Téhéran – Le 11 novembre, la liste des entités exemptées d’impôts par la République Islamique d’Iran a été rendue publique. Pour la première fois, l’Astan-e Qods Razavi, la très puissante fondation de Mashhad (1), menée par Ebrahim Raïsi (le candidat défait au second tour de la présidentielle par Hassan Rohani), n’en fait pas partie. Cette fondation possède plus de 40 pour cent du foncier de la seconde ville iranienne, emploie plus de 20 000 personnes et possède un des capitaux économiques les plus importants du pays (4). Elle joue un rôle religieux, politique, économique et sociale majeur en Iran.

Cette évolution est à observer dans les dissensions qui agitent l’État iranien depuis une dizaine de jours. Le ministre des Affaires étrangères a récemment dénoncé les “nombreux individus qui bénéficient du blanchiment d’argent”, faisant écho aux propos tenus par Hassan Rohani en 2017 (5). La presse conservatrice iranienne s’est empressée de dénoncer les propos du ministre et de demander des preuves de ces accusations (3). Alors que certains députés du majles ont manifestés leur soutien à Mohammad Javad Zarif, la présentation de preuves par le ministre est encore incertaine mais cet épisode témoigne des tensions entre d’une part le camp des modérés qui essayent de maintenir leur influence en Iran et de trouver une porte de sortie avec l’Europe, et qui ont tenté de faire ratifier certaines recommandations du Groupe d’action Financier pour lutter contre le blanchiment d’argent en Iran, et d’autre part un camp conservateur qui bloque ces lois au Conseil des gardiens.

En s’attaquant au problème de la corruption, c’est tout une frange de la société iranienne qui se sent visée, mais c’est aussi répondre au ras-le-bol d’une majorité d’entre eux qui dénoncent une corruption endémique (2). C’est aussi mieux creuser le gouffre dans la manière d’appréhender le retour des sanctions, entre un camp “conservateur” qui cherche à rebondir sur l’intransigeance américaine pour se renforcer et un camp “modéré” qui veut regagner en légitimité auprès de sa population tout en essayant de se conformer au droit international afin de tirer profit du JCPOA.

Perspectives :

  • L’évolution du rapport de force entre les conservateurs et les plus modérés au sein de l’Etat iranien sera déterminante. Zarif, soutenu par son camp, est sous le feu de certaines critiques. Artisan du JCPOA, sa situation devrait permettre d’appréhender les rapports de pouvoir au sein de l’État iranien.

Sources

  1. HOURCADE Bernard, « Vaqf et modernité en Iran. Les agro-business de l’Astân-e qods de Mashhad ». in Richard Yann, Entre l’Iran et l’Occident. Adaptation et assimilation des idées occidentales en Iran, Paris, Ed. de la Maison des Sciences de l’Homme, pp. 117-141.
  2. Khamenei Reportedly Gives Tax-Exempt Status To Entities Under His Control, Radio Farda, 11 novembre 2018
  3. Zarif’s Colleagues Come To His Defense As Impeachment Talk Conitues, Radio Farda, 21 novembre 2018
  4. Service Economique de Téheran, La province du Khorasan-e Razavi, juin 2018.
  5. The Iran Project, Raisi explains about tax exemption of foundation he runs, 9 mai 2017.

Clément Houdart