Brasilia/Podgorica. “Je suis très fier de rejoindre Steve Bannon en tant que chef du Mouvement au Brésil et représentant des nations d’Amérique latine. Nous collaborerons afin de reprendre le contrôle de notre souveraineté face à des forces élitistes, progressives et mondialistes et de diffuser un nationalisme de bon sens chez tous les citoyens d’Amérique latine. Nous restaurerons la dignité, la liberté et les opportunités économiques dans notre beau pays comme chez nos voisins. Nous mènerons à bien notre programme d’union des forces nationalistes. Le travail de M. Bannon en Europe est fondamental et nous soutenons ses efforts contre le dangereux pacte mondial sur les migrations. Nous gagnerons beaucoup à déployer nos forces dans la même direction, au service de la prospérité et du maintien de la culture occidentale millénaire”.

C’est par ce message publié sur les réseaux sociaux qu’Eduardo Bolsonaro a déclaré le 31 janvier dernier qu’il rejoignait officiellement “The Movement”. Cette fondation, créée en 2017 par l’avocat et militant d’extrême-droite belge Mischaël Modrikamen, est supervisée depuis 2018 par Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump. Installée à Bruxelles, elle vise à regrouper, en Europe et ailleurs, les groupes politiques s’opposant au “mondialisme”. Elle a même été présentée comme une tentative de concurrencer l’Open Society Foundations de George Soros (2).

L’adhésion officielle d’Eduardo Bolsonaro au Mouvement n’est pas surprenante. Elle advient après des mois de rapprochement et d’échanges cordiaux. Steve Bannon a particulièrement encensé Eduardo Bolsonaro le 8 décembre dernier, à l’occasion d’un meeting intitulé « Bescherm ons Europa » (« Protégez notre Europe ») organisé au Parlement flamand par le parti nationaliste et indépendantiste Vlaams Belang (« Intérêt flamand »). À cette occasion, devant un parterre regroupant Marine Le Pen et de nombreux opposants européens au “pacte mondial sur les migrations”, il a dressé le portrait d’une internationale néo-nationaliste en cours de constitution.

Pour prouver que “l’union des forces nationalistes” était en marche à l’échelle mondiale, Bannon a évoqué deux événements qui prenaient place le même jour que la conférence. Il s’agissait d’une part du meeting organisé pour fêter, le jour de l’Immaculée conception (férié en Italie), les six mois de l’arrivée aux affaires de la Lega. Selon les organisateurs, 80 000 militants seraient venus applaudir le vice-président du Conseil Matteo Salvini (4), à ce jour le seul soutien européen d’envergure au “Mouvement” de Bannon et de Modrikamen.

Bannon a dans le même élan évoqué un événement organisé par Eduardo Bolsonaro et qui a eu moins de retentissement dans les médias européens : la Cúpula Conservadora das Américas (Sommet conservateur des Amériques). Conçue comme une réponse nationaliste et de droite au Foro de São Paulo, une conférence des partis et des organisations de gauche latino-américaines organisée annuellement par le Parti des travailleurs du Brésil depuis 1990. Le sommet à l’initiative d’Eduardo Bolsonaro s’est tenu Foz do Iguaçu (État du Parana) et a été suivi de la publication d’un document intitulé “Carta de Foz” (3). Censé représenter les aspirations des conservateurs d’Amérique latine, il exposait des aspirations comparables à celles défendues par Steve Bannon : le “renforcement de l’unité nationale”, la “défense de la famille”, “l’institutionnalisation du libéralisme économique” et le “renforcement des valeurs de la culture occidentale”.

Si la convergence idéologique entre la famille Bolsonaro et “Le Mouvement” de Bannon n’est donc pas une nouveauté, intégrer Eduardo Bolsonaro à l’organigramme de la fondation bruxelloise traduit une réorientation notable du “Mouvement”. L’an dernier, il était présenté comme une “machine de guerre” électorale destinée à assurer aux mouvements nationalistes ou d’extrême-droite au moins le tiers des sièges du Parlement européen. Il s’agissait notamment de leur assurer un soutien logistique (production de sondages, démarchage électoral, communication, etc.) et une source de financement tout au long de la campagne.

Une telle ambition a rapidement été jugée impossible au vu de la législation de l’Union Européenne (UE) sur le financement des campagnes parlementaires européennes. À l’exception de Matteo Salvini, “The Movement” n’a en outre pas reçu de soutien notable de la part des leaders nationalistes du continent européen. Au nom de l’indépendance de leurs partis respectifs et de leur volonté de faire prévaloir des intérêts nationaux, les dirigeants de l’AfD (Allemagne), du FÖP (Autriche) et du UKIP (Royaume-Uni) ont tous exclu de participer au “Mouvement”. Marine Le Pen a quant à elle jugé en octobre dernier qu’il revenait aux Européens, et non à l’Américain Steve Bannon, de mener le combat des élections européennes.

Du fait de ces réticences diverses, Mischaël Modrikamen, nommé directeur opérationnel du “Mouvement” par Bannon, préfère donc désormais le présenter comme un “club” destiné à faciliter des contacts informels entre les différents mouvements nationalistes plutôt que comme une plateforme électorale commune (1). Semblant abandonner l’objectif électoral des européennes, “The Movement” élargit son champ de recrutement et ne se focalise plus seulement sur les contacts avec des formations populistes à l’intérieur de l’Union européenne. Après Bolsonaro, le député d’opposition monténégrin pro-russe Nebojsa Medojevic, militant contre l’entrée de son pays dans l’Union européenne et pour sa sortie de l’OTAN, a ainsi indiqué le 4 février dernier qu’il souhaitait que son “Mouvement pour les changements” (PzP) collabore avec le think tank bruxellois de Bannon (5).

Sources :

  1. BERSHIDSKY Leonid, Steve Bannon’s European Partner Forgot the Pitchforks, Bloomberg, 3 février 2019.
  2. Steve Bannon plans Brussels-based foundation “The Movement” for EU far-right, Deutsche Welle, 21 juillet 2018.
  3. HAUBERT Mariana, Cúpula divulga “Carta de Foz”, documento com “anseios dos conservadores da América Latina”, O Estado de S.Paulo, 10 décembre 2018.
  4. Poussé par les sondages, Salvini réunit ses partisans à Rome Crispian Balmer, Reuters, 8 décembre 2018.
  5. RUDIC Filip, Montenegro Opposition Leader to Join Steve Bannon “Movement”, Balkan Insight, 4 février 2019.