Maputo. Le 15 octobre se tiendront au Mozambique les élections générales pour décider du prochain président et de la composition de l’Assemblée nationale, les premières après l’accord de paix signé entre le FRELIMO et la RENAMO en février 2019. Les élections représentent donc un moment fondamental pour comprendre l’état du Mozambique et pour définir les relations de pouvoir entre les deux principales parties en lice1. La communauté régionale observe avec un mélange d’inquiétude et de confiance la situation au Mozambique, et tout ce qui pourrait confirmer ou saper le processus de stabilisation défini par les accords de paix. Cependant, la confiance de nombreux analystes s’accompagne d’un pessimisme croissant, fondé sur les événements qui ont eu lieu lors de la préparation des bureaux de vote et de l’organisation de la consultation : parmi les différents événements d’actualité, on notera le meurtre d’un observateur électoral2. Les élections dans le pays semblent donc se dérouler dans un climat très tendu, avec un résultat en apparence sans surprise.

Le Parlement mozambicain est une chambre unique, composée de 250 membres. Depuis l’indépendance et les premières élections en 1977, les structures du pouvoir et la composition des circonscriptions ont changé. La dernière loi électorale, de 1993, a instauré un système purement proportionnel, tandis que le dernier amendement de 2010 a conduit à la décomposition de certaines circonscriptions, pour permettre une représentation territoriale plus variée, auparavant concentrée principalement dans le sud du pays, et partisane3. Il y a actuellement 11 circonscriptions, autant qu’il y a de provinces dans le pays (10 plus la ville de Maputo). L’Assemblée nationale est composée de neuf commissions législatives.

Déjà avec les élections de 2009 un tripolarisme inhabituel pour la politique mozambicaine s’était imposé, qui a vu le bipolarisme classique, né de la guerre civile, s’effondrer. En plus du FRELIMO et du RENAMO, on retrouve désormais un acteur politique, le Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), composé d’exilés du RENAMO. Dirigé par Daviz Simango, il fait partie du programme préliminaire du RENAMO, en concurrence avec lui pour les bassins électoraux historiques (les zones nord et centre du pays). Un quatrième parti, AMUSI de Mario Albino, n’a lui aucune prétention de gouvernement ou de victoire, étant un petit parti basé sur les zones frontalières de la Tanzanie4.

Une situation avantageuse pour le FRELIMO de Filipe Nyusi, qui s’achemine vers une confirmation dans la course au poste de chef de l’État, malgré un consensus en net déclin, étant donné la fragmentation et la concurrence interne ainsi que les divergences de positions des partis d’opposition (qui, après le décès d’Afonso Dhlakama, chef historique du RENAMO, ne parviennent toujours pas à trouver une entente de base). La campagne électorale, qui a débuté en août, a été marquée par une série de dossiers clés : la normalisation des relations entre les forces armées nationales et ceux qui avaient fui les milices (avec l’amnistie de ces derniers), les investissements infrastructurels pour le sud (notamment pour les grands pôles maritimes), la relance du secteur primaire dans les zones et intérieures et la réforme de la planification financière exigée à plusieurs occasions par le Fonds monétaire international5. La tragédie du cyclone Idai a favorisé un minimum de compacité nationale, mais dans la ville de Beira, l’aide venant de l’étranger, favorisée également par la visite du pape François, n’a en fait pas amélioré la gestion de la crise humanitaire actuelle.

Le Mozambique se rapproche de ces élections conscient du rôle de la consultation dans l’histoire du pays, mais aussi du risque latent de reprise de la violence. Il y a quelques jours, Human Rights Watch a dénoncé le meurtre d’un observateur électoral, dont les auteurs présumés feraient partie d’une patrouille de police. La police nationale a minimisé les faits, affirmant qu’il s’agissait d’un contrôle de routine ayant dégénéré en une fusillade. Indépendamment de cela, Filipe Nyusi est conscient de la phase que traverse son pays, cruciale d’un point de vue sécuritaire, étant donné la présence de foyers islamistes dans le nord, et qui risque d’avoir de fortes répercussions électorales (Nyusi, quand il a été élu en 2014, était considéré comme un « sauveur du pays »). Pour Nyusi, son leadership est le carrefour de la mise en œuvre de l’accord de paix de février 2019, dont les fondements pourraient être sapés par un résultat négatif.

Perspectives :

  • Une autre préoccupation concerne le risque d’attaques xénophobes, suivant une tendance observée dans certaines régions des pays voisins (l’Afrique du Sud en tête). Dans un pays aussi divers que le Mozambique, la présence de minorités est une variable politique qu’il ne faut pas sous-estimer.
  • L’exclusion de deux candidats de la course, en raison de vices de forme, ne devrait pas affecter radicalement le consensus électoral du FRELIMO, ni conduire à l’abstentionnisme.
  • Les premières projections devraient être publiées le week-end prochain.
Sources
  1. MACHAVA Benedito, Mozambique’s tense elections : How we got here, Africanarguments, 7 octobre 2019.
  2. Mozambique police linked to killing of Electoral Observer, Human Rights Watch, 9 octobre 2019.
  3. Historico Assembleia da Republica, Parlamento do Moçambique, parlamento.mz.
  4. Who are the presidential candidates in Mozambique’s October elections ?, GlobalVoices, 13 aout 2019.
  5. MACHAVA Benedito, Mozambique’s tense elections : How we got here, Africanarguments, 7 octobre 2019.