Washington/Mexico. Le vendredi 31 mai, Donald Trump a envisagé la mise en place de nouveaux droits de douane à partir du 10 juin avec le Mexique1. Ils se monteraient à au moins 5 %, et même éventuellement 25 %, de la valeur des biens importés si des mesures immédiates afin de stopper les flux de demandeurs d’asile à travers la frontière américano-mexicaine n’étaient pas prises le plus tôt possible.

L’utilisation de la menace douanière est un instrument inédit dans la lutte contre les flux migratoirs. En l’utilisant, Donald Trump fait plaisir à un électorat qui commençait à perdre confiance après l’échec de la construction du mur à la frontière.

Mettre cette menace à exécution suppose cependant que Donald Trump, afin de ne pas passer par le processus législatif, déclare l’état d’urgence et invoque que la situation à la frontière mexicaine menace la sécurité nationale. Cela pose plusieurs problèmes légaux qui risquent d’être des obstacles sérieux2. Cette dernière innovation Trumpienne semble être la conséquence directe de l’escalade commerciale avec la Chine et de son succès perçu (sous quel critère ?) par le président américain.

Mais malgré son caractère inédit, l’arme commerciale n’est pas forcément le meilleur outil ici. On ne coupe pas un poulet avec un fourchette et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, qu’attend exactement Trump du gouvernement Mexicain ? Si l’on en croit les chiffres même de l’agence américaine en charge de l’agence de la protection des frontières (U.S. Customs and Border Protection)3, le gouvernement mexicain a déjà fait beaucoup.

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Il n’y a en effet pas de crise de réfugiés à la frontière mexicaine. Il y avait deux fois plus d’arrestations à la frontière en 2007 qu’en 2018. De plus, l’essentiel de la réduction de ces flux vient justement des migrants mexicains. Ces nouveaux tarifs viendraient donc sanctionner des années d’amélioration de la situation du côté mexicain.

Ensuite, l’imposition de tarifs douaniers au Mexique est potentiellement contre productive. Pour commencer, c’est en opposition directe avec l’Accord Canada–États-Unis–Mexique négocié en 2018 pour remplacer l’ALENA et qui n’a pas encore été ratifié. Le 17 mai dernier, Donald Trump avait annoncé la fin des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium avec le Canada et le Mexique afin d’accélérer le processus4. Pourquoi mettre en danger tout cela maintenant ?

Contre productif aussi car encore une fois, les tarifs ne sont pas toujours payés par les exportateurs mais aussi par les consommateurs domestiques des biens importés. Les Mexicains ne seront pas les seuls à payer ce nouveau mur douanier.

Contre productif enfin car ils pourraient fragiliser l’économie mexicaine au point d’augmenter les arrivées illégales à la frontière. L’économie du Mexique est très dépendante des Américains : plus de 80 % des exportations mexicaines vont vers les Etats-Unis et il n’y a pas de réel importateur de substitution, Même à 5 %, l’imposition de nouveaux droits de douane serait catastrophique et détruirait probablement beaucoup d’emplois du côté mexicain de la frontière. Il ne serait pas étonnant que ces nouveaux chômeurs tentent leur chance du côté américain.

Au final, le seul mérite de la nouvelle stratégie de Trump est sa simplicité : elle met le président en valeur auprès de son électorat et réduit la politique internationale et des problèmes aussi complexes que ceux de la frontière mexicaine à leur portion congrue.

Perspectives :

  • Rien ne permet de savoir si les menaces de Donald Trump sont à prendre au sérieux. Il est probable qu’il se satisfasse d’une simple victoire symbolique si le gouvernement mexicain annonce des mesures non-significatives.
  • En effet, les tarifs douaniers ne semblent pas l’outil adapté pour arriver à ses fins. Par contre, ils mettent plus en valeur le président américain que les longues négociations commerciales de salon.