Rome. Dans la “guerre du gaz”, Donald Trump est sur tous les fronts. Mardi dernier, à la Maison Blanche, il rencontrait le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, pour tenter d’influencer son gouvernement réticent quant à la construction du Trans Adriatic Pipeline (Tap) et enclin à écouter l’opposition locale au projet. Le Tap est le dernier tronçon du Corridor sud, censé apporter 10 bcm de gaz azéri en Europe. Il est au cœur de la stratégie de diversification de l’approvisionnement en gaz de l’Union mais sa réalisation serait remise en cause par la non-participation de l’Italie, principal marché visé. En Italie, la forte opposition locale s’est développée pour des raisons environnementales.

A l’issue de l’entretien, le Premier Ministre italien s’est engagé à rencontrer les autorités locales dès son retour pour tenter de trouver une solution qui satisfasse toutes les parties (2). Giuseppe Conte s’est donc rendu jeudi à Melendugno, ville côtière où le Tap doit rejoindre l’Italie, afin de s’entretenir avec le maire Marco Poti. Conte s’est voulu rassurant envers Marco Poti, lui promettant un réexamen du dossier par son gouvernement. Le Premier ministre a toutefois tenu à rappeler que des engagements juridiques ont été pris par le précédent gouvernement. Il a également mis en avant le fait que la diversification de l’approvisionnement en gaz est un objectif stratégique pour l’Italie. En effet, le 12 décembre dernier, une explosion au sein du hub de Baumgarten (Autriche) avait contraint l’Italie à faire usage de ses stocks et à déclarer l’état d’urgence. Carlo Calenda, l’ancien titulaire du Ministère du Développement économique, avait alors estimé que cet état d’urgence n’aurait pas été nécessaire avec le Tap.

Les propos du Premier ministre viennent nuancer le discours ferme que tenait son ministre de l’environnement qui écrivait à Reuters début juin : “Compte tenu de notre politique énergétique, compte tenu de la baisse de la demande de gaz, ce projet semble aujourd’hui inutile”. La visite de Trump semble avoir eu son effet. Mais l’opération séduction de Conte, auprès du Maire Poti, a également connu un certain succès. Ce dernier dit ressentir un climat politique différent en comparaison aux relations conflictuelles qu’il entretenait avec le dernier gouvernement.

Reste à savoir si le Tap, s’il venait à être construit, répondra aux objectifs de diversification de l’approvisionnement en gaz de l’Union. En effet, la Russie fait évoluer sa stratégie et souhaite utiliser le Troisième paquet énergie à son avantage. Après l’échec du South Stream, Gazprom désire user du Tap pour faire transiter le gaz du Turkish Stream (1). En effet, le projet Turkish Stream doit arriver du côté turc de la frontière turco-grecque, là où le Tanap rejoint le Tap. Gazprom ne prenant pas part au consortium Tap.ag, son engagement sera légalement conforme au Troisième paquet énergie.

Aborder la question de la sécurité énergétique européenne avec Conte a sans doute été une nouvelle occasion pour Trump de faire la promotion du Gnl américain, dont l’Italie est un client potentiel.

Perspectives :

  • La poursuite des discussions entre le gouvernement italien et les autorités locales seront à observer. Le consortium en charge du Tap estime qu’une réorientation du gazoduc hors de l’Italie n’est pas envisageable et que la perspective d’un nouveau tracé en Italie retarderait le projet de quatre à cinq ans.

Sources :

  1. GOTEV Georgi, Russia can use Trans-Adriatic pipeline, Commission confirms, Euractiv, 06/03/2015.
  2. Italy PM non-committal after discussing TAP pipeline dispute with mayor, Reuters, 02/08/2018.