Londres. L’hypothèse, très faible depuis le début, d’un accord de dernière minute entre le parti conservateur de Theresa May et le parti travailliste sur une sortie ordonnée de l’Union s’est définitivement évanouie vendredi à Londres. À une semaine des élections européennes, la faiblesse dans les sondages des deux partis qui ont gouverné le Royaume-Uni depuis 1945 n’a pas suffi à rapprocher les positions. Jeremy Corbyn, chef du Labour, a d’ailleurs argué de la « faiblesse et de l’instabilité croissante » du gouvernement de Theresa May. Le Labour est partisan du maintien du pays dans une union douanière européenne, tandis que Theresa May, plus que jamais sous la pression de l’aile droite de son parti, s’y oppose.

Mardi 14 mai, la première ministre a annoncé qu’elle se risquera à un nouveau vote aux Communes en juin. Les députés devront se prononcer sur un projet de loi sur le Brexit, qui fixera les modalités législatives du divorce, et non sur l’accord lui-même. Ce tour de passe-passe permet à la Première ministre de remettre à l’ordre du jour par la petite porte son accord de Brexit. « Lorsque les députés voteront, ils seront confrontés à un choix très clair : voter pour concrétiser le Brexit ou se dérober à nouveau », a déclaré vendredi Theresa May.

Qu’ils adoptent ou rejettent ce projet de loi, Theresa May devra se préparer à céder les rênes. Jeudi, elle a été sommée au cours d’une réunion avec le « comité 1922 », responsable de l’organisation des Tories, de convenir dès juin d’un calendrier pour l’élection d’un nouveau chef du parti conservateur. « Des hommes en gris ont dit à une Theresa May en larmes que son temps était écoulé », résumait vendredi le quotidien conservateur Daily Telegraph. « En pratique, cela signifie que Theresa May partira d’ici fin juillet au plus tard, pour permettre au parti de choisir un nouveau chef à temps pour la conférence des Tories en septembre », précisait le Daily Mail.

Le défenseur d’un Brexit dur Boris Johnson, ancien maire de Londres et ancien ministre des Affaires étrangères, a déjà confirmé qu’il serait candidat. Selon un sondage YouGov publié vendredi par le quotidien The Times1, Boris Johnson écraserait ses rivaux. Il est le candidat largement préféré (39 %) des adhérents sur Parti conservateur pour succéder à Theresa May, devant Dominic Raab, ancien ministre du Brexit dont la cote auprès des Tories est mesurée à 13 %. Tous les autres candidats testés par YouGov sont sous les 10 %.

Près de trois militants sur quatre se disent persuadés que Boris Johnson portera le parti conservateur à la victoire. La poussée du Brexit Party dans les sondages sur les élections européennes, fondé cette année par le fondateur du UKIP Nigel Farage et donné largement en tête dans les enquêtes d’opinion, déplace inévitablement à droite l’axe du parti Conservateur. Selon Jeremy Forsith, éditorialiste de l’hebdomadaire conservateur The Spectator, «  le succès du Brexit Party sera un signe de l’énorme frustration des électeurs que le Brexit n’ait toujours pas eu lieu »2.

Les sondages donnent désormais le Labour en 3ème position, avec une forte évasion de son électorat favorable au Remain vers le parti Libéral-Démocrate3 et les Tories en 5ème position, ce qui serait une défaite historique. Le bipartisme à la britannique, favorisé par le système électoral et longtemps considéré comme difficilement surmontable, est peut-être en train de sombrer sous nos yeux sous les effets du Brexit. Cela coïncide avec l’arrivée d’un parti Vert, qui s’est affirmé aux récentes élections locales en doublant le nombre de ses sièges4.

GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives :

  • 23 mai : élections européennes au Royaume-Uni
  • Début juin : vote à Westminster sur un projet de loi sur le Brexit
  • 31 octobre : date limite donnée par les Européens au Royaume-Uni pour un accord ordonné.
Sources
  1. COATES Sam, Boris Johnson crushes leadership rivals in poll of Tory members, The Times, 17 mai 2019.
  2. FORSYTH James, The Brexit Party’s success should be a wake-up call to MPs, The Spectator, 18 mai 2019.
  3. SAVAGE Michael, Labour panics as remain voters switch to Liberal Democrats, 18 mai 2019.
  4. DUNN Will, Caroline Lucas interview : the green wave rises, New Statesman, 16 mai 2019.