février avec 14 groupes paramilitaires. C’est dans ce dernier contexte que s’inscrit la résolution 2488 (2019) : le document, rédigé par la France, est un soutien ouvert à la feuille de route de l’accord, invitant toutefois les parties à mettre en œuvre les réformes institutionnelles et organisationnelles appropriées en matière de cooptation et d’inclusion des miliciens (projets très volatils et difficiles à mettre en œuvre)4.

L’ambassadeur ivoirien auprès de l’ONU, Kacou Adom, a défini deux thèmes principaux dans l’action de l’ONU en Afrique centrale : l’intégrité territoriale et l’organisation d’un processus électoral crédible pour les deux années 2020-2021. Adom soutient également la nécessité d’un soutien par le biais du système de sanctions, toujours en vigueur jusqu’en janvier 2020. Tous les membres du Conseil, y compris le nouvel ambassadeur des États-Unis, Kelly Craft, conviennent que le commerce des armes est le principal problème du processus de stabilisation à Bangui. La résolution du Conseil a deux objectifs : régulariser et promouvoir la traçabilité des armes légères sur le territoire et, de même, affaiblir le phénomène de privatisation de la violence et de formation des forces armées nationales. Dans ce contexte, le débat se déplace sur l’axe Paris-Moscou5.

Le texte de la résolution fait explicitement référence aux « fournitures destinées exclusivement à l’appui de la MINUSCA et aux missions de formation de l’Union européenne déployées en République centrafricaine, aux forces françaises […] et aux forces d’autres États membres qui assurent une formation ou prêtent assistance »6. Outre la nature non létale de ces fournitures (répétée ailleurs dans la résolution), il est important de noter que la Russie est fortement impliquée dans l’envoi de contingents de mercenaires pour garder les centres de population et de formateurs des FACA (Forces armées centrafricaines). Moscou tente de pénétrer en Afrique subsaharienne en comblant également les lacunes qui subsistent sur le marché des armes, encore très peu développé dans la région, surtout par rapport à l’Afrique du Nord. Le déclin de l’Ukraine en tant qu’exportateur d’armes vers le continent africain a favorisé l’entrée de Moscou dans le scénario de guerre en Afrique centrale. Paris, cependant, veut définir sa propre ligne dans un pilier de la Françafrique. Ce n’est pas un hasard si la résolution souligne la possibilité pour le Soudan et le Tchad de pouvoir exporter du matériel de guerre, mais seulement pour les opérations de patrouille de la MINUSCA. La France souhaite cependant dicter la ligne de la politique en matière d’armement menée en République centrafricaine.

Perspectives :

  • L’Union n’a pas encore pris position à ce sujet, mais il est fort probable qu’elle suivra la ligne des Nations unies, comme elle l’a fait dans le passé.
  • L’assouplissement de l’embargo sur le matériel en provenance du Tchad renforce une politique de sécurité déjà fortement influencée par Paris. N’Djamena a déjà fait preuve d’un équilibre dans la circulation des armes au Sud-Soudan et en Libye. Des doutes subsistent sur le Soudan : la crise politique actuelle ne facilite pas une diplomatie claire sur un dossier aussi important que l’exportation d’armes. Quant au Sud-Soudan, Khartoum a péché sur de lourdes ambiguïtés de fonds (soutien des institutions nationales aux phénomènes de recyclage et de « réexportation » des armes, origine diversifiée des armes utilisées – Turquie, Israël, Algérie, pays européens).
  • 23-26 septembre 2019 : Assemblée générale des Nations unies à New York
  • 31 janvier 2020 : Fin de l’embargo et régime de sanctions. Avec la résolution 2488 (2019), les sanctions déjà imposées restent valables. En ce qui concerne l’embargo, les concessions ne concernent pas l’artillerie lourde (le calibre des munitions est limité à 14,5 mm).
Sources
  1. UnSC Resolution 2488(2019), 12 September 2019.
  2. LESTER M., UNSC renews sanctions against Central African Republic, EU Sanctions-Law, Practice and Guidance, 17th September 2019.
  3. ROSA Alessandro, Un Accord de Paix conclu en Republique Centrafricaine mais les incertudes demeurent, Le Grand Continent, 10 Fevrier 2019.
  4. UnSC Resolution 2488(2019), 12 September 2019.
  5. LEDERER E. M., UN votes to ease arms embargo on Central African Republic, AP News.org, 13th September 2019.
  6. ]UnSC Resolution 2488(2019), 12 September 2019.