Milan. De grands mouvements sont annoncés dans le centre droit italien. Et les élections européennes pourraient être le théâtre de l’avenir de la droite italienne, avec la Ligue de Matteo Salvini qui, selon les sondages, dépasse largement les 30 % des suffrages et devient de plus en plus dominante (1). Ce sont précisément ces résultats qui auraient déclenché une reconfiguration des relations de pouvoir entre les différents partis qui constituaient l’alliance de centre droit lors des élections de mars : Lega, Forza Italia et Fratelli d’Italia.

Selon des sources exclusives consultées par la Lettre, de nombreux représentants de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, et de Fratelli d’Italia, le plus petit parti de la coalition, dirigé par Giorgia Meloni, envisagent avec un intérêt croissant la possibilité de passer du côté de la Ligue. L’objectif serait de créer une « Ligue italienne », qui verrait les représentants des petits partis de centre-droit se présenter avec la Ligue de Salvini dans les circonscriptions centre et sud lors des prochaines élections européennes. Une première confirmation de cette dynamique a été donnée ces derniers jours par Nello Musumeci, président de la Sicile nommé par la coalition de centre-droit et ancien membre du parti néo-fasciste du Mouvement social italien (MSI), qui avait déjà participé au rassemblement Lega Nord de Pontida en juin dernier (4).

La ligne de Musumeci rapproche Salvini de son objectif, qu’il poursuit depuis qu’il est secrétaire de la Ligue en 2013 : transformer le parti en une force nationale et nationaliste. Cet objectif pourrait, paradoxalement, être rendu plus atteignable par la récente confirmation de la condamnation par la Ligue à rembourser 49 millions d’euros qui lui auraient été indûment affectés en 2008, ce qui pourrait conduire Salvini à abandonner l’ancien projet politique de la Lega Nord, responsable du déficit, pour se concentrer sur le nouveau parti Lega per Salvini Premier, créé lors des dernières élections avec une perspective déjà nationale (5). Le mouvement vers la droite, bien qu’il doive faire face à l’opposition de Silvio Berlusconi et de nombreux parlementaires de la Forza Italia, a été soutenu par la Lega per Salvini Premier et notamment par Giovanni Toti, président de la Ligurie et l’un des premiers à soutenir la création d’un bloc de droite en opposition aux ambitions plus centristes et « populaires » de Berlusconi, et par la députée vénitienne Elisabetta Gardini. Après un été d’hostilité ouverte, le récent rapprochement entre Forza Italia et la Ligue au sujet de la présidence de Radiotelevisione Italiana semble confirmer une tentative de réconciliation et indiquer que la résistance de Berlusconi au sein de Forza Italia a peut-être été brisée (3).

Si tout se passe comme prévu, l’expérience devrait démarrer officiellement aux élections européennes, avec les membres des autres partis de centre droit candidats aux côtés de la Ligue, afin renforcer la troupe des partisans de Salvini au Parlement européen. Ce faisant, Salvini disposant de soutiens externes pourrait voir la minorité interne de la Ligue insatisfaite du nouveau cycle salvinien (dont nous avons parlé dans une précédente édition de la Lettre) (2) passer à un autre groupe politique européen (comme Ecr qui, ne disposant plus des conservateurs britanniques, serait heureux de l’aide apportée par certains politiciens italiens). Ainsi, les élections européennes pourraient s’avérer être les tests généraux de la nouvelle transhumance dans le centre-droit italien. Tout cela au profit de la nouvelle hégémonie de Matteo Salvini.

Perspectives :

  • Suite à l’arrêt du Tribunal de révision de Gênes, la saisie des biens de la Ligue a été déclenchée « jusqu’à un total de 49 millions ». L’accusation devra maintenant s’adresser au tribunal pour procéder au retrait. Mais la Ligue peut saisir la Cour de cassation pour demander l’annulation du jugement.
  • Outre les élections européennes, les élections régionales et locales entre 2019 et 2020 constitueront un autre moment qui indiquera l’équilibre du pouvoir au centre-droit : l’alliance entre la Ligue et Forza Italia, qui gouvernent désormais presque partout ensemble au niveau local, pourrait changer.

Sources :

  1. ANANIA Francesco, VENA Emanuele, Sondaggi politici elettorali 2-8 settembre, Termometro politico, 11 septembre 2018.
  2. COLLOT Giovanni, La vera opposizione a Salvini viene da dentro la Lega ?, La Lettera del Lunedì, 2 septembre 2018.
  3. DI GIORGIO Massimiliano, Rai, Lega e Forza Italia vicine a intesa su presidenza Foa, Reuters, 13 septembre 2018.
  4. Musumeci a Pontida alla festa della Lega : « Senza Sud il Nord non va da nessuna parte », La Sicilia, 1 juillet 2018.
  5. PREVE Marco, Fondi Lega, ipotesi riciclaggio per i 49 milioni truffati e spariti : rogatoria dei pm in Lussemburgo, La Repubblica, 13 septembre 2018.