Quelle issue pour la drôle d’élection britannique ?
Pour ou contre le Brexit ? C’est la question principale qui divise les partis et les électeurs au Royaume Uni pour ces élections européennes qui n’auraient pas dû avoir lieu.
Les partis en faveur du leave (principalement le Brexit Party et UKIP) mènent clairement dans les sondages. Le Brexit Party sortirait vainqueur, suivi par le Labour et les libéraux-démocrates (LibDem). Les LibDem se positionnent comme le parti pro UE, alors que la position du Labour est beaucoup plus ambiguë. Quand au parti conservateur de Theresa May, il s’effondre sous la barre des 10 %. Les chances de faire passer à Westminster l’accord de retrait semblent désormais extrêmement faibles1.
Les électeurs pro-Brexit ont le choix facile : le Brexit Party de Nigel Farage2. En attendant, UKIP, également fondé par Farage, a du mal à préserver un profil intéressant pour les hard-brexiteers. Dans le camp anti-UE, il n’y aura donc que très peu de concurrence.
La concurrence se révèle être un problème pour le camp pro-UE, où beaucoup de partis (LibDem, Verts, SNP en Écosse, Plaid Cymru au Pays de Galles, Sinn Féin en Irlande du Nord…) s’arrachent un électorat divisé. Les partisans du remain devront choisir entre plusieurs camps, rendant un « vote stratégique » plus difficile. Le Parti Change UK – The Independent Group, résultat de sécessions au sein des partis travailliste et conservateur, se voulait le nouveau parti centriste et leader du mouvement anti-Brexit. Cependant ces dernières semaines l’élan du mouvement a rapidement diminué et sa crédibilité est ternie. Les LibDem profitent de cette implosion : un vote en leur faveur est clairement un vote pro-UE, mais également un vote pour l’unité nationale. De son côté, le SNP écossais a clairement annoncé son intention d’organiser un second référendum sur l’indépendance du pays3.
Tandis que certains voudraient voir ces élections comme un deuxième référendum, le think tank UK in a Changing Europe suggère qu’il faudrait analyser le taux de participation qui reflèterait l’importance que les électeurs accordent au symbolisme d’un deuxième référendum plutôt que les résultats de partis, étant donné que les deux partis traditionnels (Tory et Labour) sont extrêmement divisés. Du reste, le mauvais résultat attendu des Tories pourrait engendrer une réaction qui mène aux démissions de Theresa May et à une escalade menée par Boris Johnson.4.
Les Pays-Bas en ordre dispersé
Le jeu politique néerlandais, traditionnellement divisé (13 partis représentés à la chambre basse du Parlement, 9 au Parlement européen, 4 au gouvernement), présentera probablement ce jeudi des résultats à l‘image des équilibres dans l’Ouest de l’Union. À quasi-égalité, l‘extrême-droite du Forum voor Democratie (FvD) et les libéraux du Volkspartij voor Vrijheid en Democratie (VVD) du premier ministre Mark Rutte sont donnés largement en tête. Derrière eux, les Verts, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates devraient recueillir tous trois environ 10 % des voix. Cinq autres partis peuvent prétendre à obtenir au moins un siège sur les 26 dont disposent le pays.
Les urnes devraient consacrer la recomposition du camp néo-nationaliste néerlandais. Le Partij voor Vrijheid (PVV) de Geert Wilders, naguère figure majeure de l’extrême-droite européenne, a perdu l’immense majorité de ses électeurs en faveur de la jeune formation de Thierry Baudet5. Ce dernier a su s’imposer sur un discours climatosceptique, anti-immigration et proche des thèses racistes de l’alt-right américaine, défendant l’idée d’une « Europe boréale » qui ne pourrait résister au déclin que par la « remigration » de ses immigrants. Tête de liste, le publiciste Derk Jan Eppink est passé par tous les partis et par tous les points de vue sur l’Europe (il a travaillé à la Commission à ses débuts) selon le portrait que lui consacre le quotidien néerlandais NRC6. Le FvD propose d’organiser un référendum sur le retrait des Pays-Bas de l’Union européenne, sans toutefois appeler explicitement à un « Nexit » ; à la recherche d’alliances sur la scène européenne, il pourrait se tourner vers le groupe conservateur plutôt que vers l’Alliance de Matteo Salvini, dont il n’est pas partie prenante à ce jour. Mais même avec ce bon score, les 5 sièges dont ils pourront disposer ne lui donnent qu’un poids politique relatif.
Le gouvernement de Mark Rutte, souvent malmené ces derniers temps par des équilibres fluctuants et une majorité parlementaire excessivement étroite, ne devrait pas remporter la majorité des sièges de sa délégation.
Sources
- MARCHAND Vera, Les Tories se préparent à des élections européennes, Le Grand Continent, 17 mars 2019
- MARCHAND Vera, Le facteur Farage de nouveau au cœur du débat, Le Grand Continent, 12 mai 2019
- MARCHAND Vera, De Bruxelles à l’Écosse, un deuxième divorce en vue pour le Royaume-Uni ?, Le Grand Continent, 6 mai 2019
- L’heure de Boris ?, Le Grand Continent, 19 mai 2019
- HUBLET François, Le nouveau visage du nationalisme néerlandais, Le Grand Continent, 24 mars 2019
- VALK Guus, DE KONINCK Petra, Eppink wil geen commentator meer zijn, NRC, 19 mai 2019