Capitalismes politiques en guerre

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De Lénine à Poutine, des infrastructures titanesques ont façonné le paysage de la Russie. Des centaines de milliers d’hommes sont morts pour les construire. Pour des barrages, des centrales nucléaires ou des méga-usines, ils ont brisé les glaces de l’Arctique, détruit des écosystèmes, asséché des lacs. Hier comme aujourd’hui, ces rêves d’acier et de béton sont surtout des armes de guerre. Paul Josephson revient sur leur histoire — du goulag à l’invasion de l’Ukraine.

La Russie est-elle vraiment en économie de guerre  ?

À y regarder de plus près, les ressources financières et industrielles de Moscou — mais aussi sa main-d’œuvre — sont loin d’être aussi illimitées que Poutine le prétend. Dans une étude chiffrée, le spécialiste des politiques de défense Pavel Luzin nous plonge au cœur d’une économie de l’armement largement en crise depuis l’invasion de l’Ukraine — et qui repose désormais sur des stocks de l’ère soviétique.

Partout, les politiques industrielles se redéploient. Mais comment garantir leur efficacité  ? En Israël, une success story ambitieuse s’est arrêtée net lorsque la coalition d’intérêt qui la sous-tendait s’est affaiblie. Dans cette étude de cas depuis Tel-Aviv, Erez Maggor montre qu’à l’heure de la guerre des capitalismes politiques, la puissance de l’État ne suffit pas à relancer une politique industrielle.

Autrefois principale matrice, le seul gain économique est devenu insuffisant pour évaluer les forces et faiblesses stratégiques du secteur privé sur la scène internationale. Afin de surmonter les nouvelles rivalités géopolitiques, les entreprises doivent repenser leurs modèles, pratiques, activités – jusqu’à leur géographie, qui se retrouve à nouveau au premier plan.

Demain, Emmanuel Macron sera en Inde pour une visite de deux jours. C’est le moment d’examiner la stratégie économique du pays le plus peuplé du monde. Depuis son élection, en 2014, Narendra Modi entend profiter de la défiance suscitée par la Chine de Xi Jinping pour mieux promouvoir l’attractivité indienne. Dans un monde déjà travaillé par de fortes tensions, cette ligne pourrait ouvrir un nouveau front dans la guerre des capitalismes politiques.

Dans la guerre des capitalismes politiques, l’Europe n’a pas assez défini les contours de sa politique de sécurité économique. Doit-elle englober des intérêts commerciaux qui ne touchent pas directement à la protection de l’Union  ? C’est toute la question que pose l’enquête récemment ouverte sur les conditions de production de véhicules électriques chinois. En creux, une question se pose  : la prospérité du continent est-elle la première de ses sécurités  ?

Il n’y a pas de détente dans la guerre des capitalismes politiques entre les États-Unis et la Chine. Cette semaine, Gina Raimondo, secrétaire d’État au commerce, livrait un discours très offensif qui détaillait sa doctrine en matière de protection des savoirs et des technologies américaines face à la Chine. Avec une idée sous-jacente  : il s’agit de «  la plus grande menace  » que les États-Unis aient jamais eu à affronter. À lire pour comprendre les ambitions et les paradoxes de la nouvelle stratégie américaine.

Et si l’Europe se fourvoyait en cherchant à émuler les modèles de capitalismes politiques qui ont émergé en Chine et aux États-Unis  ? C’est la question que pose sérieusement David Edgerton dans ce texte qui réfléchit à la manière dont l’économie du quotidien — en anglais, la Foundational Economy — pourrait être beaucoup plus décisive dans l’amélioration à moyen et long terme du niveau de vie des Européens.