Ouagadougou. Le 15 octobre, le 32e anniversaire de la mort de Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à 1987, a été célébré. La figure de Sankara fait depuis longtemps l’objet de débats et compte parmi les plus aimées, même par les plus jeunes populations locales qui ont grandi avec le mythe. La nouvelle forme de socialisme africain proposée par Sankara a été une inspiration pour une lutte continentale contre le néocolonialisme, en particulier le socialisme financier1. La situation actuelle a été profondément marquée par son successeur, Blaise Compaoré, et a laissé au président actuel, Kaboré, un État dont la fragilité en termes de sécurité et de défense est évidente. Récemment marquée par un énième attentat terroriste dans le nord, Ouagadougou est revenue sur le devant de la scène en raison d’une profonde faiblesse qui pourrait, après le Mali et le Niger, ouvrir un nouveau front chaud dans le Sahel occidental, malgré le soutien du G5 Sahel2.

La mort de Sankara est encore aujourd’hui au centre de spéculations et d’hypothèses sur l’instigateur de l’attentat et les motivations politiques qui ont conduit au coup d’État sanglant de 1987. Le successeur de Sankara, Compaoré, a été beaucoup critiqué pour ne pas avoir poursuivi les réformes sociales, économiques et administratives menées par son prédécesseur, nourrissant un régime clientéliste, à l’abri de la vague de réformes démocratiques mises en œuvre dans les pays voisins (Bénin et Ghana surtout) au début des années 903. Une ouverture multipartite progressive a été mise en œuvre avec les élections de 2005, mais sans changements substantiels. Blaise Compaoré, exemple typique d’un autocrate, a mis fin à sa présidence à cause de troubles populaires en 2015, ouvrant une saison d’espoirs et d’inconnues. Les gouvernements provisoires de Kafando et de Zida ont été caractérisés par des troubles au sein de l’armée (avec une tentative de coup d’État en 2015 par le général Gilbert Dienderé), conduisant à une présidence, celle de Roch Christian Kaboré, rendue encore plus fragile par un contexte régional de forte crise, notamment sur le front nord, caractérisé par des attaques islamistes4.

Kaboré, considéré par beaucoup comme l’homme de la renaissance, a tenté d’engager un dialogue national sur le modèle de la pacification en Côte d’Ivoire (un pays auquel le Burkina Faso est très attaché), mais l’attentat terroriste de Ouagadougou en janvier 2016 (qui a fait 30 morts) a montré au monde la fragilité du nouveau régime, entravé par les factions paramilitaires qui tendent à saper la gouvernance locale (comme ce fut le cas dans d’autres pays avec l’attentat contre l’hôtel Radisson à Bamako au Mali et Grand Bassam en Côte-d’Ivoire). D’où la nécessité de définir un cadre commun avec ses voisins, le G5 Sahel, dont l’adhésion a toutefois accentué les fragilités burkinabè, plutôt que de renforcer la structure militaire.

Le G5 Sahel est le fondement de cette initiative militaire qui voit son centre au Tchad, avec le soutien indispensable de la France. Dans ce contexte, le Burkina Faso est très marginal, pénalisé par le manque d’importance géopolitique qui a toujours caractérisé le pays dans la région (l’ancien nom « Haute Volta » indiquait une dépendance des relations avec les pays du Sud, car ils ont un débouché sur la mer). Le fort lien démographique et diplomatique des zones méridionales a profondément marqué l’histoire récente du pays : les différends avec le Mali et les communautés locales des zones septentrionales ont englouti les phénomènes de réseaux de clans transnationaux qui ont conduit à la délimitation des noyaux islamiques, principaux auteurs des attaques des derniers mois (notamment sur les mosquées et les lieux de culte musulmans). Les problèmes frontaliers avec le Mali voisin, actuellement cristallisés, ont été la seule cause de friction dans l’histoire du pays (qui n’a jamais connu de guerre ou de conflit). Aujourd’hui s’ajoute cependant un flux de réfugiés et de personnes déplacées inédit, avec un besoin élevé d’aide humanitaire (environ 1,5 million de personnes, selon les estimations des Nations Unies 5

Pour le Burkina Faso, il devient donc essentiel de différencier les canaux de soutien et d’appui militaire et logistique : sur le modèle du G5 Sahel, le pays a promu des projets incluant les pays de la CEDEAO (Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest), déjà à l’avant-garde des projets de consolidation de la paix et de construction de l’État dans certaines zones de crise (Côte d’Ivoire, Liberia)6. L’élargissement du nombre de pays dans la lutte contre les noyaux islamiques (dont le plus important est AQMI) pourrait conduire à une plus grande différenciation du soutien aux forces burkinabè, mais risque de rendre le contexte strictement sahélien encore plus marginal, conduisant à une position centrale dans le bassin du lac Tchad, pivot des crises géopolitiques dans la région.

Perspectives :

  • Dans le cadre de l’appui aux pays du Sahel dans le domaine des flux migratoires, l’Italie a renforcé ses relations avec le Burkina Faso, collaborant récemment au renforcement des structures de l’administration publique et de l’état civil de la capitale, Ouagadougou.
  • L’importance géopolitique croissante du Burkina Faso pour les flux pourrait cependant être beaucoup plus limitée qu’au Niger, en raison de la situation historique du pays, résultat du processus administratif du colonialisme français, qui considérait la Haute Volta comme une région subordonnée aux besoins des autres colonies d’Afrique occidentale française.